mardi 28 juin 2022

Le pourquoi du comment des choses: la dissolution de l'Assemblée Nationale, un peu d'histoire

 Depuis le 13 juin et en l'absence de majorité absolue à l'Assemblée Nationale au lendemain du second tour des élections législatives, nous avons souvent entendu à la radio ou lu dans la presse écrite le mot dissolution. 


C'est-à-dire le fait par le Président de la République, après consultation du Premier Ministre et des Présidents des deux chambres, de renvoyer prématurément les députés nouvellement élus ou pas et d'organiser de nouvelles élections législatives, comme il est prévu par l'article 12 de la Constitution qui stipule: "le Président de la République peut, après consultation du Premier Ministre et des Présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée Nationale." (1)

Crévera ! Crévera pas !
Le nuage noir de la dissolution, caricature d'Honoré Daumier, série « Actualités » dans Le Charivari, le .

En effet, faute de cette majorité absolue et devant le refus des oppositions de voter, même au cas par cas, les lois proposées par le gouvernement, il y a blocage institutionnel. Dès lors, que se passe t-il? Pour ma part, je n'en sais rien. Ou plutôt si: puisque personne ne veut bouger, gouvernement comme oppositions, il faut trancher dans le vif et retourner demander au peuple ce qu'il veut. Enfin, à celles et ceux du peuple qui veulent bien se donner la peine de se déplacer pour voter et de choisir entre les différentes options que proposent les partis politiques. À ma connaissance, en Démocratie, c'est la règle.

Que l'on me comprenne bien: il ne s'agit pas ici de prédire l'avenir politique et d'affirmer qu'il y aura ou aura pas de dissolution de l'Assemblée Nationale. 

Je vais me contenter ici de livrer quelques explications sur ce qu'est la dissolution de l'Assemblée Nationale.

Mais, à quand remonte cette procédure et a t-elle été souvent mise en oeuvre?

Elle était inscrite pour la première fois dans la Constitution de l'AN X:

Le Sénat, par des actes intitulés sénatus-consultes, […] dissout le Corps législatif et le Tribunat ; »

— Extrait de l'article 55 du sénatus-consulte organique de la Constitution du 16 thermidor an X (4 août 1802).

Puis ensuite dans la Charte de 1814, lors de la première Restauration:

« Le Roi convoque chaque année les deux Chambres ; il les proroge, et peut dissoudre celle des députés des départements ; mais, dans ce cas, il doit en convoquer une nouvelle dans le délai de trois mois. »

— Article 50 de la charte constitutionnelle du 4 juin 1814.

  

DEUX dissolutions sous le règne de Louis XVIII et QUATRE sous celui de Charles X

 Sous la monarchie de Juillet:

« Le Roi convoque chaque année les deux Chambres : il les proroge et peut dissoudre celle des Députés ; mais, dans ce cas, il doit en convoquer une nouvelle dans le délai de trois mois. »

— Article 42 de la charte constitutionnelle du 14 août 1830.

 

SIX dissolutions sous le règne de Louis Philippe 1er

Sous la II ème République, l'Assemblée Nationale issue de la VII ème législature de la Monarchie de Juillet est dissoute par le Gouvernement provisoire le début de la Révolution de février 1848 et le renversement du "roi bourgeois".

Sous Louis Napoléon Bonaparte, président de la République:

« Le président de la République convoque, ajourne, proroge et dissout le Corps législatif. En cas de dissolution, le président de la République doit en convoquer un nouveau dans le délai de six mois. »

— Article 46 de la constitution du 14 janvier 1852.

 

Sous Napoléon III, empereur des Français:

« L'empereur convoque, ajourne, proroge et dissout le Corps législatif.

En cas de dissolution, l'empereur doit en convoquer un nouveau dans un délai de six mois.

L'empereur prononce la clôture des sessions du Corps législatif »

— Article 35 du sénatus-consulte du 21 mai 1870 fixant la Constitution de l'Empire.

 

UNE dissolution sous le Second Empire

 Sous la III ème République:

« Le Président de la République peut, sur l'avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre des députés avant l'expiration légale de son mandat.

En ce cas, les collèges électoraux sont convoqués pour de nouvelles élections dans le délai de trois mois. »

— Article 5 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 relative à l'organisation des pouvoirs publics.

DEUX dissolutions sous la III ème République 

 


Sous la IV ème République (Constitution définitive du 27 octobre 1946:
 Si, au cours d'une même période de dix-huit mois, deux crises ministérielles surviennent dans les conditions prévues aux articles 49 et 50, la dissolution de l'Assemblée nationale pourra être décidée en Conseil des ministres, après avis du président de l'Assemblée. La dissolution sera prononcée, conformément à cette décision, par décret du président de la République.

Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont applicables qu'à l'expiration des dix-huit premiers mois de la législature. »

— Article 51 de la constitution de 1946.

 UNE dissolution sous la IV ème République 

 Sous la V ème République:

« Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des Présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale  

à ce jour CINQ dissolutions sous la V ème République

 Dans ce lien* plus de précisions sur les différentes dissolutions énumérées ci-dessus.

En partant du 17 juin 1789, date de la 1 ère Assemblée Constituante jusqu'aux dernières législatives de juin 2022 et y compris les diverses législatures uniques, nous comptons 64 législatures.
Ce qui me semble assez peu si l'on prend en compte les différents régimes, du Consulat à la République en passant par l'Empire ou la Monarchie Constitutionnelle.

Et sur ces 64 législatures, depuis 1802, VINGT DEUX dissolutions. Avec de grands écarts suivant les régimes: deux sous la III ème République mais six sous la Restauration et six sous la Monarchie de Juillet.

On peut se demander pourquoi les différents rédacteurs des Chartes ou des Constitutions ont toujours inclus une possibilité de dissolution de la Chambre des députés ou de l'Assemblée Nationale.

Sans rentrer dans le détail, les différents gouvernements ont le plus souvent été responsables devant les députés, ce qui signifie que ces derniers pouvaient renverser le gouvernement. Et donc, dans un régime parlementaire, le chef de l'État ou du gouvernement pouvait, en cas de désaccords, dissoudre l'Assemblée et porter le différent devant les électeurs.

Michel Debré*, l'un des rédacteurs de la Constitution de la V ème République ne dit pas autre chose devant le Conseil d'État le 28 août 1958:
« Est-il besoin d'insister sur ce que représente la dissolution ? Elle est l'instrument de la stabilité gouvernementale. Elle peut être la récompense d'un gouvernement qui paraît avoir réussi, la sanction d'un gouvernement qui paraît avoir échoué. Elle permet entre le chef de l'État et la nation un bref dialogue qui peut régler un conflit ou faire entendre la voix du peuple à une heure décisive. "

Dans les prochaines semaines ou les prochains mois, nous allons, collectivement, observer comment nos politiques s'entendent ou ne s'entendent pas pour gouverner, proposer, s'opposer, en un mot comme en cent pour sortir de l'impasse dans laquelle nous semblons être. 

Pour paraphraser qui vous savez: 

"dissolution or not dissolution, that is the question?" 


 

l'Assemblée Nationale


ps: il va sans dire que je me suis beaucoup inspiré d'internet en général et de Wiki en particulier... Mais c'est mieux en le disant...


 

(1) in La Constitution" introduite et commentée par Guy Carcassonne, neuvième édition, 2009, Éditions du Seuil, collection Points, page 101.


1 commentaire:

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