mercredi 9 janvier 2013

Au coeur de l'Apocalypse.


Patrick L'Ecolier (http://calipso.over-blog.net/) a eu la bonne idée de renouveler l'exercice qu'il avait initié l'année dernière, à savoir les cent jours qui précèdent l'élection présidentielle (voir mon billet du 7 décembre 2012: http://claudebachelier.blogspot.fr/2012/12/les-cent-derniers-jours-le-livre.html). Cette fois-ci, il nous a proposé d'écrire un texte relatant les cent jours qui suivent ce qui aurait du être la fin de notre monde le 21 décembre, ou si vous préférez les cents jours qui suivent ce qui aurait du être l'apocalypse.
Il me fait l'amitié de publier le texte qui suit:

Bien cher ami,

J’espère que ma lettre vous trouvera en bonne santé, physique autant que morale. Pour ma part, le physique va plutôt bien : à quatre-vingt-quatorze ans, je ne peux pas demander l’impossible. Par contre, pour le moral, ça, c’est autre chose. Vous savez que j’ai toujours été quelqu’un d’optimiste, mais pour le coup, depuis l’élection du nouveau Président, j’ai, comme on dit un peu familièrement, « le moral dans les chaussettes. »

En effet, depuis que le cardinal Henri de Brignan a été élu Président de la République, tout est bouleversé. Permettez-moi de vous décrire en détail la situation. Sans toutefois trop m’appesantir.

Le premier geste politique du nouveau Président a été de nommer l’iman Cheik Abdul El Rackary Premier Ministre. Ce dernier a composé son gouvernement avec uniquement des personnalités toutes issues du monde religieux : cinq catholiques, dont le ministre de l’Éducation Nationale ; quatre musulmans, dont le ministre de l’Intérieur ; quatre juifs dont le ministre des Affaires Etrangères ; deux protestants, dont le ministre de l’Économie ; un témoin de Jéhovah, ministre de la Santé ; un mormon, ministre du Commerce et un sikh ministre des Armées. Et bien sûr, pas la moindre femme.

Vous me direz avec raison que ce n’est pas vraiment une surprise, de Brignan l’avait annoncé bien avant d’être élu. Et, hélas, personne ne peut nier qu’il a été élu dès le premier tour avec plus de 65% des voix.

Cela dit, et sans être mauvais perdant, cette élection, exclusivement via internet, me paraît suspecte. D’abord parce que ce sont des entreprises américaines liées au Tea Party et à la Congrégation Saint Nicolas du Chardonnet qui les ont mises en place, organisées et contrôlées. Ensuite, parce que ce sont des chaines de télévision contrôlées par Civitas qui ont annoncé les résultats, deux heures avant la fin du scrutin.

Mais, de toute façon, triche ou pas, l’époque est à la religion : les églises, les mosquées, les temples, les synagogues ne désemplissent pas. Il y a même une liste d’attente longue comme le bras pour aller à Lourdes. Sans parler de celle pour se rendre à La Mecque. Et ce phénomène, hélas, n’est pas que français. Tous les pays se sont donnés des gouvernements religieux, y compris l’Albanie, c’est dire ! Gouvernements élus à de fortes majorités, via internet, comme il se doit ! Je n’explique pas ce phénomène. Je me souviens quand même qu’il a commencé au début du siècle. Il y a deux ans, j’avais signé des pétitions et même défilé à plusieurs reprises pour dénoncer une directive de la Commission Européenne imposant le vote électronique dans tous les pays de l’Union Européenne. Mais pétitions et manifestations n’ont servi à rien, d’autant qu’elles n’ont pas rencontré les succès escomptés par leurs organisateurs.

Cette épidémie de religiosité est planétaire, vous le savez, j’imagine. Après l’Amérique du Nord – les Etats Unis sont dirigés par un mormon, le Canada par un sikh et le Mexique par un prêtre issu de l’Opus Dei – c’est l’Amérique du Sud qui s’est abandonnée dans les bras des catholiques et des évangélistes, imitée en cela par l’Amérique Centrale. Même chose en Asie, livrée aux bouddhistes de toutes obédiences. Quant à la Russie, il y a belle lurette que l’Église orthodoxe avait placé ses pions en la  personne d’un ancien officier du KGB qui s’est effacé lorsqu’elle lui en a donné l’ordre.

En Afrique, tous les pays sont dirigés par des évêques ou des imans. La seule différence avec les autres pays, c’est que les religieux qui n’ont pas été élus accusent ceux qui l’ont été d’avoir organisé des fraudes massives. Encore que tous n’ont pas été élus puisque la pratique du coup d’état est encore bien pratiquée là-bas. De ce côté-là, rien de nouveau sous le soleil.
Le paradoxe – mais en est-il vraiment un ? – est que seuls les États qui ont échappé à ce tsunami religieux sont les États communistes : la Chine, le Vietnam, la Corée du Nord et Cuba, là où vous résidez.

À partir de ce constat, certains chez nous affirment que la Démocratie ne fait pas le poids face aux religions. Il est vrai que même la France, malgré la loi de 1905, a été submergée.
D’ailleurs, à peine nommé, le gouvernement a organisé un référendum où deux questions étaient posées : « voulez vous que la Loi de séparation entre les églises et l’État soit abrogée ? » et « acceptez-vous la nouvelle Constitution qui fonde la VIe République ? »

Le « oui » l’a emporté dans les deux cas à plus de 80%. Donc, maintenant, la France est devenue la fille ainée des religions !
Au début, on était plutôt dans le « tout le monde il est beau, tout le monde, il est gentil. » Mais cela n’a pas duré : dès la mise en place de la nouvelle Constitution, tous les syndicats, tous les partis politiques, toutes les associations ont été dissous. Sauf celles et ceux qui, selon les nouvelles autorités, « pensent bien. »
De nouvelles pièces d’identité ont été imposées sur lesquelles doit obligatoirement figurer l’appartenance à une communauté religieuse. Comme par hasard, ceux qui se déclarent « sans religion » mettent un temps infini à recevoir le document pourtant indispensable, car les contrôles dans la rue par les policiers du service dit des « bonnes mœurs » sont permanents et tatillons. Ceux qui ne peuvent prouver leur identité sont emmenés au poste, manu militari !

Les fonctionnaires sans appartenance religieuse ont été licenciés, y compris les universitaires, les diplomates, les militaires ou les magistrats.

Toutes les bibliothèques ont été purgées de leurs ouvrages jugés licencieux par tout ce que notre pays compte de grenouilles de bénitier, regroupées dans le « Conseil Supérieur de la Litterrature. » Rien que la dénomination de ce groupuscule fait froid dans le dos. Ce conseil n’a pas encore fixé la date des futurs autodafés, mais je ne doute pas que cela ne devrait pas tarder.

Chaque entreprise, y compris les plus petites, est tenue de laisser à ses salariés le temps nécessaire pour leurs prières quotidiennes. Les cantines publiques – il n’en reste qu’une centaine sur tout le territoire – ou privées se doivent de tenir compte des différents interdits religieux pour composer les repas.

Toutes les fêtes nationales, du type 14 juillet ou 11 novembre ont été supprimées au profit des fêtes religieuses. D’ailleurs, les jours de congé religieux ont explosé, chaque église voulant avoir les siens propres. Étant entendu cependant qu’un musulman ne pourrait être en congé pour Noël ou qu’un catholique ne pourrait l’être pour l’Aït Al-Kabïr. Ce qui n’est pas sans désorganiser nombre d’entreprises et de commerces.
Les femmes, bien sûr, ont été renvoyées dans leurs cuisines. Elles peuvent encore voter, mais le mari se doit de contrôler le vote. Le mari, car seul le mariage est reconnu, toutes autres formes d’union entre homme et femme est prohibée. Quant à la contraception, elle est rigoureusement interdite, et je n’évoque même pas l’avortement, redevenu un péché mortel et comme tel voué aux gémonies célestes et poursuivi devant des tribunaux religieux ! Il est inutile de préciser que les homosexuels sont particulièrement pourchassés et tous les mariages qui les concernaient ont été annulés. 

La liste est encore fort longue de tous ces bouleversements. Et je préfère en rester là, je ne voudrais pas vous importuner avec cette liste à la Prévert.

Vu mon grand âge, personne ne peut me faire un trou là où j’en ai déjà un. Vous voudrez bien excuser cette familiarité, mais elle me rappelle trop cette liberté de ton de ma jeunesse, celle où l’on pouvait chanter la carmagnole ou les filles de Camaret ou lever le poing au ciel sans qu’un cureton ou un ayatollah ne vienne me faire sa morale ou m’envoyer dans un camp de rééducation religieuse.

Malraux aurait dit que « le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas ». À supposer qu’il l’ait vraiment dit, il ne pouvait imaginer combien il avait raison et surtout l’ampleur que cela prendrait !

Tout ça pour vous dire, mon cher ami, que je compte demander l’asile politique aux autorités politiques de Cuba et que je compte bien avoir votre aide pour faire aboutir ma demande.
 
Bien à vous.
Votre dévoué,
VH

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