mercredi 14 décembre 2022

Le pourquoi du comment des gens: Louise MÉNARD et Paul MAGNAUD


 

Louise MENARD

Louise Ménard est née en 1875. Elle vit dans l'Aisne, dans le village de Charly-sur-Marne, avec sa mère et son fils de deux ans. Elle n'a pas de travail et reçoit une allocation du bureau de bienfaisance local. Allocation bien insuffisante pour nourrir cette famille de trois personnes.
Alors que sa mère et son fils n'ont rien mangé depuis 36 heures, le 22 février 1898, elle vole un pain de 3 kilos à la devanture d'une boulangerie. Elle se fait prendre, le boulanger porte plainte et les gendarmes la défèrent au tribunal de Chateau-Thierry le 4 mars 1898.

C'est à ce moment précis que cette affaire revêt un intérêt particulier.

En effet, le président du tribunal, Magnaud, relaxe l'accusée. Au grand dam du procureur.  

"Attendu que la faim est susceptible d’enlever à tout être humain une partie de son libre arbitre et d’amoindrir en lui, dans une grande mesure, la notion du bien et du mal ; Qu’un acte ordinairement répréhensible perd beaucoup de son caractère frauduleux, lorsque celui qui le commet n’agit que poussé par l’impérieux besoin de se procurer un aliment de première nécessité, sans lequel la nature se refuse à mettre en oeuvre notre constitution physique."(1)

À une époque où il ne fait pas bon, pour les pauvres, de se retrouver devant un tribunal, cette décision fait grand bruit.

 

Paul MAGNAUD

Alors, qui est ce Paul Magnaud, ce juge qui ose prendre une telle décision iconoclaste?

Il est né en 1848 à Bergerac et décédé dans la Haute Vienne en 1926. Entré dans la magistrature en 1880, il sera successivement substitut puis juge d'instruction avant d'être nommé président du tribunal civil de Chateau-Thierry en juillet 1887: il a alors 39 ans.
En 1906, il est élu député radical socialiste de la Seine pour un seul mandat et termine sa carrière dans la magistrature comme conseiller à la cour d'appel de Paris.

Il a la réputation d'être un républicain farouche, très anti clérical. Il a, pourrait-on dire, une vision moderne de ce que devrait être la justice.
Il déclare, alors qu'il siège à la Chambre:
 
« N’est-il pas souverainement déconcertant qu’en 1908, pour trancher un litige, le juge, abdiquant sa personnalité et se cristallisant dans les traditions d’un autre âge, aille copier sa décision dans les recueils poussiéreux de 1810 ? »

 

Alexandre MILLERAND

Alexandre Millerand, avocat de formation, va dans le même sens en déclarant dans "l'avenir de l'Aisne" en 1891:

« On comprend que les malheureux juges perdent la tête.
[…] Tantôt ils s’attachent désespérément à la lettre de la loi, au risque d’exaspérer l’opinion toujours tenue en éveil ; tantôt, sous la crainte d’une polémique violente, ils tombent dans l’excès contraire et, pour mériter une approbation qui leur manque, violent ouvertement les textes les plus précis »

Lorsqu'il relaxe Louise Ménard - "la fille Ménard" comme il est dit dans les attendus du procès - Magnaud est soutenu par l'opinion publique et certains politiques, ceux de gauche en particulier, comme Clemenceau qui le surnomme "le bon juge".

La relaxe de Louise, relaxe qui interprète le Code Pénal de l'époque, va donner lieu à la reconnaissance d'un "état de nécessité". Lequel état ne sera pas reconnu par la Cour d'Appel - qui pourtant validera la relaxe - étant entendu que "l'état de nécessité n'est pas fondé en droit."

 

 

 

Ce droit de nécessité ne sera introduit dans le Code Pénal qu'en ... 1994.

Qu'est-ce exactement ce droit de nécessité?

L'article 122-7, en vigueur depuis le 1er mars 1994, dispose: 

N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. (2)

Peut-on dire aujourd'hui que cet article de loi a encore sa pertinence? Bien sûr que oui. Même s'il existe des associations comme les Restos du Coeur ou le Secours Populaire, hélas bien insuffisantes pour faire face à la misère et à la pauvreté.


 

Car, c'est triste à dire, nous sommes la 7ème puissance économique mondiale en terme de PIB, nous faisons partie du G7 qui regroupe les sept puissances qui détiennent les 2/3 de la richesse mondiale.


 

Et, malgré cela, nous avons, chez nous, 8% de pauvres, c'est-à-dire près de 9 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, fixé en 2021 à 1063€ nets par mois ou 34€ par jour. (3)

On peut me répondre que la pauvreté n'est pas un phénomène nouveau et qu'il a toujours existé dans toutes les sociétés. Ce qui est exact, hélas.
Pour autant, doit-on excuser une injustice par une autre injustice? Non!

Je n'ai pas, bien sûr, de solutions miracles, tout comme tous les présidents qui se sont succédés depuis des lustres. Sauf que eux, ils ont, ou plus exactement ils devraient avoir une volonté réelle d'éradiquer ces pauvretés en s'en donnant les moyens financiers 


Certes, ils affirment la main sur le coeur qu'ils vont tout mettre en oeuvre pour y mettre  un terme. 


Sauf que ni les moyens ni la volonté ne sont au rendez-vous. 


D'autant que certains font honteusement l'amalgame entre pauvreté et assistanat; que d'autres font confiance au "ruissellement" ou que d'autres encore évoquent la nécessité d'une révolution; d'autres enfin s'en remettent à la fatalité.
Sans oublier les fous qui affirment que les "Français sont des passagers de 1ère classe"(4), y compris bien sûr les 9 millions de pauvres!!!

Bref, un peu partout dans le monde, nous allons entendre les mêmes discours sur les bonnes résolutions à prendre, sur ce qu'il faudra faire pour "aider les pauvres".


Mais les pauvres n'ont pas besoin de bonnes résolutions: ils ont besoin de ne plus être pauvres. Ils ont besoin de salaires décents et pérennes qui leur permettront de vivre décemment. Et de respect!

Le reste, tout le reste n'est que bavardage dérisoire!

 

(1) extrait de la revue "Graines d'histoire", la mémoire de l'Aisne, automne 1999, N°7
(2) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006417220
(3) https://www.ordredemaltefrance.org/quel-est-le-seuil-de-pauvrete-en-france
(4) François PATRIAT, sénateur de la Côte d'Or, lemonde.fr du 14/12/2022 dans l'article "réforme des retraite: divergences entre Emmanuel Macron et Elisabeth Borne."
 

 



dimanche 20 novembre 2022

le pourquoi du comment des choses: LA COUPE DU MONDE DU FOOTBALL OUVRIER EN 1934

 Aujourd'hui 20 Novembre 2022 débute la 22ème édition de la coupe du monde de football au Qatar.

Polémiques, avalanche tardive de bonnes consciences, boycotts divers et variés caractérisent ce Mondial 2022. 



Mon billet d'aujourd'hui ne concernera pas cette compétition-là, mais celle, plus surprenante, qui a eu lieu en août 1934: la coupe du monde de football ouvrier organisée à Paris et dans ce qui s'appelait alors sa "banlieue rouge."

Faisons un bref retour en arrière dans le temps:

  • en octobre 1917, en Russie, Lénine et les bolchéviques ont pris le pouvoir et ont installé la dictature du prolétariat.
  • en octobre 1922, en Italie, Mussolini est nommé Président du Conseil et installe avec les chemises noires la dictature fasciste.
  • en mars 1933, Hitler est nommé chancelier et installe la dictature nazie.
  • en mars 1920, en Hongrie, l'amiral Horty* installe un régime autoritaire qui le conduit à soutenir l'Allemagne nazie.
  • en 1932, au Portugal, Salazar* installe un régime dictatorial et corporatiste. 
La France, république démocratique et pluraliste se retrouve, quasiment isolée, face à des états qui ont banni la démocratie et emprisonné ses citoyens républicains.

En France, les émeutes du 6  février 1934* déclenchées par l'Action Française et la Ligue des Patriotes, ébranlent le régime républicain.
En réponse, les différents partis de gauche français appellent à une journée de grèves et de manifestations le 12 février 1934:  c'est l'union des forces de gauche d'où sortira deux ans plus tard le Front Populaire.

Ce n'était pas évident parce que, jusqu'en 1934, l'URSS, alors dirigée par le seul Staline, interdit à ses alliés au sein des Démocraties européennes (PCF, PCI, PCB) toutes alliances, de près ou de loin, avec les autres partis politiques, y compris ceux classés à gauche comme la SFIO en France.
Pour le dirigeant soviétique, la social-démocratie est "l'aile du fascisme" ou "le frère jumeau du national-socialisme".
Les communistes français, sous la direction de Maurice Thorez, appliquent à la lettre les directives stalinienne dites de "classe contre classe".

Staline qui affirmait alors que « dans de nombreux pays capitalistes hautement développés, le fascisme sera le dernier stade du capitalisme avant la révolution sociale » change radicalement ses ordres aux "partis frères" et leur ordonne de mener des politiques anti-fascistes avec les autres mouvements politiques européens, de gauche bien sûr, mais aussi centristes.

Ce changement radical va s'opérer dans tous les aspects de la vie des différentes démocraties européennes, en particulier en France: politique, culturel, social, mais aussi sportif et c'est cela qui nous intéresse aujourd'hui.


En juin 1934 s'est achevée à Rome la seconde coupe du monde de foot, remportée par l'équipe italienne, salut fasciste de rigueur.

Depuis 1920, le monde ouvrier s'efforce de s'organiser différemment des instances sportives dites "bourgeoises". 


 

Ainsi, tout de suite après la Grande Guerre, la toute jeune Fédération Sportive du Travail (FST), proche du tout jeune PCF, organise avec son homologue allemande un match pour protester contre le Traité de Versailles, censé "dépasser les antagonisme nationalistes entretenus par la bourgeoisie."

Dans les "banlieues rouges" de la région parisienne, les élus communistes à la tête des municipalités considèrent le foot comme "le blason de la société communale, ouvrière et communiste" (1) 

De cette volonté naitra l'idée d'organiser une coupe du monde de football ouvrier. Mais aussi de mettre en place des compétitions, se réappropriant les classiques du "sport officiel" comme l'organisation en 1936 à Barcelone des "Olimpiada Popular", en contrepoint des Jeux Olympiques de Berlin.

 


Cette coupe du monde du football ouvrier se déroule du 11 au 18 août 1934 et engage douze équipes dont, bien sûr, celle d'URSS.
À l'opposé de la coupe du monde se déroulant en Italie, cette compétition obéit aux seules règles de "la solidarité du respect de la morale sportive et du refus de la commercialisation".

Les règles organisant les matchs eux-même ne diffèrent en rien de celles imposées par la FIFA. Pour autant, dans l'esprit des organisateurs, cette compétition n'est pas seulement une opération de propagande, mais aussi, mais surtout une façon d'être au dessus du niveau de la coupe du monde "capitaliste".

Une façon de démontrer l'exemplarité communiste, montrant des joueurs disciplinés, jouant avec calme et précision. Et donc la volonté réaffirmée de souligner, à travers un sport populaire, les différences entre les deux systèmes, capitaliste et communiste.

Les équipes de l'URSS (à gauche) et de la Norvège (à droite), à Montrouge pour la finale de la Coupe ouvrière, Regards, 1934 - source : RetroNews-BnF
 

L'URSS remportera la finale contre la Norvège. La presse des organisateurs ne manque pas de souligner de façon dithyrambique les valeurs de l'équipe soviétique: "Samedi et lundi dans la tribune de la presse, de nombreux journaliste, d’anciens joueurs de football comme Gamblin ou Chayrigues nous ont dit leur admiration de leurs réelles qualités et certains ont même comparé la valeur de l’équipe soviétique à celle d’une des plus équipes internationales de football : l’Angleterre".

À ma connaissance, il n'y a pas eu d'autre coupe du monde de football ouvrier. Sans doute, n'y avait-il pas la place pour deux compétitions concernant le même sport alors que le péril fasciste avait disparu au lendemain de 1945.  

Mais aussi peut-être que la professionnalisation du foot, actée en 1885, correspondait mieux à une compétition mondiale, même si l'esprit et la lettre du sport devaient en être quelque peu oubliés. Sans omettre la commercialisation à outrance.

Le mondial 2022 est là pour nous le rappeler. 


(1) in "we are the football", "Football et société en région parisienne, Une histoire sociale du football ouvrier" Nicolas Ksiss Université de Paris XIII

dimanche 25 septembre 2022

Le pourquoi du comment des gens: Anna COLEMAN LADD

 

Anna COLEMAN LADD          

Bien peu de gens connaissent cette femme née en 1878 à Philadelphie.  Et pourtant, en 1917 et 1918, elle a joué un rôle majeur pour aider ceux alors surnommés "les gueules cassées." 

Sculptrice, elle a fait ses études à Paris et à Rome.





Le 6 avril 1917, les États Unis déclarent la guerre à l'Allemagne et dès juin, les premières troupes américaines commandées par le général Pershing* arrivent à Boulogne sur Mer. 
 
Général Pershing: "Lafayette, nous voilà"

 

Il n'est pas inutile de préciser qu'à la fin de la guerre, près de 1 800 000 soldats américains étaient arrivés en France.

117 000 d'entre eux  furent tués et 204 000 blessés.

 

 

 

 

Anna Coleman Ladd rejoint son mari, médecin, à Paris dès le début de l'intervention américaine.

Un sculpteur, Francis Derwent Wood*, fabrique des masques pour les soldats britanniques blessés au visage.

Anna va s'inspirer de ses travaux. Avec l'aide de la Croix Rouge, elle ouvre un atelier et confectionne des masques pour les soldats français.

Pour mieux façonner le masque qui correspond au soldat blessé, elle fait en sorte de mieux connaitre sa famille, son métier, la région où il habite. Elle tisse des liens entre elle et ceux qui lui sont adressés, des hommes complètement défigurés, souvent rejetés par la société. En effet, ces blessures sont particulièrement atroces et la plupart du temps inopérables.
Son studio est un cadre chaleureux et accueillant, il est fleuri et décoré, de façon à ce que le blessé s'y sente le mieux possible. Car non seulement, elle veut leur donner un "nouveau" visage, mais elle veut aussi leur redonner une dignité.

Dans un article publié après la guerre par le Washington Post, on pouvait lire: "

« Un homme qui était venu nous voir avait été blessé deux ans auparavant et n’était jamais rentré à la maison », selon un rapport du studio d’Anna Coleman Ladd, datant de 1919. « Il ne voulait pas que sa mère voit à quel point il était en mauvais état.
De tout son visage, il ne restait qu’un seul œil, et après 50 opérations… il est venu à nous », dit le rapport. « Les gens s’habituent à voir des hommes avec les bras et les jambes manquants, mais ils ne s’habituent jamais à un visage anormal. »



 

"les joueurs de skat" de Otto DIX (1920)

À partir de ces études, elle va confectionner des masques adaptés à chaque soldat qu'elle soigne.

Comme la grande totalité des blessés ne possède pas de photos prises avant la blessure, elle fait d'abord un moule du visage tel qu'il est, puis elle remplit les parties manquantes et galvanisait le résultat dans le cuivre.
Avec l'aide du soldat, elle va petit à petit confectionner le masque définitif qui cachera la blessure et redonnera au soldat un visage supportable, et par l'intéressé et par la famille et la société.

Quand le soldat dit "c'est moi", Anna estime travail terminé.


 







La guerre terminée, la Croix Rouge ne sera plus en mesure de financer le studio de Anna qui retourne aux États Unis où elle continuera son activité de sculptrice.

Avec ses quatre collaborateurs, elle confectionnera plus de deux cents masques et donc redonnera une dignité aux soldats mutilés en plus d'une vie normale auprès de leur famille et dans la société. 

Elle sera faite chevalier de la Légion d'Honneur par le gouvernement français. C'était bien le moins pour cette femme exceptionnelle et généreuse.

Le philosophe et anthropologue  François Flahault écrit en 2003 dans les Cahiers de la médiologie:

"Lorsque nous marchons dans la rue, lorsque nous prenons le bus ou le métro, voyant les autres, nous éprouvons spontanément leur présence comme présence humaine. Cette évidence, je l’ai rappelé, est essentiellement due au fait qu’ils ont un visage. Un visage, c’est-à-dire non seulement une face qui présente deux yeux, un nez, une bouche, mais une face que nous percevons comme singulière, chacune distincte de celles qui l’entourent ; et une face manifestant des expressions, c’est-à-dire témoignant d’une attitude, d’une manière d’être, d’un sentiment, d’une intention – de ces états que l’on attribue à une personne. »

Après être passés par le studio de Anna Coleman Ladd, nul doute que ces grands blessés, ces gueules cassées étaient de nouveau une personne. 

ANNA COLEMAN LADD

 




dimanche 4 septembre 2022

Le pourquoi du comment des choses: "le 4 septembre 1870, proclamation de la République"

Léon GAMBETTA (1838 - 1882)

 

Voilà 152 ans, jour pour jour, le dimanche 4 septembre 1870, Léon GAMBETTA*, le Grand GAMBETTA, proclamait la République depuis le balcon de l'Hôtel de Ville de Paris.

 

Les membres du Gouvernement de la Défense Nationale

 

Réunis au Palais Bourbon, les députés du Corps Législatifs* annoncent par la bouche de Jules Favre*: "
« Louis-Napoléon Bonaparte et sa dynastie sont déclarés déchus du pouvoir. Il sera nommé par le Corps législatif une commission [...] investie de tous les pouvoirs du gouvernement et qui aura pour mission expresse de résister à outrance à l'invasion et de chasser l'ennemi du territoire."

La République avait déjà été proclamée deux fois:

  • la première le 22 septembre 1792, après la victoire de Valmy sur les troupes prussiennes: c'est l'AN I de la République.
    Le Consulat, issu du coup d'état du 18 Brumaire AN VIII (9 novembre 1799) se termine le 18 mai 1804 par la proclamation de l'Empire et donc la fin de la 1ère République.
  • la seconde le 24 février 1848 proclamée par le Gouvernement Provisoire après la Révolution de 1848 qui a renversé la monarchie de Juillet.
    Elle se termine par le coup d'état de Louis Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851.
 Les deux premières Républiques, issues des Révolutions qui ont renversé deux monarchies, ont été renversées par deux hommes, l'oncle et le neveu, le premier a décimé une bonne partie de la jeunesse européenne et amené les Cosaques sur les Champs Élysées. 
 
Le second, après la lamentable expédition mexicaine, est tombé dans le piège grossier tendu par Bismark et amené les Ulhans sur ces mêmes Champs Élysées. 
 
Avec les conséquences que l'on sait.
 
Pas vraiment de quoi pavoiser!!!
 
Léon Gambetta, en demandant la déchéance de Napoléon III, a été l'homme clé dans le rétablissement de la République.

 
 
 
Vous aurez compris la profonde admiration que j'ai pour cette homme exceptionnel, promoteur et défenseur, entre autres, de l'école Républicaine. 

Le discours qu'il prononce le 16 novembre 1871 devant les députés annonce ce que Jules Ferry et Émile Combes mettront en place: l'école laïque, gratuite et obligatoire pour le premier; la séparation des Églises et de l'État pour le second:

 
« Dans le programme républicain, comme première réforme, j’ai toujours placé l’enseignement du peuple : mais cet enseignement a besoin d’être, avant tout, imbu de l’esprit moderne civil, et maintenu conforme aux lois et aux droits de notre société.

Là-dessus je voudrais vous dire toute ma pensée. Eh bien ! Je désire de toute la puissance de mon âme qu’on sépare non seulement les Églises de l’État, mais qu’on sépare les écoles de l’Église.

Messieurs, ma conviction est qu’il n’y a rien de plus respectable dans la personne humaine que la liberté de conscience, et je considère que c’est à la fois le plus odieux et le plus impuissant des attentats que d’opprimer les consciences. Non, je ne suis pas hostile à la religion : c’est même pour cela que je demande la séparation de l’Église et des écoles.
" (1)
 
On ne saurait mieux dire...
 

 


(1) in "Fondation Jean Jaurès": "redécouvir la fonction politique avec Gambetta", par Paul KLOTZ. (https://www.jean-jaures.org/publication/redecouvrir-la-fonction-du-politique-avec-gambetta/)

 

mardi 28 juin 2022

Le pourquoi du comment des choses: la dissolution de l'Assemblée Nationale, un peu d'histoire

 Depuis le 13 juin et en l'absence de majorité absolue à l'Assemblée Nationale au lendemain du second tour des élections législatives, nous avons souvent entendu à la radio ou lu dans la presse écrite le mot dissolution. 


C'est-à-dire le fait par le Président de la République, après consultation du Premier Ministre et des Présidents des deux chambres, de renvoyer prématurément les députés nouvellement élus ou pas et d'organiser de nouvelles élections législatives, comme il est prévu par l'article 12 de la Constitution qui stipule: "le Président de la République peut, après consultation du Premier Ministre et des Présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée Nationale." (1)

Crévera ! Crévera pas !
Le nuage noir de la dissolution, caricature d'Honoré Daumier, série « Actualités » dans Le Charivari, le .

En effet, faute de cette majorité absolue et devant le refus des oppositions de voter, même au cas par cas, les lois proposées par le gouvernement, il y a blocage institutionnel. Dès lors, que se passe t-il? Pour ma part, je n'en sais rien. Ou plutôt si: puisque personne ne veut bouger, gouvernement comme oppositions, il faut trancher dans le vif et retourner demander au peuple ce qu'il veut. Enfin, à celles et ceux du peuple qui veulent bien se donner la peine de se déplacer pour voter et de choisir entre les différentes options que proposent les partis politiques. À ma connaissance, en Démocratie, c'est la règle.

Que l'on me comprenne bien: il ne s'agit pas ici de prédire l'avenir politique et d'affirmer qu'il y aura ou aura pas de dissolution de l'Assemblée Nationale. 

Je vais me contenter ici de livrer quelques explications sur ce qu'est la dissolution de l'Assemblée Nationale.

Mais, à quand remonte cette procédure et a t-elle été souvent mise en oeuvre?

Elle était inscrite pour la première fois dans la Constitution de l'AN X:

Le Sénat, par des actes intitulés sénatus-consultes, […] dissout le Corps législatif et le Tribunat ; »

— Extrait de l'article 55 du sénatus-consulte organique de la Constitution du 16 thermidor an X (4 août 1802).

Puis ensuite dans la Charte de 1814, lors de la première Restauration:

« Le Roi convoque chaque année les deux Chambres ; il les proroge, et peut dissoudre celle des députés des départements ; mais, dans ce cas, il doit en convoquer une nouvelle dans le délai de trois mois. »

— Article 50 de la charte constitutionnelle du 4 juin 1814.

  

DEUX dissolutions sous le règne de Louis XVIII et QUATRE sous celui de Charles X

 Sous la monarchie de Juillet:

« Le Roi convoque chaque année les deux Chambres : il les proroge et peut dissoudre celle des Députés ; mais, dans ce cas, il doit en convoquer une nouvelle dans le délai de trois mois. »

— Article 42 de la charte constitutionnelle du 14 août 1830.

 

SIX dissolutions sous le règne de Louis Philippe 1er

Sous la II ème République, l'Assemblée Nationale issue de la VII ème législature de la Monarchie de Juillet est dissoute par le Gouvernement provisoire le début de la Révolution de février 1848 et le renversement du "roi bourgeois".

Sous Louis Napoléon Bonaparte, président de la République:

« Le président de la République convoque, ajourne, proroge et dissout le Corps législatif. En cas de dissolution, le président de la République doit en convoquer un nouveau dans le délai de six mois. »

— Article 46 de la constitution du 14 janvier 1852.

 

Sous Napoléon III, empereur des Français:

« L'empereur convoque, ajourne, proroge et dissout le Corps législatif.

En cas de dissolution, l'empereur doit en convoquer un nouveau dans un délai de six mois.

L'empereur prononce la clôture des sessions du Corps législatif »

— Article 35 du sénatus-consulte du 21 mai 1870 fixant la Constitution de l'Empire.

 

UNE dissolution sous le Second Empire

 Sous la III ème République:

« Le Président de la République peut, sur l'avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre des députés avant l'expiration légale de son mandat.

En ce cas, les collèges électoraux sont convoqués pour de nouvelles élections dans le délai de trois mois. »

— Article 5 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 relative à l'organisation des pouvoirs publics.

DEUX dissolutions sous la III ème République 

 


Sous la IV ème République (Constitution définitive du 27 octobre 1946:
 Si, au cours d'une même période de dix-huit mois, deux crises ministérielles surviennent dans les conditions prévues aux articles 49 et 50, la dissolution de l'Assemblée nationale pourra être décidée en Conseil des ministres, après avis du président de l'Assemblée. La dissolution sera prononcée, conformément à cette décision, par décret du président de la République.

Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont applicables qu'à l'expiration des dix-huit premiers mois de la législature. »

— Article 51 de la constitution de 1946.

 UNE dissolution sous la IV ème République 

 Sous la V ème République:

« Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des Présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale  

à ce jour CINQ dissolutions sous la V ème République

 Dans ce lien* plus de précisions sur les différentes dissolutions énumérées ci-dessus.

En partant du 17 juin 1789, date de la 1 ère Assemblée Constituante jusqu'aux dernières législatives de juin 2022 et y compris les diverses législatures uniques, nous comptons 64 législatures.
Ce qui me semble assez peu si l'on prend en compte les différents régimes, du Consulat à la République en passant par l'Empire ou la Monarchie Constitutionnelle.

Et sur ces 64 législatures, depuis 1802, VINGT DEUX dissolutions. Avec de grands écarts suivant les régimes: deux sous la III ème République mais six sous la Restauration et six sous la Monarchie de Juillet.

On peut se demander pourquoi les différents rédacteurs des Chartes ou des Constitutions ont toujours inclus une possibilité de dissolution de la Chambre des députés ou de l'Assemblée Nationale.

Sans rentrer dans le détail, les différents gouvernements ont le plus souvent été responsables devant les députés, ce qui signifie que ces derniers pouvaient renverser le gouvernement. Et donc, dans un régime parlementaire, le chef de l'État ou du gouvernement pouvait, en cas de désaccords, dissoudre l'Assemblée et porter le différent devant les électeurs.

Michel Debré*, l'un des rédacteurs de la Constitution de la V ème République ne dit pas autre chose devant le Conseil d'État le 28 août 1958:
« Est-il besoin d'insister sur ce que représente la dissolution ? Elle est l'instrument de la stabilité gouvernementale. Elle peut être la récompense d'un gouvernement qui paraît avoir réussi, la sanction d'un gouvernement qui paraît avoir échoué. Elle permet entre le chef de l'État et la nation un bref dialogue qui peut régler un conflit ou faire entendre la voix du peuple à une heure décisive. "

Dans les prochaines semaines ou les prochains mois, nous allons, collectivement, observer comment nos politiques s'entendent ou ne s'entendent pas pour gouverner, proposer, s'opposer, en un mot comme en cent pour sortir de l'impasse dans laquelle nous semblons être. 

Pour paraphraser qui vous savez: 

"dissolution or not dissolution, that is the question?" 


 

l'Assemblée Nationale


ps: il va sans dire que je me suis beaucoup inspiré d'internet en général et de Wiki en particulier... Mais c'est mieux en le disant...


 

(1) in La Constitution" introduite et commentée par Guy Carcassonne, neuvième édition, 2009, Éditions du Seuil, collection Points, page 101.


mardi 31 mai 2022

New York City, la célèbre banlieue des Panissières.

 Voilà près de trois longues années que je n'étais pas retourné dans notre célèbre banlieue. 

Nous sommes arrivés en fin d'après midi et avons mis une petite heure pour rejoindre notre hôtel situé dans la 24ème rue, entre la 7ème et 8ème avenue. 

Dans le taxi qui nous emmenait, le regard se pose quasi instinctivement vers le sud de Manhattan et, comme à chacun de mes passages, nombreux depuis 2001, il y a en moi ce mélange de chagrin et de colère. Au moins symboliquement, la "Freedom Tower", aussi superbe soit-elle, ne remplacera jamais les "Twins Towers".

The Freedom Tower

Notre chambre, au 23ème étage d'une tour qui en compte 50, nous  permet de voir l'Empire State Building qui fut, en son temps, le "gratte ciel" le plus haut au monde. 

l'Empire State Building, le soir, éclairé aux couleurs de la France


Nous pouvons aussi constater que de nouvelles tours ont été construites et que d'autres sont encore en chantier. Les promoteurs, les architectes et tous les métiers du bâtiment ont de quoi s'occuper...



 




Comme dans toutes les grandes villes du monde, la circulation new-yorkaise  se fait au ralenti, que du très classique en somme.
Bien des conducteurs sont des "accrocs" au klacson: le moindre retard au démarrage quand le feu passe au vert déclenche un concert aussi rageur qu'inutile. 
 



J'ai remarqué - tout bêtement parce que on ne les entend pas - un grand nombre de voitures électriques, de gros SUV, mais aussi des modèles de moyennes gammes: beaucoup de japonaises, Honda, Toyota, Mitsubishi ou Lexus. Mais aussi Ford, Lincoln ou General Motors et bien sûr Tesla. 


Certes, NYC n'est pas les États Unis, mais il me semble malgré tout que, là-bas, le virage de la propulsion électrique est amorcé, bien plus tôt et plus rapidement que chez nous.

Le bruit est une constante de la ville: ne dit-on pas que "New York ne dort jamais" ?
Et dans ces bruits, il y a les sirènes des pompiers, des policiers ou des ambulances. Une sirène perçante, qui vrille les tympans.
Même si c'était le cas auparavant, les pompiers new-yorkais sont, depuis le 11 septembre 2001, considérés comme des héros: ils sont regardés avec respect, admiration et une grande envie, surtout chez les plus jeunes.
Quand ils interviennent quelque part, tout est réglé, minuté et chacun a son rôle bien précis. Il est vrai que pour n'importe quelle intervention, l'amateurisme n'a pas sa place.




Un autre phénomène m'a beaucoup impressionné: l'obésité. Dans les rues, dans les magasins, j'ai croisé un nombre impressionnant de personnes en surpoids, certaines énormes, hommes et femmes confondus. Il n'est pas difficile d'imaginer que le quotidien de ces personnes ne doit pas être bien facile.


Depuis que je vais aux USA, pas loin de 30 ans, j'ai souvent remarqué que les Américains sont de grands consommateurs de café qu'ils boivent brulant ou tiède ou glacé. Dans la rue, on pouvait les voir déambuler avec un mug, en carton.


Et puis, il y a eu une évolution: si le café était toujours présent, dans l'autre main, est apparu le téléphone portable et souvent, la laisse du chien sur laquelle il y a le petit paquet de sachet dans le cas où: il faut dire qu'une amende de 300 dollars si le canidé s'oublie sur le trottoir et que le maitre ou la maitresse n'a pas le petit sac adéquate, une telle amende est dissuasive. Et donc, on peut marcher sur les trottoirs de NYC sans crainte que nos pieds y fassent de mauvaises rencontres. 


L'évolution suivante a vu, dans une main, le café ou surtout le soda et dans l'autre, encore et toujours le téléphone.
Comme si les sodas leur étaient devenus indispensables. Sodas sucrés, bien sûr. Si on ajoute à cela, une nourriture riche en graisse et en sauces où le sucre n'est jamais totalement absent, on peut comprendre l'obésité croissante d'une certaine population américaine.
Bien évidemment, c'est un peu réducteur comme explication et elle n'est certainement pas la seule. Mais, cependant, on ne peut l'exclure totalement. 

Les quatorze avenues qui traversent Manhattan sont appelées "canyon": en effet, elles traversent la presqu'ile du nord au sud en ligne droite sur près de onze kilomètres pour la plus célèbre d'entre elles: la 5ème avenue ou "Fifth avenue".
Les photos ci-dessous démontrent plus qu'un long discours ce qu'est un "canyon" new-yorkais.






 
Times Square le soir

Nous avons passé la fin de la semaine dans la maison de campagne d'amis, à un peu plus d'une heure du centre de NYC, dans le New Jersey.
Nous avons loué une Honda, pas électrique, et avons roulé une soixantaine de kilomètres sur une autoroute à quatre puis à trois voies. La vitesse était limitée à 50 ou 60 miles et il faut bien reconnaitre qu'à part moi, et encore pas toujours, pas grand monde la respectait.
Une de ces caractéristiques de ces autoroutes, c'est que chacun roule dans la file qui lui plait, poids lourds compris. On peut ainsi rouler sans problèmes sur la file de gauche, au milieu ou à droite. Au choix, sachant que la vitesse n'a rien à y voir. On peut donc être doublé ou doubler sans que personne n'y trouve à redire. Enfin, presque personne...

La maison de nos amis est en pleine forêt, au calme. Nous y avons été accueilli par un ours, nullement agressif, plutôt peureux. Un habitué qui ne manque jamais de venir "saluer" nos amis lorsqu'ils arrivent. Il faut quand même préciser qu'il est quelque peu intéressé car ils lui laissent un peu de nourriture...



C'est une maison typiquement américaine: ossature bois, bardeaux canadiens, conduits de cheminée extérieurs en pierre, terrasse en bois. Il ne manque que la balancelle.


Il y a également un bassin où notre amie vient méditer tout en nourrissant ses carpes koï, de belles bêtes mises à l'abri du héron affamé par un filet.

Et puis, de tout petits écureuils appelés là-bas chipmunk*, familiers, agiles, rapides, toujours en mouvement et grands amateurs de cacahouètes que notre hôtesse leur distribue sans compter. N'ayant à priori pas de prédateurs, ils  sont de plus en plus nombreux.
Il accumule ses provisions pour l'hiver, quand il s'enfermera dans son terrier, de novembre à février.



Une semaine à NYC, c'est court, comme si le temps y passait plus vite qu'ailleurs. Peut-être parce que tout nous y parait plus rapide, que les gens dans les rues, dans le métro nous semblent toujours plus pressés.

Sans doute aussi que notre banlieue, certes célèbre, n'a pas la beauté grandiose de nos montagnes et la sérénité discrète de notre village.

 

 


Soixante ans..... Déja!!!!

 Soixante ans..... Déjà!!!!!