jeudi 24 mai 2012

les Présidents de la République Française: 3ème partie: 1906 - 1920.


Comme leurs prédécesseurs, ces deux présidents s'en tinrent à leurs domaines de compétences, sans jamais empiéter sur les prérogatives des différents gouvernements. Comme leurs fonctions les y obligeaient de par la Constitution. Pour autant, ils ne restèrent pas immobiles et surent intervenir pour donner les impulsions nécessaires en fonction des circonstances.

Armand FALLIERES
Armand FALLIERES: 1841 - 1931.Président de février 1906 à février 1913.

Originaire d'une famille modeste de vignerons dans le Lot-et-Garonne, il devient avocat. Maire, conseiller général, député sur les bancs de la gauche républicaine, sénateur, ministre, Président du Sénat et Président du Conseil en 1883, il gravit tous les échelons de la vie politique avant d'accéder à la magistrature suprême devançant Paul Doumer de 78 voix.

Armand Fallières est un abolitionniste convaincu. Dès son accession à la présidence, soutenu par Jean Jaurès et Paul Deschanel, il fait présenter par le gouvernement Clémenceau un projet de loi abolissant la peine de mort, sauf pour les crimes relevant de la justice militaire en temps de guerre. Mais une campagne de presse suite à l'assassinat d'une enfant en 1907 fait capoter le projet. Il faudra attendre 1981 pour que la "bascule à Charlot" soit envoyée au placard. A. Fallières gracie systématiquement tous les condamnés à mort pendant l'essentiel de son mandat.

C'est pendant son septennat que cette période appelée "la Belle Epoque" marquera son apogée. La révolution industrielle, commencée dans les années 1880 - 1890, continue sur sa lancée: les nombreuses découvertes scientifiques de la fin du XIX ème siècle sont mises en application et bouleversent le quotidien: l'électricité, les moteurs à explosion, bien maîtrisés, permettent l'utilisation permanente des trains, des voitures, des métros; l'aviation, embryonnaire, se développe très vite. L'art, lui aussi, apporte sa révolution: le cubisme avec Picasso ou Braque, le fauvisme avec Matisse ou Derain; la musique avec Ravel ou Stravinsky; la littérature avec Proust ou Gide. Sans oublier l'art nouveau avec Lalique ou Tiffany.

Mais cette révolution industrielle, si elle permet l'enrichissement d'une bourgeoisie, n'améliore en rien le quotidien d'une classe ouvrière soumise à de très dures conditions de travail et à des salaires de misère.

Aussi, le gouvernement de G. Clémenceau (le plus long de la III ème République) créé en 1906 le ministère du travail et le ministère de l'hygiène publique, chargés de mettre en place les lois sociales concernant l'organisation du travail; le repos hebdomadaire est institué et rendu effectif; mise en place des retraites ouvrières et paysannes: c'est l'Etat qui organise le système par capitalisation, mais hostilité de la CGT et méfiance du patronat; la loi donne à une femme salariée la libre disposition de son salaire; retraites des cheminots à partir de 55 ans. Ces réformes sont essentielles et vont changer profondément le salariat et la condition des métayers.

Alfred Dreyfus sera définitivement réhabilité en juillet 1906 et réintégré dans l'armée. Les cendres d'Emile Zola, un de ses principaux défenseurs, seront transférées au Panthéon en 1908.

C'est pendant son septennat, en 1912, que le Maroc passera sous protectorat français, bien après après la crise de Tanger de 1905 où la France et l'Allemagne faillirent de nouveau s'affronter.

La loi de la séparation des églises et de l'Etat votée le 9 décembre 1905 commence à s'appliquer dès le début du septennat. Non sans protestations des fidèles, du clergé et du Vatican. Aristide Briand, ministre de l'éducation et des cultes, dans le ministère Clémenceau, ne faillira pas à sa tâche, particulièrement dans l'affaire de l'inventaire des biens des églises. Pour autant, cela entraînera quelques frictions avec le Président du Conseil: ce dernier, en effet, n'est pas partisan d'un Etat laïque: "je refuse l'omnipotence de l'Etat laïque parce que j'y vois une tyrannie." (1) Et  Pierre Miquel d'ajouter: "il déteste autant les apôtres de la raison que ceux de la Sainte Vierge. Il ne veut pas transférer la puissance spirituelle du pape à l'Etat." (1)

A. Fallières aura été l'un des Présidents  les plus populaires: sa simplicité, sa façon de vivre son mandat sans affectation particulière, sa bonhomie auront fait de lui une personnalité sympathique et "proche des gens." Sans oublier certaines de ses formules restées célèbres. Ainsi, à son successeur, le 13 janvier 1913, il confie, en parlant de la fonction présidentielle: "la place n'est pas mauvaise, mais il n'y a pas d'avancement." (2)


Raymond POINCARE en 1914
Raymond POINCARE: 1860 - 1934. Président de janvier 1913 à février 1920.

 D'origine bourgeoise, R. Poincaré est d'abord avocat (il défendra Jules Vernes) avant que d'entrer en politique: député à 27 ans, ministre, académicien, Président du Conseil, Président de la République à 52 ans. Il aura à affronter pendant son mandat toutes les conséquences de la première guerre mondiale.

Pressentant la guerre avec l'Allemagne, il sera l'artisan de la "loi de trois ans", votée en juillet 1913, loi qui institue un service militaire de trois ans pour les hommes à partir de l'âge de 20 ans. Loi à laquelle s'était opposée Jean Jaurès. Il sera aussi à l'origine de "l'Union Sacrée", qui réunira pendant toute la durée du conflit tous les partis politiques ainsi que les syndicats, y compris la CGT. "La guerre, donc. Les obsèques de Jaurès, où parle, entre autres, Viviani, fournissent au Parti socialiste et à la CGT l'occasion d'en accepter le devoir. Le ministre de l'Intérieur perçoit la tendance, et il a l'habilité de ne pas engager les poursuites préventives prévues (au fameux carnet B) contre les révolutionnaires les plus actifs. Viviani fait entrer deux socialistes dans son gouvernement, Jules Guesde et Marcel Sembat. C'est l'Union Nationale, que Poincaré appellera "l'Union sacrée". (3) " : la France "sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l'ennemi l'Union Sacrée ". (4)

Pendant toute la durée de la guerre, il sera sur tous les fronts pour soutenir les soldats. On le surnommera très vite "le président de la Grande Guerre". (5)

L'issue de la guerre est incertaine: réveil de certaines tensions sociales, batailles importantes perdues comme le "Chemin des dames" (plus de 200 000 tués, disparus et blessés), les mutineries qui s'en sont suivies, particulièrement à Craonne. Donc, devant le risque d'une défaite face à l'Allemagne, R. Poincaré fit appel, le 16 novembre 1917, à Georges Clemenceau à la Présidence du Conseil. Ce dernier, qui prendra également le portefeuille de la Guerre déclarera devant les députés le 20 novembre: "Messieurs, nous avons accepté d’être au Gouvernement pour conduire la guerre avec un redoublement d’efforts en vue du meilleur rendement de toutes les énergies. Nous nous présentons devant vous dans l’unique pensée d’une guerre intégrale".

Le 11 novembre 1918, l'Allemagne, en signant l'armistice, signe sa reddition. Le bilan de cette épouvantable boucherie est terrible: 1,5 million de morts (un tiers des classes d'âge des 19 - 22 ans), 3 600 000 blessés, 600 000 invalides, 600 000 veuves et plus d'un million d'orphelins, 350 000 mutilés! Sans oublier les millions de victimes des nations qui ont prit part à la guerre. L'Europe sort exsangue de cette  abominable épreuve.

Le traité de Versailles est signé le 28 juin 1919. Il impose à l'Allemagne de rendre l'Alsace et la Lorraine à la France, en plus de lourdes indemnités de guerre et la démilitarisation de la rive gauche du Rhin. Il a souvent été affirmé que ces très dures conditions imposées à la toute jeune République allemande avaient été une des causes de la montée en puissance des nazis. C'est exact, mais il ne faut pas oublier les conditions tout aussi dures imposées par l'Empire allemand à la France après la défaite de 1870. Même si, comme disait Gambetta en 1872, "y penser toujours, n'en parler jamais", l'esprit de revanche a beaucoup joué dans le déclenchement du conflit en 1914. Heureusement, en 1945, il s'est trouvé des européens courageux pour dépasser cet état d'esprit revanchard et construire une Europe de la paix.

Après son mandat, R. Poincaré redevient Président du Conseil en janvier 1922. L'Allemagne refusant de payer les dommages de guerre, il fait occuper militairement le bassin industriel de la Rhur en janvier 1923. La France doit payer ses dettes auprès de ses alliés (40 milliards), sans pour autant recevoir le moindre mark, d'ailleurs de plus en plus dévalué. D'où une inflation galopante. En juillet 1926, devant l'ampleur de la crise financière en France, Poincaré revient à la tête du gouvernement. Il dévalue le franc de près de 80%. Le "franc Poincaré" remplace alors le "franc germinal".

Il quitte la vie politique en 1929. Son rôle pendant la guerre a plus été celui d'une référence, d'un exemple que celui d'un décideur. Mais tel était l'esprit et la lettre de la fonction présidentielle. Il ne s'en est jamais écarté: "le Président de la République préside et ne gouverne pas. C'est l'ABC du régime parlementaire (...) La Constitution porte: article 1er: le Président a tous les droits. Article 2: il n'en exerce aucun sans l'autorisation du Cabinet". (6)

(1) in Clémenceau, le Père la Victoire, de Pierre Miquel, éditions Tallandier, collection documents d'Histoire, 1996, page 40.
(2) in "les Présidents de 1870 à nos jours", de Raphaël Piastra, éditions Eyrolles, 2012, page 60.
(3) in "la République", 1882-1932, de Maurice Agulhon, éditions Hachette 1990, page 260.
(4) lecture par le Président du Conseil René Viviani devant les Chambres du message du Président de la République le 4 août 1914.
(5) in "les Présidents de 1870 à nos jours" page 65.
(6) ibid page 68.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Soixante ans..... Déja!!!!

 Soixante ans..... Déjà!!!!!