jeudi 18 janvier 2024

Le pourquoi du comment des dates: le 21 janvier

 

Louis XVI

Chaque 21 janvier, l'annonce d'une messe en souvenir de la décapitation de Louis XVI paraît dans la presse écrite dans la rubrique des petites annonces, mais aussi sur les réseaux sociaux, FB en particulier.

 

Lénine, embaumé

Certes, il n'y a pas que le premier roi des Français qui soit mort un 21 janvier, il y a aussi un homme, Vladimir Ilitch OULIANOV, plus connu sous le nom de Lénine, qui a quitté ce monde de douleur.
Sauf, qu'à ma connaissance, aucune messe (bien sûr!!!), aucune commémoration ne sont annoncées. Du moins en France, parce qu'à Moscou, le mausolée où est déposée sa momie sera parcouru par des milliers de nostalgiques.

Qu'il y a t-il de commun entre ces deux personnages? Rien, mis à part le fait qu'ils soient morts tous les deux un 21 janvier. 

Et pourtant, même si l'on ne s'intéresse pas à l'Histoire, mais avec quand même un brin de curiosité, chacun d'entre nous les connait. 

Si le souverain a été, chez nous, le dernier des rois de "droit divin", et donc une influence très relative sur le cours de l'Histoire, le second a profondément et durablement marqué ce cours. 

 


Sans doute aussi, parce que "du passé, il a voulu faire table rase", mais aussi, parce que, à la différence du premier, reprenant les termes de son lointain ancêtre, pour qui "l'État, c'est moi"*, Lénine déclarait en 1922: "l'État, c'est nous."(1)

Mais, en ce début du XXI ème siècle, les dates anniversaire de leur décès sont encore célébrées, certes dans un certain anonymat. Ou alors adressées à leurs descendants idéologiques via les réseaux sociaux ou dans la presse, presque confidentiellement. 





Mais curieusement, très peu d'affiches ou de liens pour célébrer la disparition du fondateur de l'URSS: je n'ai trouvé que celle "d'Initiative communiste" qui appelle à rendre hommage à "Lénine, théoricien et acteur central de la Révolution bolchévique et du communisme."

 


 D'autre part, je suis tombé par hasard sur un article du journal Le Monde du 12 janvier 1955 où le secrétaire général du PCUS, Nikita Khrouchtchev, décidait que "il est mieux actuellement de célébrer la mémoire de Lénine le jour de sa naissance - le 22 avril - en conférant à cette date " un caractère de fête qui correspondrait mieux à l'esprit même du léninisme ". (2)

Et donc, pour "compenser", j'ai choisi d'afficher la une du journal du PCF, parti fondé suite au congrès de Tours* en 1920, l'Humanité, quotidien fondé, lui, en 1904 par Jean Jaurès.


 

Nous pouvons, bien évidemment, nous interroger sur le fait que le journal que Jaurès a créé avec Blum et Herr soit devenu celui du Parti Communiste alors qu'à l'origine, il était celui du Parti Socialiste puis de la SFIO lors de sa création.


Parce que Lénine et les communistes russes imposent aux partis qui veulent rejoindre la III ème internationale d'accepter 21 conditions, les dirigeants de la SFIO choisissent de ne pas rallier la III ème Internationale. Devenus minoritaires, ils doivent laisser la direction de l'Humanité à la majorité qui prendra le nom de Parti Communiste Français.

 


Les mémoires collectives sont, elles aussi, sélectives: les royalistes pleurent la mort d'un ancien souverain, les communistes, celle d'un leader politique. Les deux ont idéalisé ce que ces deux personnages représentaient pour eux: aux uns, l'image d'un monarque injustement condamné; aux autres l'image d'un chef adulé, présenté comme le sauveur de la classe ouvrière. 

En relisant ce billet, je me dis que ces deux 21 janvier n'ont pas vraiment d'importance et, peut-être, aurais-je dû en choisir d'autres, voire un autre sujet.

Peut-être, peut-être pas. Mais reconnaissez avec moi que Lénine et Louis XVI nous quittant un même 21 janvier, ce n'est pas si banal.

 

 

 

 

 

(1) Lénine au XI ème congrès du PC le 27 mars 1922.

(2) in Le Monde du 12 janvier 1955.


mercredi 20 décembre 2023

"Étranges étrangers" de Jacques PRÉVERT


24 avril 2022, Emmanuel Macron: "j'ai conscience que ce vote m'oblige pour les années à venir."

 

Qui pensait alors que ce "m'oblige" déboucherait sur une telle  trahison? 

 

Ce poème de Jacques Prévert pour dénoncer la "victoire idéologique" du parti d'extrême droite et de ses alliés.

 

Étranges étrangers

Jacques Prévert / André Minvielle

Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel
Hommes des pays loin
Cobayes des colonies
Doux petits musiciens
Soleils adolescents de la porte d’Italie
Boumians de la porte de Saint Ouen
Apatrides d’Aubervilliers

Brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris
Ebouillanteurs des bêtes trouvées mortes sur pied
Au beau milieu des rues
Tunisiens de Grenelle
Embauchés, débauchés
Manœuvres désoeuvrés
Polaks du Marais et du Temple des rosiers

Cordonniers de Cordoue
Soutiers de Barcelone
Pêcheurs des Baléares et du cap Finistère
Rescapés de Franco
Et déportés de France et de Navarre
Pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
La liberté des autres

Esclaves noirs de Fréjus
Tiraillés et parqués, au bord d’une petite mer
Où peu vous vous baigniez
Esclaves noirs de Fréjus
Qui évoquiez chaque soir
Dans des locaux disciplinaires
Avec une vieille boite à cigare
Et quelques bouts de fils de fer
Tous les échos de vos villages
Tous les oiseaux de vos forêts
Et ne venez dans la capitale que pour fêter au pas cadencé
La prise de la Bastille le quatorze Juillet

Enfants du Sénégal
Dépatriés expatriés, et naturalisés
Enfants indochinois
Jongleurs aux innocents couteaux
Qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
De jolis dragons d’or faits de papier plié
Enfants trop tôt grandis et si vite en allés
Qui dormez aujourd’hui
De retour au pays, le visage dans la terre
Et des bombes incendiaires labourant vos rizières

On vous a renvoyé la monnaie de vos papiers dorés
On vous a retourné vos petits couteaux dans le dos

Etranges Etrangers

Vous êtes de la ville, vous êtes de sa vie
Même si mal en vivez, même si vous en mourrez

samedi 9 décembre 2023

les "PILGRIMS FATHERS"

Notre bref périple aux USA, en octobre dernier, nous a conduit à Plymouth*, Massachusetts, là où ont débarqué le 11 novembre 1620, une centaine de personnes, dont une trentaine d'hommes d'équipage et surtout trente cinq dissidents anglais, hommes et femmes très pieux fuyant les persécutions des autorités religieuses anglaises.
Celles et ceux que l'on a appelés plus tard les "pères pèlerins", "the Pilgrims Fathers".

Ces pèlerins sont des protestants qui firent sécession  de l'église d'Angleterre et, pour cette raison, persécutés avec d'autres, les puritains.

Avant d'aller plus en avant dans ce billet, permettez-moi d'ouvrir une brève parenthèse. 

Pour m'intéresser à l'Histoire, celle de notre pays, mais pas que, j'ai toujours été frappé par le fait qu'au sein d'une même religion, il pouvait y avoir des différences, parfois importantes, parfois mineures, et qu'à partir de ces différences, des persécutions étaient organisées, mises en oeuvre, des persécutions et souvent des guerres civiles, meurtrières, sauvages, implacables.
Nous en savons quelque  choses avec les guerres de religions qui ont frappé la France pendant toute la seconde moitié du XVI ème siècle.

 



Mais quand on creuse quelque peu, il apparaît très vite que, outre l'intolérance propre à chaque religion, il apparaît donc que ce sont des luttes d'influences et donc de pouvoirs qui se cachent hypocritement derrière les religions.
C'était le cas en France, mais aussi partout dans le monde où de telles guerres se sont déroulées. Et se déroulent encore.


Et si j'écris pouvoirs au pluriel, c'est parce qu'il s'agit de pouvoir politique, mais aussi économique, financier, social et même sociétal.

Et donc, les enseignements des religions dites du Livre où, pour faire court, la tolérance, la charité, le pardon sont des vertus cardinales, ces enseignements s'effacent, disparaissent au profit de luttes de pouvoirs et de ce qui en découle. 

Au point de se demander si les religions ne portent pas en elles les germes de la guerre.

Mais cela demande d'autres développements, ce n'est pas le sujet de mon billet d'aujourd'hui et je reviens donc aux Pilgrims.

En 1606, le roi d'Angleterre, Jacques 1er* et le chef de l'église Tobias Matthew déclenchent une répression féroce contre les dissidents.

Donc, le 16 septembre 1620, John Carter* décide de rejoindre la colonie de Virginie avec les dissidents à bord du Mayflower, un petit navire de 28 mètres et de 180 tonneaux de jauge, appelé "flûte*".


 
 



Pour être monté à bord de la reconstitution de ce navire, je peux témoigner que la centaine de passagers devaient se sentir à l'étroit, vivant dans des conditions plus que précaires, dans l'humidité, le froid, la peur: imaginons un instant ce frêle esquif affrontant les terribles tempêtes de l'Atlantique nord.
Le voyage avait été financé par des marchands londoniens qui, bien sûr, en attendaient des retours sur investissements. Aussi, en plus d'être tous adhérents des principes puritains*, les passagers avaient tous des compétences professionnelles affirmées, agriculteurs ou artisans. 

Suite à une forte tempête au large de Terre Neuve, les pèlerins arrivent le 11 novembre 1620, à Cap Code, Massachusetts, bien plus au nord que prévu, à savoir la Virginie.

Le voyage aura donc duré un peu moins de deux mois, dans des conditions particulièrement difficiles.
Pour marquer à tout jamais cette date et le lieu de leur débarquement, les pèlerins graveront l'année sur un rocher encore visible aujourd'hui, sans que, toutefois, l'origine du rocher exposé soit avérée.


 Aussitôt arrivés, les pèlerins, sous la direction de John Carver, s'organisent et fondent la ville de "New Plymouth", le 21 décembre 1620, après avoir mis en place des principes généraux de gouvernance, connus sous le nom de "Mayflower Compact", qui jettent les bases d'une démocratie locale, qui inspireront plus tard les fondements de la future Constitution des États Unis. 
 
Élaboration et signature du Mayflower Compact (tableau d’Edward Percy Moran, exposé aujourd'hui au Pilgrim Hall Museum)

 
Mais, ce document est aussi un contrat pragmatique visant à assurer un cadre légal minimal dans la future colonie.
Les signataires s’engagent ainsi à se « constituer en un corps politique civil » et à obéir aux lois qui seront promulguées dans la colonie.
Ce pacte sera bien évidemment imprégné très fortement des principes religieux qui ont été à l'origine de la fuite des pèlerins de l'Angleterre.
 
L'hiver 1620 - 1621 sera particulièrement rigoureux. Les Pilgrims, restés à bord pendant cette période, vont souffrir de la faim, du froid et des maladies qui en découlent: plus de la moitié d'entre eux n'y survivra pas.
Au printemps suivant, ils vont s'installer à terre, construire des huttes et commencer les travaux de la terre, aidés en cela par les indiens Iroquois qui leur seront des aides précieuses et indispensables pour leur survie en leur enseignant la culture du maïs et la pratique de la pêche.
En novembre 1621, les pèlerins célèbrent une fête de la récolte avec le repas qui sera considéré plus tard comme la célébration du "Thanksgiving Day". jour érigé en fête nationale en 1863 par le président Abraham Lincoln.*
Certes, il n'y eut ni dindes ni pommes de terre, mais des fruits de mer, des cerfs et des ... citrouilles, issues des premières récoltes.

Les récits bibliques plus les éléments de la théorie calviniste imprègnent cette toute jeune communauté, comme l'écrit le gouverneur Bradford*:
"le Seigneur était avec eux dans tous leurs faits et gestes, que sa grâce s’exerçait dans toutes leurs allées et venues »
 
Par la  suite, dans les années 1630 - 1640, ce qui s'est alors appelée "la grande migration" va voir arriver dans le Massachusetts plus de 13000 puritains qui vont s'installer et donner ainsi naissance à des colonies plus conséquentes.
 
 
D'autres minorités religieuses, les Quakers, les Baptistes, toutes protestantes mais qui ont refusé le strict anglicanisme* imposé en Angleterre en 1662
 
Mais au fur et à  mesure que les colons anglais progressaient à l'intérieur des terres, les relations avec les communautés autochtones devinrent difficiles, tant ces colons étaient non seulement avides de nouvelles terres, mais aussi profondément convaincus que ces tribus n'étaient que 
"des créatures infernales, ignorant les règles de la pudeur, et ne connaissant d'autre Dieu que le Diable." comme l'écrivait le révérend Symonds dans son "sermon sur la Virginie" en 1609.
 
 L'extermination de ces communautés se mit en place très rapidement, sans le moindre problème de conscience de la part de croyants inflexibles qui, pourtant, avaient été persécutés et avaient dû fuir leur pays. 
 
Alexis de Tocqueville a pu écrire en 1835 dans "de la Démocratie en Amérique": "Les Espagnols, à l'aide de monstruosités sans exemple, en se couvrant d'une honte ineffaçable, n'ont pu parvenir à exterminer la race indienne. Les Américains des États-Unis ont atteint ce résultat avec une merveilleuse facilité, tranquillement, légalement, philanthropiquement, sans violer un seul des grands principes de la morale aux yeux du monde. On ne saurait détruire les hommes en respectant mieux les lois de l'humanité. (1)" 
 
 On ne saurait mieux dire.
 
Aujourd'hui, les Pilgrims Fathers" font partie de l'histoire américaine, véritables symboles de l'esprit pionnier, fondateur de cet esprit religieux que rien n'arrête et qui permet tout.
 
Jusqu'à "in God we trust" inscrit sur tous les billets et pièces de la devise des États Unis d'Amérique.
 


 
 
 
 
 
(1) in "de la Démocratie en Amérique" de Alexis de Tocqueville (éditions Gallimard, 1992, collection La Pléiade) I,II chapitre X, page 393) 

jeudi 2 novembre 2023

Des "pilgrims" à Norman Rockwell en passant par les baleines de Cap Code.

 Il y a quelques semaines, nous avons fait un "petit" périple aux États Unis: New York, Stockbridge* à l'ouest du Massachusetts, puis Cap Code* tout à fait l'est.

New York ou plus exactement Lafayette pour l'inauguration du musée de nos Amis Fields: the Skylands Museum or Art.*

Sur ce musée, Anne vous en dit plus et mieux sur son blog: http://annebachelier.blogspot.com/2023/10/quelques-jours-en-octobre-new-york.html

Nous avons pris la route pour en savoir un peu plus sur ce dessinateur et peintre trop peu connu: Norman ROCKWELL.
Ce premier billet lui est consacré, Plymouth et Cap Code seront évoqués ensuite.

 
Je crois que nous connaissons tous quelques oeuvres de cet artiste, sans forcément connaitre son nom. Je suis dans ce cas.
 
Notre voyage aux USA était donc l'occasion ou jamais de découvrir la vie et l'oeuvre de cet artiste exceptionnel.
 
le musée Norman Rockwell

l'atelier à Sotckbridge

 
 
Quelques mots sur l'homme Rockwell, né à NYC en 1894 et mort à Stockbridge* en 1978. 

 

 
 
Il se fait connaitre en travaillant pour des revues, des
maisons d'édition, mais c'est avec la publication des "Boys Scouts of America"* qu'il travaillera le plus longtemps, de 1913 à 1976. 
 
Chaque année, il illustre le calendrier des BSA, organisation de scouts, fondée en 1910 et qui existe encore de nos jours, revendiquant 3 millions de jeunes en 2005.
 
 
 
 
 
 
 
Dès l'année 1916, il réalise les couvertures du Saturday Evening Post et cela, jusqu'en 1963, soit pas loin de 200 illustrations.
 

 Le plus souvent il met en scène des situations amusantes: ainsi dans "the runaway", ce jeune apprenti fugueur qui discute avec un policier sous l'oeil amusé du barman:
 
"the Runaway"



 ou encore Rockwell se caricaturant en apprenti peintre:
 
"the art critic" 

Ou cet ancien marin montrant à son petit fils ou arrière petit fils, un futur matelot lui aussi,  la beauté et la grandeur de l'océan:


"Outward Bound"


 Dans son discours sur "l'État de l'Union" le 6 janvier 1941, le président Roosevelt déclare: "Dans l'avenir, que nous cherchons à rendre sûr, nous attendons avec impatience un monde fondé sur les quatre libertés humaines essentielles. Il s'agit de la liberté de parole, de la liberté de culte, de la liberté de vivre à l'abri de la peur et de la liberté de vivre à l'abri du besoin."
 
N. Rockwell va illustrer à sa façon les 4 libertés chères au président américain:
 
freeedom of speach: la liberté de paroles 

 

Freedom of worship: la liberté de culte

freedom fom fear: à l'abri de la peur

 
Freedom for want: à l'abri du besoin

 Il a beaucoup travaillé sur l'enfance, mêlant les jeux à l'apprentissage de la vie, toujours avec humour.

"boy with baby carriage"

 



"Pardon me" 

Dans les années 60 - 70, il évolue vers des thèmes plus politiques, sociétaux. En particulier contre la ségrégation raciale et milite pour les droits civiques.

Ses toiles parlent d'elles-mêmes, il n'est nul besoin de discours pour en comprendre le sens et le message.

Il illustre la première journée à l'école, en 1969, de Ruby Bridge* une petite fille noire allant pour la première fois dans une école réservée aux blancs, entourée de quatre policiers la protégeant de l'hostilité des familles opposées à la politique de désagrégation du président Eisenhower.
On peut remarquer en bas au milieu et à droite de la toile une tâche rouge: c'est une tomate jetée contre le mur et qui matérialise la méchanceté de la foule.

 

"The Problem We All Live With":notre problème à tous


 Dans la nuit du 21 juin 1964, à Longdale, Mississipi, trois militants des droits civiques - deux noirs un blanc - sont assassinés par les membres du Ku Klux Klan, dont certain étaient membres de la police locale. Ces meurtres feront l'objet d'un très beau film, "Mississipi Burning"* 

Rockwell s'empare de ce sujet de manière sobre, avec  des  couleurs terreuses. Cette sobriété a valeur de témoignage et en cela, Rockwell se montre militant des droits civiques en sacralisant en quelque sorte le personnage central faisant courageusement face aux assassins.

 

"Murder in Mississipi"        

 


Avant de commencer une toile, N. Rockwell fait des dessins préparatoires, mais aussi des photos. Dans le cas de la toile ci-dessous, il photographie des enfants qui auront la même position sur la toile et comme toujours, reste très attentif sur les détails: par exemple, les deux groupes d'enfants ont chacun leur animal; deux des garçons ont chacun un gant de base-ball. 


On devine très bien l'étonnement mêlé de curiosité de ces deux groupes qui n'avaient pas l'habitude de vivre dans les mêmes quartiers.
La scène se passe dans la banlieue de Chicago, une loi récente de l'état de l'Illinois permettant aux familles noires de s'installer dans les  quartiers jusque là réservés aux blancs.


"News Kids in the Neighborhood"(1967)

 

Une toile est consacrée au président Abraham Lincoln, alors jeune avocat.
On remarquera derrière l'avocat, l'accusé menotté, noir.
 


"Lincoln for the defense" (1961)

 et un peu plus tard, John Fitzerald Kennedy

JFK (1963)

 




mercredi 23 août 2023

L'OUZBÉKISTAN (opus 5) : NOUKOUS

 L'Ouzbékistan est, administrativement divisé en douze provinces, une ville, Tachkent et une République autonome: le Karakalpakstan ou République des Karakalpaks dont la capitale est NOUKOUS où je vous propose de vous emmener aujourd'hui.


À l'origine, Noukous se trouvait à moins de 180 kms de la mer d'Aral. Mais suite à l'irrigation forcée des champs de coton mise en place par l'URSS, cette mer n'est plus qu'un lointain souvenir, en particulier pour la partie Ouzbek.


Comme souvent le nom de la ville prend sa source dans une légende:  le souverain du Khorezme (province voisine) aurait fait exiler 9 femmes de son harem sur l’emplacement actuel de Noukous. Chacune d’elle s’est ensuite mariée avec des marchands qui étaient de passage dans la ville, puis donna naissance à 9 garçons, qui selon la légende, auraient fondé la ville de Noukous.

 



Noukous possède un musée - " le Louvre des steppes" -  consacré aux peintures russes, dites "d'avant garde", c'est-à-dire la période 1918 - 1935.,

Son créateur, Igor Savitsky*, a réuni et sorti d'URSS toutes les oeuvres de peintres russes, oeuvres que Staline voulait détruire pour cause de "non conforme au réalisme socialiste soviétique".


 

Igor SAVITSKY (1915 - 1984)

 

Natif de Kiev, issu d'une famille décimée par la révolution bolchévique, Savitsky a été peintre, électricien, archéologue, pas très en phase avec le pouvoir stalinien, sans être pour autant dans une opposition frontale .

En 1966, avec l'appui des autorités locales qui ont compris l'importance d'un tel patrimoine, il va fonder le musée qui porte son nom et y présenter les oeuvres de l'avant garde russe, mais aussi tout l'artisanat qu'il a amassé un peu partout dans la région. C'est pour cela, sans doute, qu'il a été surnommé le "brocanteur"...


Il s'installe à Noukous dans les années 1950 alors qu'il fait partie d'une mission archéologique. Pour mémoire, l'Ouzbékistan, a cette époque, était une République Socialiste Soviétique.
En URSS, le "réalisme socialiste" était la règle absolue dans tout ce qui concerne la production artistique. Les peintres, comme tous les artistes, devaient s'y confirmer sous peine de censure et parfois de déportation. 

Le réalisme socialiste soviétique

Donc, les peintres fuient Moscou, travaillent en secret et cachent leurs oeuvres. 
C'est là qu'intervient Satvisky: il cherche et trouve les peintres et achète - avec son propre argent - les oeuvres de ces peintres "maudits". Il a retrouvé certaines de ces peintures laissées à l'abandon dans des caves ou des greniers. Et cela malgré les interdictions et les risques encourus.

Il est certes difficile de bien cerner ce qu'est cette peinture "d'avant garde russe" tant elle trouve ses sources dans divers courants artistiques. 
Cependant, c'est surtout dans les
courants picturaux occidentaux comme l’impressionnisme, le post-impressionnisme et le symbolisme que se trouvent les principales inspirations des artistes.

Solomon Nikritin, Aleksandr Nikolayev, Alexander Volkov* sont quelques uns des peintres dont les oeuvres figurent dans ce musée.


"jeune fille en rouge de Solomon Nikritin  

"Monsieur le Professeur" de Aleksandr Nikolayev  

 Effectivement, nous sommes bien loin - et c'est heureux - du réalisme socialiste soviétique.

Mais dans ce musée, il y aussi des collections, amassées par Satvisky, des vêtements, des bijoux, des selles de cheval, des argenteries et d'autres objets de l'artisanat local.
Des vases en céramique, des statuettes de culte en terre cuite, ou en bronze, bref, une multitude d'objets issus des différentes cultures qui ont traversé l'Ouzbékistan.




 
 

Le vendredi, à Noukous, est le jour où l'entrée du musée est gratuite pour toutes les écoles, les collèges et lycées de la ville.
Nous avons donc visité le musée au milieu d'une foule de jeunes, toujours attentive aux explications de leurs professeurs sur les oeuvres, mais toujours "un oeil" sur les étrangers que nous étions. 

Nous nous sommes pliés avec plaisir à nous laisser prendre en photo au milieu d'eux, à discuter avec garçons et filles, en anglais bien sûr. Pas toujours évident car la langue de Shakespeare en ouzbek ou en français n'a pas les mêmes accents... 

Mais, nous avons senti ces jeunes plein de curiosité, plein d'enthousiasme, avec des envies d'apprendre le monde, de comprendre ce monde dans lequel ils vivent, de le découvrir aussi.


Une lycéenne a dit à Anne, en anglais, "qu'elle enviait l'Europe car il n'y avait pas de frontières". 









 
 Après avoir visité la nécropole, nous avons pris ensuite la route de Khiva, à travers la steppe, le long de l'Amou - Daria.
Il y avait quelque chose de particulier dans ces paysages désertiques qui, en réalité, ne l'étaient pas tellement.
 
La nécropole de Noukous, cette traversée et Khiva, je vous en parle dans mon prochain blog. 
 
 
 
 
Dans ce lien du mensuel "Géo", vous trouverez beaucoup de tableaux présentés dans le musée: https://photo.geo.fr/musee-savitsky-decouvrez-la-collection-interdite-de-noukous-en-ouzbekistan-42837#avanti-o-popolo-csls2

Le pourquoi du comment des dates: le 21 janvier

  Louis XVI Chaque 21 janvier, l'annonce d'une messe en souvenir de la décapitation de Louis XVI paraît dans la presse écrite dans l...