samedi 13 juin 2020

Le massacre de Tulle



Le 9 juin 1944, 99 habitants de Tulle (Correze) étaient pendus par les SS de la division "Das Reich"*, placée sous le commandement du général Lammerling.*

Ces 99 personnes ont été pendues en représailles des diverses actions des FTP, en particulier à Tulle. Sauf qu'il ne s'agissait nullement de représailles, mais de crimes de guerre commis contre des civils sans lien aucun avec les réseaux de résistance et choisis au hasard.

Cette division allemande n'était quasiment composée que de SS dont les membres étaient convaincus d'être parmi les meilleurs éléments de l'armée. Ils étaient tous des nazis militants, membres du NSDAP* et avaient déjà combattu contre des résistants.
Ils étaient intervenus sur plusieurs théâtres d'opérations, en particulier en URRS et ont participé à la bataille de Koursk* où l'armée allemande fut une fois de plus défaite, permettant ainsi à l'armée rouge de progresser vers l'ouest.

A son arrivé en France, elle fut chargée, avec l'aide la milice locale, de lutter contre les différents réseaux de résistance, nombreux dans cette région du Limousin.


Ce fut un détachement de cette division qui massacra les habitants d'Oradour sur Glane le 10 juin 1944.




Le général Sperrle* avait donné des ordres très précis pour abattre les réseaux de résistance: il s'agissait de combattre sans relâche les résistants, de bruler les villages suspectés de les accueillir. "« Les forces de la Résistance doivent être anéanties par des manœuvres d'encerclement". De plus, pour chaque soldat allemand tué ou blessé, 10 résistants, ou supposés tels, seront pendus. Pendus et non fusillés: il s'agissait d'après la circulaire, en les tuant de cette manière de les décrédibiliser aux yeux de la population.

Auparavant, de mars à avril, la répression avait été féroce dans cette région: la division Brehmer* avait arrêté, déporté, assassinés, brulé des villages: 347 personnes furent abattues, des centaines déportées. 


résistnats du maquis de Brive
Les réseaux de résistance étaient alors particulièrement actifs et efficaces: il s'agissait, entre autres, d'empêcher au maximum les troupes allemandes de remonter vers la Normandie, en prévision du débarquement des troupes alliées.

le commando Kieffer


Ces dernières ayant - avec les 177 commandos marine du commandant Kieffer*, seuls français ayant participé au débarquement - pris pied sur le sol français le 6 juin 1944.

Dès le début de mai, donc bien avant que la date du débarquement ne soit fixée, l'état major de la résistance a décidé de reprendre Tulle, le chef lieu de département, opération à laquelle s'est opposée l'Armée Secrète*

Il s'agissait, dans la mesure du possible, d'anéantir la garnison allemande, récupérer les armes et les véhicules des gardes mobiles et immobiliser la milice* et les collaborateurs.
Tulle est alors défendue par une garnison de 700 soldats allemands, à laquelle il faut ajouter 700 gardes mobiles français et des membres de la milice.

L'attaque a lieu le 7 juin à l'aube. Très vite, les partisans occupent les lieux stratégiques fixés lors de la préparation. Les policiers et les miliciens auront le droit d'évacuer la ville avec armes et bagages, ce qui fut une grave ereur de la part des résistants.
Le 8, ils prennent l'école Normale où s'étaient réfugiés les soldats allemands: 149 d'entre eux seront tués dans les combats et 40 blessés. Certains membres de la sécurité SS - le très redoué SD,  Sicherheitsdienst - seront exécutés par les résistants.

Le 9, la division Das reich est de retour et prend en otage 5000 personnes. 
Après avoir découvert les corps de 40 soldats allemands qui auraient été abattus par les résistants comme l'affirme Walter Schmald*, le commandant de la division décide de pendre 120 tullois. Schmald ne participera pas directement aux pendaisons, mais il jouera le rôle principal dans le tri des otages.

Le général Lammerding avait prévu de tuer 3 otages pour chaque soldat allemand blessé et 10 pour chaque soldat tué.
Mais grâce aux interventions des autorités tulloise, le nombre total d'otages est fixé à 120.

Le préfet, Pierre Trouillé*, le maire, le colonel Bouty, l'abbé Espinasse et d'autres personnalités réussissent dans un premier temps à exclure 1500 personnes parmi les otages. Puis à repérer, avec l'accord de Kowatsch, les personnes indispensables au fonctionnement de la ville. Les allemands effectueront eux-mêmes un dernier tri pour arriver aux 120 personnes qui devront être pendues.



Une affiche est alors placardée dans la ville:

 « Quarante soldats allemands ont été assassinés de la façon la plus abominable par les bandes communistes. [...] Pour les maquis et ceux qui les aident, il n'y a qu'une peine, le supplice de la pendaison. [...] Quarante soldats allemands ont été assassinés par le maquis, cent vingt maquis ou leurs complices seront pendus. Leurs corps seront jetés dans le fleuve. »

Le préfet demande que les otages ne soient pas exécutés par pendaison, ce à quoi, un officier allemand, Kowatsch, lui répondra:  "nous avons pris en Russie l'habitude de pendre, nous avons pendu plus de cent mille hommes à Kharkov et à Kiev, ce n'est rien pour nous."

Les otages qui ont été épargnés devront néanmoins assister au supplice de leurs camarades, leur annonce le maire.
Les 120 seront amenés par groupe de dix sur les lieux de leur martyr, place de Souilhac.


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Pendant les exécutions, les sodats allemands étaient à la terrasse des cafés, boivent, mangent, plaisantent: visiblement, ils étaient habitués à ce genre d'horreur comme l'affirmait Kowatsch.





Les suppliciés resteront exhibés jusqu'au soir. Ils seront ensuite dépendus par des membres des Chantiers de jeunesse* et enterrés sur le site d'une décharge publique.

Mais seuls, 99 hommes seront pendus: personne n'a jamais vraiment su pourquoi 21 hommes avaient été épargnés. Le manque de cordes en aurait été la seule et vraie raison.

Mais la répression ne s'est pas arrêtée à ces assassinats: 149 prisonniers sont déportés à Dachau. 101 ne survivront pas. 
À Tulle, de nombreux prisonniers seront torturés: la milice jouera un rôle prépondérant dans les arrestations. 

Au total, à Tulle, 218 personnes périront du fait des nazis et de la milice.

Il y aura peu de conséquences judiciaires. Lammerding a été condamné à mort par contumace. Mais, malgré les demandes d'extradition, il ne sera jamais inquiété et mourra tranquillement dans son lit en 1971.
Kowatsch a été tué en 1945. 
D'autres participants au massacre écoperont de quelques années de prison, vite effectuées ou graciés.



Pour conclure, ce passage du discours d'André Malraux, discours prononcé lors du transfert des cendres de Jean Moulin* au Panthéon:

"Dans un village de Corrèze, les Allemands avaient tué des combattants du maquis, et donné ordre au Maire de les faire enterrer en secret, à l'aube. Il est d'usage, dans cette région, que chaque femme assiste aux obsèques de tout mort de son village en se tenant sur la tombe de sa propre famille. Nul ne connaissait ces morts, qui étaient des Alsaciens. Quand ils atteignirent le cimetière, portés par nos paysans sous la garde menaçante des mitraillettes allemandes, la nuit qui se retirait comme la mer laissa paraître les femmes noires de Corrèze, immobiles du haut en bas de la montagne, et attendant en silence, chacune sur la tombe des siens, l'ensevelissement des morts français."

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