samedi 25 juillet 2020

le mariage civil et laïc

La Constitution du 3 septembre 1791 stipule dans son article 7, titre II: "Article 7. - La loi ne considère le mariage que comme contrat civil. - Le Pouvoir législatif établira pour tous les habitants, sans distinction, le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés ; et il désignera les officiers publics qui en recevront et conserveront les actes."

Ce même titre II, dans son article 1 stipule, lui: "le Royaume est un et indivisible"


À cette époque, un an après la fête de la Fédération* du 14 juillet 1790 où la famille royale avait porté la cocarde tricolore, où Louis XVI n'était plus roi de France mais roi des Français et qui avait prêté serment: "Moi, roi des Français, je jure d'employer le pouvoir qui m'est délégué par la loi constitutionnelle de l'État, à maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par moi et à faire exécuter les lois », à cette époque donc, personne - ou si peu - ne voulait de changement de régime. Et Louis XVI semblait vouloir accepter les nouvelles règles.

Mais l'objet de mon billet est bien l'instauration du mariage civil mis en place par la volonté de l'Assemblée Nationale. Un an plus tard, la loi du 20 septembre 1792 autorise le divorce. Cette loi contredit ce qu'avait décidé le concile de Latran en 1215 qui considérait "le mariage comme étant un sacrement indissoluble."

Cette décision en elle-même est révolutionnaire: elle met fin à une ordonnance royale de 1539, dite de Villers-Cotterêt, qui avait confié à la seule église catholique la tenue des registres paroissiaux pour les baptèmes.
ordonnance royale de Villers-Cotterêt

C'est le concile de Trente en 1563 qui imposera la présence d'un prêtre et de deux témoins pour que le mariage soit légitime. Ce qui, en France, fait de l'église catholique le passage obligé à tout mariage.
Une autre disposition de cette ordonnance qui n'a rien à voir avec l'objet de ce billet oblige dorénavant tout les textes officiels à être rédigés non plus en latin, mais "en langage maternel français."* (article 111). 
La Constitution actuelle reprend cette obligation: "La langue de la République est le français." (article II)


Dans ces années de formidables bouleversements, se pose aussi la question de la tenue des registres paroissiaux, tenus par les seuls prêtres assermentés, ceux qui ont prêté serment à la Constitution, mais rejetée par la hiérarchie et une grande partie des curés. Ce qui fait que les prêtres réfractaires pourraient mettre en place un état civil parrallèle et illégal. 
En mai 1791, le maire de Paris, Jean Sylvain Bailly*,  propose « une loi qui ordonne qu'à l'avenir les déclarations de naissance, de mariage et de mort soient reçues par des officiers civils dans une forme conciliable avec toutes les opinions religieuses » La Constitution de septembre 1791 reprendra cette demande.

Avant 1791, le mariage était chose compliquée pour les non catholiques. En particulier pour les protestants, d'autant qu'ils n'avaient plus d'existence légale depuis la révocation de l'Édit de Nantes en 1685. Ils ne pouvaient célébrer ni baptèmes ni mariages et ne pouvaient divorcer, quand bien même leur religion ne l'interdisait pas, le mariage n'étant pas considéré comme un sacrement.
"l'édit de tolérance" ou "l'édit de Versailles"

Proposé par Malesherbes* et de Rabaut Saint Etienne*, le 7 novembre 1787, Louis XVI signe "l'Édit de tolérance" qui autorise "ceux qui ne font pas profession de la religion catholique" à pouvoir être inscrit sur les registres de l'état civil sans être obligé de se convertir. Cela leur donne un statut juridique et civil, leur permettant ainsi de se marier devant un juge royal, voire par le curé de la paroisse, celui-ci faisant office d'officier d'état civil.

"Pourront en conséquences, ceux de nos sujets ou étrangers domiciliés dans notre royaume qui ne seraient pas de la religion catholique, y contracter des mariages dans la forme qui sera ci après prescrite ; voulons que lesdits mariages puissent avoir dans l’ordre civil, à l’égard de ceux qui les auront contractés dans ladite forme, et de leurs enfants, les mêmes effets que ceux qui seront contractés et célébrés dans la forme ordinaire par nos sujets catholiques."

C'était  indéniablement un progrès. Même si le mariage pouvait passer malgré tout par l'église et la religion. Pour autant, ce mariage est laïc puisque le mariage religieux n'est plus légal et donc plus obligatoire. Là-aussi, il y a rupture puisque le mariage est dorénavant un contrat et non un sacrement. Donc, comme aujourd'hui, le mariage civil doit obligatoirement précéder l'éventuel mariage religieux.

promulgation de la Constitution Civile du Clerge (gravure allégorique Bib Nat.)

À la suite de la Constitution Civile du Clergé* adopté par l'Assemblée Constituante le 12 juillet 1790, organisant une "église constitutionnelle", sous le contrôle de la nation, les législateurs en instituant le mariage civil rompaient définitivement avec le pouvoir de l'église catholique. Sans pour autant interdire à cette église de marier ou de baptiser ses fidèles: "L’assemblée nationale, après avoir déterminé le mode de constater désormais l’état civil des citoyens, déclare qu’elle n’entend ni innover, ni nuire à la liberté qu’ils ont tous de consacrer les naissances, mariages et décès par les cérémonies du culte auquel ils sont attachés, et par l’intervention des ministres du culte." 

Louis XVI signe cette loi, mais l'aurait-il signé s'il avait connu auparavant l'opposition frontale du pape Pie VI* la jugeant "hérétique, sacrilège et schismatique"? 
Pour marquer sa désapprobation, le roi refusera de recevoir la communion des mains d'un cardinal assermenté. 
Cette attitude et bien d'autres vont marquer la volonté du souverain de s'opposer aux décisions des Assemblées. Discrètement, symboliquement dans un premier temps, puis plus ouvertement ensuite en utilisant son droit de véto. Jusqu'à sa tentative de fuir la France le 21 juin 1791.


la mort de Louis XVI le 21 janvier 1793

Cette tentative a définitivement brisé les liens encore ténus entre le souverain et les français. Il n'a pas pu ou pas voulu comprendre qu'ils ne voulaient plus d'un pouvoir royal absolu, un pouvoir "de droit divin". C'est cette incompréhension et ce refus qui l'ont amené au 21 janvier 1793.

Dans son ouvrage "la Révolution française", François Furet écrit: "Louis XVI est mort une première fois le 21 juin1791. Il n'est pas encoe un otage, mais il n'est déjà plus qu'un enjeu." (1)

En France, le mariage civil et laïc est toujours la règle, admise et respectée par les différentes religions. 

Si l'esprit de la Constitution de 1791 est inchangé, la règle a évolué: 

  • en 1804, le code Napoléon, s'il garde les dispositions révolutionnaires du mariage, place néanmoins la femme sous l'autorité et la dépendance du mari
  • en 1816, le divorce est abolit
  • en 1884, seul, le divorce par faute est rétabli
  • en 1938, la femme peut agir en justice sans l'autorisation de son mari
  • en 1965,  La loi rend effective la capacité juridique de la femme mariée et consacre l’indépendance des époux dans la gestion de leurs biens
  • en 1975, trois cas de divorce reconnus: le divorce par consentement mutuel, le divorce pour rupture de vie commune, et le divorce pour violation grave et renouvelée des droits et obligations du mariage
  • en 1985, égalité des époux dans les régimes matrimoniaux
  • en 1999, 
  • adoption du Pacte civil de solicarité (PACS)
  • en 2004, allègement de la procédure dans le cas de divorce
  • en 2013, promulgation de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
La Constitution de 1791, en reprenant dans son préambule la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, a inscrit dans le marbre le principe d'égalité et à travers lui, le mariage civil et ce qui en a découlé.

Mona Ozouf* confirme ce principe: "Dans la Révolution française, c'est ce qu'on rencontre d'emblée: en posant les hommes comme libres et égaux en droit, la Révolution pose l'égalité, une égalité que personne n'a encore vue nulle part et qui est pourtant une idée d'une fécondité prodigieuse." (2)




(1) in "la Révolution française" de François Furet, éditions Gallimard, 2007 pour GLM, page 325
(2) in "Critique, Mona Ozouf, la patience et la passion", numéros 831 - 832, août et septembre 2016, page 635


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mercredi 15 juillet 2020

Le mariage du dauphin et de Marie-Antoinette et son feu d'artifice: 132 morts...

Louis Auguste en 1769 (LM Van Loo musée de versailles)
Le 16 mai 1770, le dauphin Louis Auguste de Bourbon, petit fils de Louis XV, épouse Marie-Antoinette de Hasbourg-Lorraine quinzième et avant dernier enfant de Marie Thérèse de Hasbourg, archiduchesse d'Autriche.
Marie-Antoinette en 1770 (JB Charpentier. Musée de Versailles)
Ces cérémonies royales ont donné  lieu à de grandes fêtes, tant à Versailles où siège la cour qu'à Paris, capitale du royaume.
Le dauphin a seize ans et Marie-Antoinette quatorze.
Mariage arrangé bien sûr comme c'était le cas dans la très grande majorité des mariages princiers. Il s'agissait de resserrer les liens entre la France et l'Autriche face à la Prusse, à la Russie et à la Grande Bretagne. 


La guerre de sept ans* (1756 - 1763) a opposé presque toutes les nations européennes: d'un côté, la France, l'Autriche, la Russie puis l'Espagne. De l'autre, la Prusse, la Grande Bretagne. Chacune de ces nations avec leurs alliés. 
Une guerre mondiale avant la lettre.

Ce conflit prendra fin avec la signature de deux traités: 
le premier à Paris entre la France et le royaume britannique, signé le 10 février 1763: la France a perdu quasiment toutes ses colonies en Amérique du nord, particulièrement le Cananada et tous les territoires à l'est du Mississipi. 
En 1770, Choiseul a écrit à Louis XV: " Je crois que je puis avancer que la Corse est plus utile de toutes les manières à la France que ne l’était ou ne l’avait été le Canada." Pour mémoire, la Corse avait été achetée - à crédit- à la République de Gènes en 1768 pour 200 000 livres tournois. D'aucuns s'interrogent encore aujourd'hui si c'était vraiment une bonne affaire...
La France a aussi perdu ses colonies en Inde où elle ne peut conserver que ses cinq comptoirs: Pondichéry, Yanaon, Madras, Kârikâl et Chandernagor.
Le second traité à Hubertsbourg a été signé le 15 février 1763 entre la Prusse et l'Autriche: cette dernière perd définitivement la Silésie mais récupère la Saxe. 
   
Les négociations en vue de mariage - car c'est bien de cela qu'il s'agit - ont été menées par Choiseul, alors minstre des affaires étangères, ont commencé en 1764. 



En France comme en Autriche, les opinions sont partagées: l'ambassadeur autrichien Mercy-Argenteau* reprochait au dauphin son aspect négligé dans sa tenue et son caractère sans reliefs quand l'envoyé de Louis XV à Vienne, l'abbé de Vermond*, jugeait la princesse autrichienne comme une sauvageonne, ne pensant qu'à s'amuser et à danser. De Vermont était chargé d'apprendre à Marie-Antoinette la langue française, les us et coutumes du pays. Il changera sans doute d'avis car par la suite il deviendra le lecteur et le confident de la reine.

Louis XV donne son accord en juin 1769. La princesse autrichienne en devenant l'épouse du dauphin renonce à ses droits sur les possessions autrichiennes, apporte une dot de 200 000 florins et l'équivlant en bijoux et reçoit une rente de 20 000 écu d'or ainsi que  100 000 écus en bijoux.

Le mariage est fixé en mai 1770.

Le 15 avril de la même année, l'ambassadeur de France à Vienne, le marquis de Durfort, demande officiellement la main de Marie-Antoinette pour Louis-Auguste de Bourbon.

Le mariage par procuration a lieu le 19. Après avoir fait ses adieux à sa mère et à la cour, le 21 elle prend, en grand équipage, la route vers la France, vers Versailles.

Elle change de vêtement à Strasbourg où lui sont présentées la duchesse de Noailles*, sa future première dame d'honneur et d'autres nobles de haut rang.
Elle déclare à ceux qui s'adresse à elle en allemand: "ne parlez pas allemand; à dater d'aujourd'hui, je n'entends plus d'autres langues que le français."


Marie-Antoinette arrivant à Versailles (source Gallica.bnf.fr)

Le voyage va durer vingt quatre jours: 132 personnes, 57 voitures, 376 chevaux accompagnent la princesse qui reçoit un accueil chaleureux dans toutes les villes traversées. 
Si le peuple dans son ensemble lui est favorable, il n'en est pas de même à Versailles ou les adversaires du rapprochement avec l'Autriche l'appellent aussitôt "l'autrichienne."


l'acte de mariage de Louis_auguste et de Marie-Antoinette
(source gallica.bnf.fr)

Louis XV et son petit fils vont à la rencontre de la future épouse, eux aussi en grand équipage. À Compiègne, Marie-Antoinette s'agenouille devant le roi en l'appelant "papa", ce qui enchante Louis XV, puis gauchement, Louis-Auguste dépose un timide baiser sur la joue de sa promise.



Le mariage religieux est célébré le 16 mai dans la chapelle de Versailles. Les invités ont noté que le marié avait fortement rougi en passant l'anneau de mariage au doigt de la mariée.
Après un festin somptueux - où, dit-on, le dauphin s'est beaucoup ennuyé - et un opéra, à minuit, eut lieu la cérémonie du coucher où, selon la tradition, le roi donna lui-même à son petit fils une chemise. 
Nous savons aujourd'hui que très certainement faute d'avoir été informés correctement, mais aussi à cause de la malformation physique de Louis, les jeunes époux restèrent sagement l'un à côté de l'autre. Le mariage ne sera véritablement consommé que sept années plus tard: le dauphin souffrait d'un phymosis* 



Joseph II d'Autriche


Joseph II*, empereur d'Autriche et frère de Marie-Antoinette, en visite à Paris en 1677, conseillera intelligemment les jeunes époux, leur permettant ainsi de mener une vraie vie de couple.



Un feu d'artitifice avait initialement été prévu à Versailles, mais annulé pour cause de mauvais temps. Ce n'est que le 30 mai et place de la Concorde à Paris qu'a été tiré ce feu d'artifice. 



Un spectacle qui s'annonçait grandiose: 30 385 fusées, 14 445 cartouches. À presque vingt deux heures, tout est terminé et les parisiens s'apprêtent à retourner chez eux. 
Mais suite à une bousculade rue Royale et à la panique qui s'en est suivie, au moins 130 personnes y perdirent la vie et bien d'autres furent blessées. 
À cette époque la rue Royale était en plein travaux et c'est sans doute ce qui explique le nombre élevé de victimes.


le duc de Croÿ
Le duc de Croÿ* écrit: "Les premiers qui tombèrent dans les ornières furent piétinés et étouffés d’abord par les autres. L’effort qu’on faisait pour les retirer arrêta tout, et la grande masse de la foule continuant, sans le savoir, de pousser, l’effort fut tel que les hommes, par la pression, étouffèrent trois chevaux tués raide, et s’étouffèrent les uns les autres au point que des portes cochèrent d’à côté en furent enfoncés, de sorte qu’il y eut des morts qui étaient emportés par la pression, et qui, quoique morts, furent portés loin sans tomber." (1)

La Gazette du 4 juin 1770, organe officiel du royaume, écrit: 

« Les plaisirs de cette fête ont été troublés par un malheur qu'on ne pouvolt ni prévenir ni prévoir.
La rue par laquelle le Peuple se porta avec le plus d'affluence, après le feu d'artifice s'étant trouvée embarrassée par différens obstacle, & la foule étant prodigieuse, un grand nombre de personnes de tout sexe & de tout âge été étouffée.
Le nombre des morts monte à cent trente-deux, à savoir, quarante-neuf hommes ou garçons & quatre-vingt-trois femmes ou filles.
Celui des blessés est de vingt-six : ces derniers ont été portés à l’Hôtel-Dieu & à la Charité, & la plupart font annuellement hors de danger. » (2)
À Versailles, c'est la consternation: la dauphin écrit au lieutenant général de police de Sartines*: 
« J’ai appris le malheur arrivé à mon occasion ; j’en suis pénétré. On m’a apporté ce que le roi m’envoie tous les mois pour mes menus plaisirs ; je ne peux disposer que de cela, je vous l’envoie ; secourez les plus malheureux » (1) 

La Gazette publie elle aussi cette information:
« Ce jeune Prince, instruit des malheurs arrivés dans un jour consacré à la joie que son mariage inspire à tous les François, ayant reçu, le lendemain, les six mille livres que Sa Majesté lui a assigné par mois pour ses menus plaisirs, les a envoyées au sieur de Sartine, Lieutenant-Général de Police, à qui il a écrit de sa main, lui mandant de distribuer cette somme a ceux qui avoient le plus pressant besoin d'être secourus.
Madame la Dauphine a suivi cet exemple respectable. Le Bureau de la Ville a pris aussi les mesures les plus détaillées pour faire soigner les blessés & procurer du soulagement aux familles de ceux qui ont péri. »(2)

Il n'y eut pas de responsabilités établies, pas plus que de responsables. Mais la plupart de ces festivités étaient organisées sans réel contrôle de l'administration royale. Il est vrai que le lieutenant de police général, Antoine Raymond de Sartine passait braucoup de temps à traquer les ennemis du principal ministre, le duc de Choiseul... 
À partir de cette catastrophe, l'accord des autorités fut obligatoire. 

Hier comme aujourd'hui et sans doute, hélas, comme demain, et parce que personne ne pouvait, ne peut ou ne pourra les anticiper ou les prévoir, des événements festifs ont pu, peuvent et pourront se transformer en drames.


(1) in le blog https://plume-dhistoire.fr/feu-dartifice-mortel-lunion-maudite-de-louis-xvi-et-marie-antoinette
(2) in https://www.retronews.fr/catastrophes/echo-de-presse/2018/11/09/feu-dartifice-au-mariage-de-louis-xvi-132-morts



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