mardi 14 août 2012

les Présidents de la République Française: 8 ème partie: 1969 - 1981.


Charles de Gaulle a donc démissionné et s'est alors complètement tenu à l'écart de la vie politique française. Pendant l'élection présidentielle qui a suivi sa démission, il est en Irlande, terre de certains de ses ancêtres. Lui succéder aurait pu être un exercice délicat. Il n'en fut rien. Georges Pompidou d'abord, Valéry Giscard d'Estaing ensuite et même plus tard François Mitterrand se sont glissés sans difficultés particulières dans des habits présidentiels que l'on aurait pu croire trop grands pour eux.

Georges Pompidou
Georges POMPIDOU: 1911 - 1974. Président du 20 juin 1969 au 2 avril 1974.

Né à Montboudif, dans l'Auvergne profonde, Georges Pompidou est fils d'instituteur et petit fils d'agriculteurs. Elève brillant, il sera condisciple de Léopold Sédar Shengor* et Louis Césaire* au lycée Louis le Grand* à Paris avant que d'être reçu à l'Ecole Normale Supérieure* en 1931 et d'en sortir agrégé de lettres. L'ascenseur social républicain fonctionnait bien à cette époque. Tour à tour professeur, collaborateur du général de Gaulle après la guerre, il intégrera la banque Rothschild de 1954 à 1958. Il sera ensuite directeur du cabinet de Charles de Gaulle, Président du Conseil, avant d'être nommé au Conseil Constitutionnel de 1959 à 1962. 
Il succédera à Michel Debré* au poste de Premier Ministre le 14 Avril 1962. Il sera le seul chef de gouvernement à être renversé par une motion de censure le 5 octobre 1962. Pendant les évènements de mai 1968, il aura une attitude modératrice face au Chef de l'Etat, plus enclin à une politique de fermeté.

Il est élu à la présidence de la République le 20 juin 1962 par 58,21% des suffrages exprimés face à Alain Poher*, alors président du Sénat et représentant le centre. Il est à noter que Jacques Duclos*, présenté par le PCF, recueille au premier tour 21,3% alors que le socialiste Gaston Defferre* peine à rassembler 5% des exprimés. J. Duclos, au second tour, demande à ses électeurs de s'abstenir, G. Pompidou et A. Poher étant, d'après lui, "bonnet blanc et blanc bonnet."

"Je maintiendrai" avait déclaré Georges Pompidou, à peine élu. (1) Il sera en effet présent sans tous les domaines de la vie politique, ainsi que le remarque René Rémond: "... il imprime à la fonction présidentielle un tour plus directif qu'au temps du Général. Si la conjonction de circonstances exceptionnelles avec la personnalité hors du commun de de Gaulle avait déjà rompu l'équilibre défini par le texte de 1958 entre les deux fonctions, c'est de la présidence Pompidou que datent le basculement et l'étroite subordination de Matignon à l'Elysée." (2)  

Le nouveau président nomme Jacques Chaban Delmas Premier Ministre. Ce dernier s'entoure de gens proches de la sociale démocratie, tels Jacques Delors* ou Simon Nora*, les deux inspirateurs, voire les rédacteurs du discours d'investiture de J. Chaban Delmas sur "la Nouvelle Société*" en septembre 1969. Ce qui n'est pas vraiment du goût du président et de l'aile la plus droitière de l'UDR.

Après la secousse de mai 68, il s'agit de faire repartir "la machine". Laquelle ne demande que cela. Le président Pompidou accélère les projets conçus pendant le septennat précédent: Concorde, Ariane, le TGV ou Airbus. Il y a peu de chômage, mais les salaires restent relativement faibles. Au moment des élections législatives de 1973, les syndicats revendiquent un SMIC à ... 1000 francs! La période est particulièrement faste pour la France et les français qui voient leur niveau de vie augmenter de 25%.

Le président Pompidou engage des négociations avec le gouvernement britannique afin d'accélérer le processus d'adhésion au sein de la CEE. Adhésion qui sera acceptée le 23 juin 1971 par les 6 membres de la CEE. Le 23 avril 1972, en répondant "oui" au référendum organisé par le président à plus de 68 % des suffrages exprimés (mais avec 40 % d'abstentions), les français actent l'arrivée du Royaume Uni au sein de la CEE, mais aussi celles de l'Irlande et du Danemark.

Il essaiera d'instaurer le quinquennat, mais reculera devant une majorité de députés et de sénateurs.

Sur le plan de la politique internationale, il suivra la politique gaullienne de bonnes relations avec l'ensemble des Etats, y compris communistes: voyages en Chine Populaire en 1973 et en Union Soviétique en 1974.

Le président Pompidou et son épouse étaient très férus d'art moderne. Madame Pompidou entreprit de réaménager le palais de l'Elysée en se faisant aider par des designers contemporains tels Yaacov Agam* ou Pierre Paulin*. Il décide la création, au coeur de Paris, d'un musée d'art moderne adossé à une grande bibliothèque: le Centre National d'Art et de Culture*. Le bâtiment, aujourd'hui  figure incontournable du "paysage" parisien, fut à cette époque largement décrié et critiqué.

La mésentente entre le Président et son Premier Ministre aboutit au renvoi de ce dernier le 5 juillet 1972. " Le désaccord porte en fait sur la conception de la société. Pour simplifier, de manière peut-être excessive, on peut admettre que, sous l'influence de Pierre Nora ou de Jacques Delors, le Premier Ministre s'en fait une conception proche de celle de la gauche réformiste. (...) En revanche, le chef de l'Etat a du problème une approche nettement plus conservatrice. (...) En d'autres termes, Jacques Chaban Delmas n'a pas la majorité de sa politique et, par tempérament personnel, il ne parait guère décidé à faire la politique de sa majorité." (3) 
Il est alors remplacé par Pierre Messmer.* L'UDR et ses alliés centristes  gagnent les législatives de mars 1973, mais d'une courte tête, même si en nombre de sièges, la victoire est large. Notons au passage que le PCF obtient 21,3% des exprimés et le PS 18,9%.

La loi du 3 janvier 1973 modifie les statuts de la Banque de France, laquelle n'a plus le droit de prêter à l'Etat mais uniquement aux banques. Cette loi faite à l'origine pour éviter d'avoir trop recours à "la planche à billets" et éviter ainsi l'inflation, cette loi donc fait actuellement sentir ses effets particulièrement néfastes puisque l'Etat est obligé d'emprunter auprès des banques privées à des taux scandaleusement élevés. C'est sans doute un peu plus compliqué, mais fondamentalement, c'est de cela qu'il s'agit.

Le 6 octobre 1973, suite à une attaque surprise des armées égyptiennes et syriennes contre Israël, commence la guerre du Kippour. Elle durera trois semaines et débouchera sur une victoire des armées de l'Etat hébreu. Avec pour conséquence immédiate, une augmentation de 70% du pétrole décidée par les pays de l'OPEP: en un an l'or noir passe de 3 $ le baril à 12 $. La crise économique s'impose alors dans les économies mondiales pour plusieurs années.

Le Président Pompidou meurt le 2 avril 1974, suite à la "maladie de Waldenström". L'immense majorité des français ignorait tout de la maladie du Président, même si son aspect physique soulevait bien des interrogations.

"Georges Pompidou a enraciné les institutions. L'histoire retiendra surtout son grand dessin modernisateur; prenant le relais du général de Gaulle, il a imprimé une impulsion décisive à la transformation de l'économie: après la modernisation de l'agriculture qui a été le fait des agriculteurs eux-mêmes, il a accéléré l'industrialisation. Il a contribué à faire de la France l'une des grandes nations productrices et l'une des premières puissances exportatrices: il l'a hissé dans le peloton de tête, avec les Etats-Unis, l'URSS, le Japon et l'Allemagne fédérale, passant devant la Grande Bretagne qui fut si longtemps le modèle envié de nation industrielle et commerçante." (4)


Valéry Giscard d'Estaing: né en 1926. Président du 27 mai 1974 au 21 mai 1981.

Valéry Giscard d'Estaing
Valéry Giscard d'Estaing, surnommé VGE, est issue de la haute bourgeoisie française. Elève très brillant (bac philo et mathématiques à 16 ans!!!), il est diplômé de l'école Polytechnique et de l'ENA. Après ses études il intègre le corps de l'Inspection Générale des Finances.

Dès janvier 1959, il accède aux fonctions ministérielles: d'abord secrétaire d'Etat aux finances, puis en janvier 1962, ministres des finances. Evincé du ministère en 1966, il est de plus en plus critique vis à vis du pouvoir du général de Gaulle ( il dénonce "l'exercice solitaire du pouvoir") et appelle à voter "non" au référendum d'avril 1969. 
Il soutiendra Georges Pompidou qui en fera son ministre des finances. Parallèlement, il est le président des Républicains Indépendants, parti qui se montrera très critique vis à vis de l'UDR, alors sous les feux de l'actualité pour plusieurs affaires compromettantes. Michel Poniatowski*, adjoint de VGE, parle alors "des copains et des coquins".

Le 19 mai 1974, il est élu avec 50,81% des suffrages exprimés, devançant François Mitterrand d'un peu plus de 400 000 voix. Au premier tour, il avait distancé Jacques Chaban Delmas grâce à une mauvaise campagne de ce dernier, mais aussi grâce au soutien d'une partie non négligeable de l'UDR, emmenée par Jacques Chirac. Au cours du débat qui l'oppose au candidat socialiste entre les deux tours, VGE aura cette répartie célèbre: "Monsieur Mitterrand, vous n'avez pas le monopole du coeur."

Le nouveau Président affirme en septembre 1974 que "la France doit devenir un immense chantier de réformes", l'objectif étant "la société libérale avancée."

Il nomme Jacques Chirac Premier Ministre. L'entente entre ces deux politiques aux tempéraments et aux ambitions contraires ne sera jamais ni effective ni sincère. 
Néanmoins, dès le début du septennat, des réformes de fond seront mises en oeuvre:
- la majorité civile est fixée à dix huit ans;
-
création d'un secrétariat d'Etat à la condition féminine confié à Françoise Giroud*;

- vote de la loi autorisant l'interruption volontaire de grossesse (IVG), dite loi Veil, du nom de Simone Veil* alors ministre de la santé. Chacun se souvient de la violence et de la bassesse des attaques dont cette femme courageuse a été victime. Comme l'écrit René Rémond: "Catholiques intégristes et conservateurs poursuivront Simone Veil de leur vindicte." (5)
- mise en place du divorce par consentement mutuel;
-
saisine du Conseil Constitutionnel par 60 députés ou sénateurs.

VGE est un européen convaincu. Il instaure le Conseil Européen avec le soutien de Helmutt Schmidt, le chancelier allemand. Il signe l'accord instituant le Système Monétaire Européen en 1978 afin de stabiliser les monnaies européennes. En 1979, sera créé l'ECU, précurseur de l'Euro.

Il sera le premier président français à se rendre en Algérie pour une visite officielle en avril 1975. Et il renouvellera les accords de Lomé en faveur des pays du tiers monde.

Tout de suite après l'invasion de l'Afghanistan par les forces soviétiques, il se rend à Varsovie pour y rencontrer Léonid Brejnev*. Démarche sans doute pleine de bonnes intentions mais qui n'aboutira à rien, sinon à permettre à François Mitterrand d'affubler le président français du surnom de "petit télégraphiste de Moscou".

La situation économique ne s'améliore pas: au contraire, le chômage augmente: plus de 900 000 fin 1975, tout comme l'inflation: 11,7% la même année. Même si Jacques Chirac affirme voir "le bout du tunnel".

Ce dernier démissionne avec fracas à l'été 1976. Il est aussitôt remplacé par Raymond Barre*, présenté par le Président comme étant "le meilleur économiste de France." Le nouveau chef du gouvernement ("un esprit carré dans un corps rond" se définit-il lui-même) lance aussitôt un plan d'austérité qui ne donne que peu de résultats et n'enraye en aucune façon le chômage et l'inflation.

Le RPR, créé par Jacques Chirac le 5 décembre 1976, agit plus en adversaire qu'en allié du gouvernement: la guérilla est quasi incessante et le procès, sur la forme comme sur le fond, permanent: "A la société libérale, moderne et pluraliste de Giscard d'Estaing, Chirac opposait une société de volonté." (6)

Les élections municipales de 1977 verront la gauche s'emparer de plus de 150 villes de 30 000 habitants et plus. Jacques Chirac devient maire de Paris en battant le candidat du Président, Michel d'Ornano.

Les élections législatives de mars 1978 verront la victoire de l'alliance RPR - UDF, devançant d'une courte tête en voix l'alliance PS - PC.

Lors de l'élection du Parlement européen (pour la première fois au suffrage universel), l'UDF de VGE arrive largement en tête (27,61%) suivi du PS (23,53), du PCF 20,52%), puis du RPR (16,31%).

Pour autant, le Président de la République, ne convainc pas. En plus de résultats économiques pour le moins mauvais, sa façon de gouverner suscite bien des interrogations. Il veut "faire peuple" en jouant de l'accordéon ou en s'invitant dans des familles de "français moyens" ou en disputant un match de foot ou bien encore en invitant des éboueurs à prendre leur petit déjeuner avec lui à l'Elysée. Sans convaincre vraiment. A cela, il faut ajouter une révélation, preuves à l'appui, du Canard Enchainé*: le Président a reçu en cadeau de la part de JB Bokassa, empereur de Centrafrique, à deux reprises des diamants de valeur. Dans la réalité, les diamants sont de médiocre qualité et n'ont pas la valeur annoncée par le journal satirique. Quelques années plus tard, la vérité sera établie à ce sujet. Sauf que VGE oppose un silence méprisant, silence interprété comme de l'arrogance et une preuve de culpabilité. Cette affaire a certainement été un des éléments de la défaite de VGE en mai 1981.

Il est le favori des sondages jusqu'en février 1981 qui le donnent gagnant quelque soit son adversaire de gauche, François Mitterrand ou Michel Rocard. A l'issue du premier tour, il est en tête (28,32%), devant F. Mitterrand (25,85%), Jacques Chirac (18%) et Georges Marchais (15,35%). Le président du RPR déclare qu'il votera pour VGE "à titre personnel", mais ne donne pas de consigne de vote à ses électeurs. 
Au second tour, le 10 mai 1981, le Président Giscard d'Estaing est battu par le candidat socialiste: 48,24% contre 51,76%.

"Le successeur de Georges Pompidou avait confondu politique d'ouverture et anesthésie des idées. Il s'en était rendu compte vers la fin de son septennat, mais un peu tard. (...) Pour Valéry Giscard d'Estaing, l'échec est cinglant, et l'homme trahira une certaine émotion lors de ses adieux télévisés aux français. A son image: emphatique, mais non sans allure. (...) Réformateur sincère, il avait oublié qu'il avait été élu en 1974 sur un choix de société et contre le programme commun, et qu'il lui fallait d'abord fortifier son assise électorale, avant de tenter de l'élargir." (7)

* clic sur le lien.

(1) in "les Présidents de 1870 à nos jours", de Raphaël Piastra, éditions Eyrolles, page 131.
(2) in "le siècle dernier, 1918 - 2002", de René Rémond, éditions Librairie Arthème Fayard, page 733.
(3) in "la France de l'expansion, tome 2: l'apogée Pompidou (1969 - 1974)" de Serge Berstein et Jean Pierre Rioux, éditions du Seuil, collection Histoire, page 71
(4) in "le siècle dernier", page 759.
(5) ibid page 781.
(6) in "Histoire politique de la France depuis 1945" (10 ème édition) de Jean-Jacques Becker, éditions Armand Colin, page 184.
(7) in "Histoire politique de la V ème République" de Arnaud Teyssier, éditions Perrin, collection Tempus, pages 350 - 351.

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