mercredi 28 avril 2021

la poignée de main

 Jusqu'en mars 2020, la poignée de main était un geste habituel, naturel pour se saluer, même si la bise était devenue elle aussi un geste habituel et naturel.

(crédit photo R. Uribe)

 

Mais la pandémie a balayé la poignée de main, remplacée par un coude à coude peu esthétique ou un poing contre poing tout aussi peu élégant. Quelques uns ont bien essayé le bonjour du langage des signes, mais sans vraiment réussir à imposer un geste qui aurait pu avoir "de la gueule".

(crédit photo F. Grignoux l'INFLUX)


 D'où vient cette poignée de main? De quelle époque, de quelles traditions, de quels peuples? C'est ce que je vais essayer d'expliquer dans ce billet.

Le geste est attesté bien avant Jésus Christ puisqu'il est représenté dans la Grèce antique.

poignée de main entre deux hommes sur une stèle funéraire grecque 400 ans avant JC


Dans l'Iliade, Homère écrit: "
Ils mettent pied à terre, et, joyeux,  tous    les accueillent avec les mains droites et de douces paroles."

Mais c'est au XIX ème siècle qu'il apparait, introduit par les Quakers en Grande Bretagne, pour signifier l'amitié et l'égalité. Pour mémoire, "la Société des Amis*" ou Quakers est une société religieuse dissidente de l'Église anglicane, fondée au XVII ème siècle. 

Sur l'origine elle-même de cette pratique, il y a de multiples hypothèses et pour ma part, j'en retiendrai deux:

  • au temps des chevaliers, tendre la main droite signifiait que l'on ne prendrait pas son épée;
  • la poignée de main permettait de montrer que l'on ne cachait pas d'armes dans sa manche.
Au XIX ème siècle dans le monde rural, pour marquer un accord après une transaction, on se tapait dans la main: "tope là": une manière de se considérer comme égaux en se congratulant.



Emmanuel Désveaux*, anthropologue affirme sur France Culture:
"En se serrant la main, on se met en position d'égaux à égaux. C'est le signe d'un accord et d'une confiance et en même temps une manière de se congratuler d'avoir fait affaire.
C'est au XIXe siècle que ce contractualisme se met en place, avec peut-être l'idée républicaine d'égalité entre les sujets qui se se substitue à des systèmes de révérence dans une hiérarchie."
 
Il est bien évident que sous l'ancien régime, saluer le seigneur du village ou un représentant royal ne pouvait se faire qu'en se découvrant avec une profonde révérence. 
 
Cela posé, au début du régime républicain, c'était le subordonné qui devait tendre la main à son supérieur, lequel l'acceptait ou la refusait.
Même si, du côté politique, c'était différent: les élus de tout bord, adeptes du serrage de main à tout bout de champ, étaient surnommés les "toques manettes".  
Justement, côté politique, le serrage de main a souvent une signification.
 
Souvenons nous de celui R. Reagan et M. Gorbatchev; de I. Rabin et Y. Arafat; de N. Mandela et de F. De Klerk; de A. Sadate et de M. Begin: il s'agissait alors de marquer la fin d'hostilités et l'espérance de jours de paix. Pas toujours, hélas, suivi d'effet!
 
A. El Sadate et M. Begin (crédit photo FILES - IPPA/AFP)


Sans oublier celui de E. Macron et D. Trump lors de leur première rencontre où le président américain a essayé, sans succès, de broyer la main de son homologue français pour marquer sa supposée supériorité.


 
D. Trump et E. Macron (crédit photo AFP Mangel Nigan)
 
 
 
Pour le commun des mortels que nous sommes, la poignée de main est un geste naturel, sans arrières pensées. Et, en général,  on se regarde dans les yeux, même brièvement.
 
Dans certains cas où l'émotion réciproque peut être forte, elle est alors plus prolongée, plus intense: elle marque le partage de l'évènement, triste ou heureux. 

Mais elle peut aussi être machinale: c'est le cas quand une même personne doit serrer les mains de quelques autres et est pressée de passer à autre chose: le regard est lointain et sans objet. Nous avons tous connu cela, en entreprise, dans diverses réunions ou ailleurs.
 
le Président de Gaulle ((Photo by REPORTERS ASSOCIES/Gamma-Rapho via Getty Images)

 
Certains politiques sont avides de bains de foule: dans ce cas précis, au grand dam de leurs officiers de sécurité, ils se fondent dans la foule de leurs partisans qui, tous, essaient de serrer la main de leur héros. 
 
le président John Kennedy à Dallas le 22 novembre 1963

 
Il y a quelques années, j'ai lu un article concernant la campagne électorale de J. Kennedy: quand il rentrait le soir à son hôtel après plusieurs meetings, il avait les mains gonflées et il devait les laisser dans l'eau glacée pendant de longues minutes pour leur faire reprendre une taille normale.
 
Aujourd'hui, beaucoup de ces bains de foule donnent l'occasion au politique ou à l'artiste de sacrifier au selfie...
 
B. Obama (crédit photo MSN)


 
J.L. Mélanchon (crédit photo JF Monier AFP)



 
Aujourd'hui, et jusqu'à nouvel ordre, nous ne devons plus nous serrer la main: la faute à la COVID 19 qui empoisonne nos vies, au propre comme au figuré.

Que vienne le temps où nous pourrons à nouveau serrer les mains de nos parents, de nos enfants, de nos amis, les serrer contre nous, les embrasser. Qu'il vienne vite!!!
 
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