vendredi 25 novembre 2011

le petit exercice littéraire du vendredi (32)

Aujourd'hui, un auteur qui n'en est pas un. Mais à la parole savoureuse et à l'intelligence aigüe. Avec en plus une qualité indispensable, une curiosité intellectuelle hors du commun. Essayez de ne pas aller sur internet. Car il me semble que c'est assez facile. Le nom de cet auteur et le titre de son ouvrage. Réponses dimanche dans la soirée, rubrique commentaires.


Rien n'est moins écologique que le "billet vert". Pour accumuler énormément de dollars ou pour en gagner un ou deux, riches et pauvres, milliardaires et déshérités, avec des responsabilités proportionnelles à leurs moyens, auront bien saccagé la planète. Le dollar est la monnaie universelle de la réplétion et de la faim, de l'opulence et de la survie. France-Soir publiait naguère une bande dessinée quotidienne relatant les aventures des gangsters célèbres. Titre: "Le crime ne paie pas". Mais si, hélas! le crime paie. Cash et le plus souvent en dollars. Les paradis fiscaux en sont bourrés.


Alexandre Soljenitsyne
Je ne puis pourtant détester le mot dollar. Pour une raison très personnelle, bien légère, frivole, parce qu'un billet, retiré de la circulation fiduciaire, a acquis dans mon portefeuille une valeur qui n'est pas prise en compte dans le cours de monnaies: la magie.


J'avais vingt ans et à cette époque, il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'un étudiant n'eût encore jamais vu de dollars. Au cours d'un repas dans un restaurant populaire de Richelieu-Drouot, mon ami Guy Frély, de quelques années mon aîné, qui travaillait dans un ministère, sortit de sa poche un billet d'un dollar. Je le palpai et le regardais avec curiosité. "Garde-le,me dit-il, il te portera chance".


Vingt-cinq ans après, tassé, fripé, ce billet était toujours au fond de mon portefeuille. A chaque fois que j'en changeais, je n'oubliais pas de l'y remettre. Vint une époque où les hommes portèrent des sacs en bandoulière. J'oubliais le mien dans le métro, à la station Charles-de-Gaulle-Etoile. Dedans, entre autres objets commodes auxquels j'avais la faiblesse de tenir: clés et portefeuille. Le soir même, assez tard, une femme sonna chez moi. Passagère de la même trame de métro, elle avait trouvé mon sac et, à l'intérieur, mon adresse. Elle allait travailler un peu plus  loin que l'Etoile, à Neuilly, au New York Herald Tribune. C'était une journaliste américaine.


le Beaujolais vu du ciel
le prix Goncourt 2011
Quelques années après, un samedi matin, je m'aperçus que, la veille,en sortant de la brasserie Lipp où nous allions souper après ..........., javais perdu mon portefeuille. Il était probablement tombé de ma poche tandis que je montais en voiture. Le dimanche, je reçus un coup de téléphone d'une personne qui travaillait au Point et qui m'informa que mon portefeuille y avait é&té déposé par un homme bien honnête. Il l'avait trouvé après minuit dans une rue de Saint-Germain-des-Prés. Avait-il laissé son nom et son adresse? Non, c'était un Américain qui s'en était retourné aux Etats-Unis le matin même.


Comment n'aurais-je pas fait un rapprochement entre mon dollar fétiche et ces deux Américains qui m'avaient rapporté ce que mon étourderie avait perdu? Mes chances de rentrer en possession de mon portefeuille étaient minces, mais beaucoup plus nombreuses que les probabilités, infimes celles-là, qu'il fût trouvé deux fois par des Américains, à Paris, et des Américains intègres. Le hasard me parut deux fois magique.

Des années passèrent encore. Il y avait toujours, dans la poche principale de mon portefeuille, tout au fond, caché, pressé par les coupures françaises, le billet vert de mes jeunes années Richelieu-Drouot. Cette fois, je perdis mon portefeuille à la sortie d'un restaurant Courtepaille, près d'Avallon. Il n'y a pas d'Américains dans le Morvan.

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