mardi 28 décembre 2021

Le pourquoi du comment des choses: "la trêve des confiseurs"

 

l'Assemblée Nationale (crédit AFP Thomas Samson)

 En cette fin d'année, voilà une expression que nous aurions pu entendre bien souvent si le rebond de la pandémie n'obligeait pas l'exécutif à prendre de nouvelles mesures et à les proposer au législatif.

Mais d'où vient cette expression et quelle en a été la cause?

En 1874, de vifs débats opposaient à la Chambre des députés (cette appellation disparaitra en 1946 et sera remplacée par Assemblée Nationale) et au Sénat les monarchistes et les républicains sur ce que devait être la Constitution de la France: les premiers voulaient le retour de la monarchie et les seconds pour la mise en place d'un régime réellement républicain.


Il faut se souvenir que la République a été proclamée le 4 septembre 1870 par Gambetta mais que " au lendemain de la défaite de 1870 et de la Commune, les monarchistes n'ont accepté l'installation de la République (de fait dès 1871, de droit à partir des Lois Constitutionnelles de 1875) qu'avec l'espoir de se donner le temps de l'abattre et de redonner au roi la place que lui tenait au chaud le Président de la République." (1)

Adolphe Thiers, monarchiste, est élu Président de la République et Président du Conseil par une assemblée majoritairement monarchiste, divisée entre légitimistes et orléanistes.
Son gouvernement est renversé le 24 mai 1873 et c'est le maréchal de Mac Mahon, monarchiste lui aussi, qui lui succède. Dans le même temps, le Parlement dissocie les deux fonctions essentielles de l'exécutif, celles de président de la République et de Président du Conseil.


Donc, en cette fin d'année 1874, républicains et monarchistes s'opposent avec virulence sur ce que doit être la future Constitution.

Tout opposait ces deux blocs: d'un côté, Mac Mahon, soutenu par les monarchistes, voulait imposer l'ordre moral, fondé sur les valeurs religieuses: le jours de son élection, en mai 1873, il déclarait: "Avec l'aide de Dieu, le dévouement de notre armée (...) et l'appui de tous les honnêtes gens, nous continuerons l'oeuvre (...) du rétablissement de l'ordre moral de notre pays."

Léon GAMBETTA

De l'autre, les républicains, en position de force, emmenés par Léon Gambetta* qui affirme "le cléricalisme, voilà l'ennemi" et qui entendent ne rien céder aux cléricaux monarchistes. 

Pour autant, chaque député est conscient que la fin de l'année approchant avec son intense activité économique, il importe de ne pas perturber et l'ambiance de fête et les affaires.
Albert de Broglie*, alors député de l'Eure déclare: "on convint de ne pas troubler par nos débats la reprise d'affaires commerciales qui, à Paris et dans les grandes villes, précèdent toujours le jour de l'an."

Les républicains ne sont pas vraiment enthousiastes et proposent une pause jusqu'au 28 décembre. Les monarchistes préfèrent le 11 janvier. Après quelques discussions, c'est finalement le 5 janvier 1875 que reprennent les débats sur la future constitution.

C'est la presse satirique, en particulier 'l'assiette au beurre", qui, aussitôt, a baptisé cet arrêt des débats "la trêve des confiseurs"

 


Une cliente affirme en riant: "Ce n'est pas une trêve mais un coup de bourre des confiseurs."
 

 

T. Pavot (2) écrit en 1898: "les confiseurs jubilent, profitant de la suspension des hostilités à la Chambre, et cette tranquillité dont ils bénéficient s'est appelée la trêve des confiseurs."

Cette expression est également utilisée lors de la pause -toute relative- des marchés boursiers, mais aussi lors de la pause des matchs de foot ou de rugby.

Un confiseur vers 1730, par Martin Engelbrecht  


 Le 30 janvier 1875, l'amendement Wallon est adopté en première lecture avec une seule voix d'avance: 353 contre 352. Mais en seconde lecture, avec une nette majorité: 413 contre 248.
Il stipule: "le Président de la République est élu à la majorité des suffrages par le Sénat et la Chambre des Députés réunis en Assemblée Nationale. Il est nommé pour sept ans; il est rééligible."

Cet amendement sera repris dans l'article 2 de la loi Constitutionnelle du 25 février 1875.

Depuis lors, la France est une République. Et c'est tant mieux!


 

 

 

 

 (1) in "la politique en France. Dictionnaire historique de 1870 à nos jours", sous la direction de Thomas Ferenczi, éditions Larousse - Le Monde, page 107
(2) in "l'intermédiaire des chercheurs et curieux, questions et réponses, communications diverses à l'usage de tous, littérateurs et gens du monde, artistes, bibliophiles, archéologues, généalogistes, etc, volume 38, 20 septembre 1898."

le recueil sur: https://www.youtube.com/watch?v=Tq7eFXwQAR0

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