dimanche 12 septembre 2021

un avion sous l'arc de triomphe ou le pourquoi du comment des choses

 

Le 14 juillet 1919, soit neuf mois après l'armistice de la victoire, l'armée française et ses alliés défilent fièrement sur les Champs Élysées.


 


C'est le défilé de la victoire, les maréchaux Foch, Joffre et Pétain à la tête des troupes françaises et alliées. Les fantassins sont à pied; les artilleurs sur leurs affuts tirés par des camions; les tankistes, toutes nouvelles unités, dans leurs chars; les marins à pied, difficile de défiler à Paris sur un croiseur; et les aviateurs... à pied.

 


 

Et c'est là que le bât blesse:  ceux que les matafs et les biffins ne surnomment pas encore "les gonfleurs d'hélice" n'ont pas été autorisés par l'état-major de l'armée à survoler les Champs Élysées aux commandes de leurs avions. 

 

 Et pour eux, pour les aviateurs, c'est bien plus qu'une vexation, bien plus qu'une insulte: c'est une humiliation! 

Ouvrons une parenthèse pour remonter à l'apparition du mot "avion".

Il faut se souvenir que  Clément ADER* avait appelé ses premiers prototypes "Éole", puis "Avion", le troisième ayant réussi à "voler" quelques mètres le 12 octobre 1897 devant des représentants de l'armée, lesquels avaient financé "Avion III".

lAvion III de Clément ADER

Pour nommer ses créations, Ader avait, en quelque sorte, créé un néologisme à partir de l'expression latine, "avis", qui signifie oiseau.
C'est sans doute à partir de cette époque que le mot avion est passé dans le langage courant, remplaçant "aéroplane".
Et tout naturellement, ceux qui pilotaient ces drôles d'engins ont été appelés aviateurs.
Ce fut Louis Blériot* qui, le premier fut breveté en 1908. Le 25 juillet 1909, il traverse la Manche, de Calais à Douvres.


Franz Reichel, pionnier de l'aviation (en tant que passager) écrit dans l'Illustration:
"Le grand geste est accompli : pour la première fois un homme conduisant un oiseau de toile, d’acier qui vomissait le feu, véritable dragon des légendes effarées d’autrefois, a traversé la mer, et, quittant un continent, pris terre sur l’autre par le chemin des airs à demi domptés. » 

La même année, Élise Deroche* sera la première femme à être brevetée.

Fermons la parenthèse.

Donc, les aviateurs humiliés sont en colère. Il faut laver l'affront coûte que coûte. Et pour laver un tel affront, rien de mieux qu'une provocation, histoire de montrer à ces biffins galonnés qu'un aviateur sait mieux voler dans les airs que marcher sur le bitume...

Charles GODEFROY

Très vite la décision est prise de passer en avion sous l'arc de Triomphe. Et c'est Charles GODEFROY*, un adjudant chef avec 500 heures de vol au compteur et une bonne expérience de moniteur après la guerre qui lavera l'affront fait aux aviateurs.


Godefroy  a 31 ans et n'a pas froid aux yeux. Ce défi lui plait. Avec son ami journaliste Jacques Mortane*, il va aller sur place faire quelques repérages. En effet, il peut y avoir des courants d'air et des turbulences et il s'agit de bien connaitre le passage. Même si son avion ne fait que 7,52 mètres d'envergure, la voute de l'arc, elle,  n'est haute que de à peine 30 mètres et large de 16 mètres.

Après auparavant avoir fait quelques entrainements sous le pont de Miramas, le 7 août 1919, Charles Godefroy décolle en catimini de l'aéroport de Villacoublay à bord d'un biplan Nieuport 11.
Vers 8h00, il commence son approche par l'avenue de la Grande Armée. Il prend de la vitesse et passe sous la voute, un peu en biais, sans difficulté aucune.
Puis, après avoir survolé la place de la Concorde, il retourne à Villacoublay où personne n'est au courant de l'exploit



 

Jacques Mortane a photographié et filmé la scène. Même si le préfet de police a interdit la diffusion du film, de nombreux articles seront publiés dans la presse: 

https://www.dailymotion.com/video/x1xgjxf



Charles Godefroy dont le nom a très vite été connu ne sera pas sanctionné par ses supérieurs. Pour autant, ce vol aura été son dernier et il quittera l'armée presque aussitôt.

Il faut noter qu'à cette époque, l'aviation faisait partie intégrante de l'armée de terre. Il faudra attendre l'année 1934 pour que l'aviation devienne une arme à part entière au sein des armées françaises. 

L'exploit de C. Godefroy ne sera imité que soixante plus tard, le 18 octobre 1981 par un ancien pilote de chasse, Alain Marchand, aux commandes d'un avion de 10 mètres d'envergure, avec à la clef une amende de 5000 francs. Quelques années plus tard, ce sont deux pilotes d'ULM qui réussiront le passage. 

Il fallait un mélange de courage et d'inconscience, mais aussi de défi vis à vis de l'institution militaire, à Godefroy pour avoir tenté et réussi un tel vol. Il n'a cherché à en tirer aucune gloire et c'est cela qui fait de son geste un exploit. Un vrai..

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1 commentaire:

Soixante ans..... Déja!!!!

 Soixante ans..... Déjà!!!!!