vendredi 27 avril 2012

le petit exercice littéraire du vendredi (11)


Cette semaine, je vous propose un auteur à la fois écrivain, poète, aventurier, voyageur. Peu connu malgré tout, même si son nom vous dira quelque chose. Donc, deux textes, aussi différents l'un de l'autre, mais qui illustrent parfaitement la complexité de cet auteur, truculent autant que sensible, déconcertant autant que passionné. Le nom de cet auteur et les titres des deux extraits. Réponses dimanche dans la soirée. Bonne lecture.



Fernand Léger
1. Mille millions d'individus m'ont consacré toute leur activité d'un jour, leur force, leur talent, leur science, leur intelligence, leurs habitudes, leurs sentiments, leur cœur. Et voilà qu'aujourd'hui j'ai le couteau à la main. L'eustache de Bonnot. "Vive l'humanité!" Je palpe une froide vérité sommée d'une lame tranchante. J'ai raison. Mon jeune passé sportif saura suffire. Me voici les nerfs tendus, les muscles bandés, prêt à bondir dans la réalité. J'ai bravé la torpille, le canon, les mines, le feu, les gaz, les mitrailleuses, toute la machinerie anonyme, démoniaque, systématique, aveugle. Je vais braver l'homme. Mon semblable. Un singe. Œil pour œil, dent pour dent. À nous deux maintenant. À coups de poing, à coups de couteau. Sans merci, je saute sur mon antagoniste. Je lui porte un coup terrible. La tête est presque décollée. J'ai tué le Boche. J'étais plus vif et plus rapide que lui. Plus direct. J'ai frappé le premier. J'ai le sens de la réalité, moi, poète. J'ai agi. J'ai tué. Comme celui qui veut vivre.


Abel Gance
2.
- Vérole!... disait l'homme en ahanant, et il travaillait la femme, vérole!...
- Tu me fais mal!... disait la femme en se tortillant, en se coulant, en se lovant, écartant les jambes puis les nouant dans le dos de l'homme, s'appuyant sur les coudes pour effectuer une subtile reptation, un mouvement de torsion pour arriver à chevaucher sans désemparer l'homme, maintenant à moitié chaviré sous elle.
Tarsila do Amaral
- Ah! tu veux le faire à la turque?... Vérole!... Tiens, je vais te l'apprendre... Tiens, tiens et tiens...Constantinople!... et se retournant avec une brusquerie inouïe, l'homme se dégagea d'un tour de reins de l'enlacement de la femme, mais sans lâcher prise et, rendu furieux, embrochait à fond la vieille essoufflée, maintenant étendue en travers de la couche, la tête sur le plancher comme une autruche la tête dans le sable, ne comprenant rien à ce que l'homme voulait lui faire et entreprendre avec ce qui lui restait de son corps au lit, s'attendant à Dieu sait quoi d'autres..., des coups, des caresses, des morsures, des crachats,... le viol!... et elle râlait, gloussait, gémissait, roucoulait, proférant des injures et des gros mots, guettant, provoquant la volupté qui allait foudroyer son partenaire, y prenant une part active, quoique rebelle, pour mieux l'accaparer et en jouir sans en perdre une goutte en un point secret de son être porté à l'incandescence..., cependant que là-haut, l'homme n'arrêtait pas de lui flanquer de gnons, de la tourner et de la retourner, toujours emmanchée, de la faire virer plusieurs fois sur elle-même comme empalée sur un pivot, de lui foutre le vertige, si bien que la femme ne savait plus au juste où elle était quand sa tête revint comme une vesse pour la deuxième fois au tapis, le talon nu de l'homme lui portant une rouste sur le museau, ce qui lui fit sauter son dentier hors de la bouche, lequel dentier faillit l'éborgner avant d'aller rouler sous un fauteuil, alors que le beau dard du mâle la brûlait à une profondeur insoupçonnée, s'implantant parmi ses plis et replis, se frayant un chemin inédit dans le ventre, la faisant hoqueter, la compénétrait.

1 commentaire:

  1. il s’agit de Blaise CENDRARS (Fédéric Louis SAUSER) 1887-1961. le premier texte, écrit en 1918, est un poème en relation avec la 1ère guerre mondiale et pendant laquelle il perdra un bras; c’est un poème dur, brutal, inattendu, qui dit avec une certaine crudité ce qu’était vraiment la guerre; Cendrars y laissera son bras droit et sera surnommé « le poète de la main gauche ». Le second extrait, brutal lui aussi est tiré d’un recueil de nouvelles « emmène moi au bout du monde », écrit en 1956.
    * Fernand LEGER: 1881 – 1955: peintre cubiste, connu surtout pour ses portraits du monde ouvrier; il a illustré ( 5 dessins) le premier livre de Cendrars: « jai tué »;
    * Abel Gance: 1889 – 1981: réalisateur français de cinéma, en 1918, il tourne « j’accuse », tiré de l’article de Emile ZOLA et quand lequel B. Cendrars sera assistant réalisateur;
    Tarsila do Amaral: 1886-1973: peintre brésilienne, femme de Oswald de Andrade, ami de Cendrars; ce dernier fera connaitre la peintre à Paris.

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