dimanche 29 janvier 2012

les 100 derniers jours



Patrick L'ECOLIER, le patron du café café littéraire, philosophique et sociologique que je fréquente régulièrement, a eu la bonne idée d'organiser un "petit exercice" original: sur le site qu'il anime, publier un texte chaque jour qui nous sépare du second tour de l'élection présidentielle: "les 100 derniers jours".  
Il n'y a pas de règles particulières, sinon celles de l'intelligence et du respect. Mais il n'est pas interdit non plus d'être iconoclaste, railleur, impertinent, drôle, espiègle, farceur, pince-sans-rire, taquin, narquois, facétieux. Tout en étant sérieux sans se prendre au sérieux. Et tout ça dans la joie et la bonne humeur!
Je me suis donc porté volontaire pour écrire quelques textes et le patron du lieu me fait l'honneur et l'amitié de publier mon premier billet: http://calipso.over-blog.net/article-les-100-derniers-jours-j-100-97733985.html. Je le publie à la fin de cet article.
Tous les jours, ily aura un texte publié sur le site: www.calipso.over-blog.net. Aussi, je vous invite à y faire un tour quand vous aurez deux minutes. Il me semble que vous ne serez pas déçu...
Bonne lecture.


Le Père Cent 
par Claude Bachelier
Ce jour-là, Raymond avait acheté une bouteille de champagne et il avait invité quelques copains dans sa chambre, laquelle chambre lui piquait la moitié de sa paie d’ouvrier à temps partiel et à contrat précaire.
Le champagne, c’était un peu plus cher que le mousseux, mais bon, ce n’était pas tous les jours que l’on fêtait le « Père Cent », c’est-à-dire les cent jours qui restaient avant le changement de boss. Ils avaient trinqué dans des gobelets en plastique et chanté un vieil air qu’ils avaient appris à l’armée : « la quille viendra, les bleus rest’ront pour laver les gamelles …


Ils y croyaient tous au départ du boss, mais ne se faisaient pas trop d’illusions. Comme disait la grand-mère de Raymond : « il ne faut jamais compter les œufs dans le cul de la poule ! ». Parce que les votants – et ils en faisaient partie – râlaient, allaient même jusqu’à protester, mais il leur arrivait trop souvent d’avoir peur de l’avenir.


Raymond, lui, n’avait pas eu peur de l’avenir quand, il y a quelques années, il avait décidé de choisir ce type. Il lui paraissait jeune, dynamique, ambitieux, généreux, des qualités essentielles aux yeux de Raymond pour occuper ce poste. Mais cette jeunesse ne s’est révélée que conservatrice ; le dynamisme, un autoritarisme sournois ; l’ambition, une soumission aux financiers. Quant à la générosité, elle ne s’est révélée qu’égoïsme.


C’est vrai qu’il y avait cru à ce type. Pourtant, la déception est venue aussitôt : le soir où il est devenu le boss, plutôt que de venir vider un canon à la cantine de l’usine, il est allé faire un gueuleton avec ses potes, boss comme lui. Il avait promis qu’avant d’occuper son bureau, il allait réfléchir à de nouvelles stratégies pour que la boite tourne mieux. Drôle façon de réfléchir: faire la nouba sur un yacht avec sa bourgeoise et des copains !


Ça, c’était le début. Et ce qui aurait pu passer pour des erreurs de jeunesse se révéla un hors d’œuvre à côté des plats de résistance qui ont suivi : il a commencé à couper dans le budget de la formation continue et viré la moitié des formateurs au prétexte qu’il ne servait à rien de savoir lire autre chose que les notes de service et les notices d’utilisation des machines. A l’infirmerie, là aussi, il a viré la moitié des soignants au prétexte que les conditions de travail étaient idéales et que personne ne pouvait être malade. Sans compter qu’il a vendu la moitié de l’infirmerie à des margoulins qui vendaient très chers des médicaments bidons à l’infirmerie.


Il a décidé qu’il fallait bosser plus pour avoir une meilleure paie. Sauf que les quelques sous gagnés en plus ont servi à payer les augmentations des loyers, du pain ou du gaz, et même celles des médicaments, bien qu’il y avait une assurance pour ça. Assurance qui augmentait elle aussi.


Ses sbires, eux, traitaient les malades de fainéants qui ruinaient le système. Parce que tout ce beau monde n’avait qu’une formule à la bouche : « ça coûte trop cher ». La formation, ça coûte trop cher ; les soins, ça coûte trop cher ; les congés, ça coûte trop cher. Même les paies, ça coûte trop cher. Il n’y a qu’un truc qui n’est pas trop cher, c’est la façon dont ils vivent. Là, rien n’est trop cher.


Et puis, il y a aussi les financiers. Le boss, il dit qu’il ne les aime pas et qu’il s’en méfie. Mais, il suffit qu’ils fassent les gros yeux et hop, il se met au garde à vous. A croire qu’il en a peur. Alors, conséquences immédiates : moins de paie, moins de formation, moins de soins et le pain est plus cher, les loyers et le gaz aussi.


«La quille viendra, les bleus rest’ront pour laver les gamelles… » Ce jour-là, Raymond et ses copains avaient levé le coude en l’honneur du « Père Cent ». Cent jours, c’est long et c’est court à la fois. Napoléon en savait quelque chose.





1 commentaire:

  1. ...Il n'y a que les Boss qui ne font rien qui ne seront jamais critiqué !

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Soixante ans..... Déja!!!!

 Soixante ans..... Déjà!!!!!