samedi 12 mai 2012

les Présidents de la République Française: 1 ère partie 1848 -1887


Nous venons d'élire le 7 ème Président de la V ème République. Mais savons nous combien de présidents ont exercé ce prestigieux mandat avant François Hollande? Vingt trois: de Louis Napoléon Bonaparte à Nicolas Sarkozy, et cela sous quatre Républiques différentes.

Pour René REMOND, "la présidence de la République, c'est la magistrature suprême, charge prestigieuse. Il n'y a pas plus grand honneur pour un homme politique.(1)

Relire ce grand historien à éveillé ma curiosité: qui étaient donc ces hommes qui accédaient à la magistrature suprême? Comment en étaient-ils arrivés là et que reste t-il de leurs mandats?

Je vais donc consacrer plusieurs billets à ces Présidents, le premier, de Louis Napoléon Bonaparte à Jules Grévy. Bonaparte parce qu'il fut le premier à être élu président, Grévy parce qu'il fut le premier à être un président réellement républicain.

Entendons nous bien: par ces articles, je ne prétends pas faire oeuvre d'historien. Plus modestement, j'ai l'envie de vous faire découvrir, ou redécouvrir, chacun de ces présidents qui, à la place qui était la leur, ont fait l'Histoire de France.


Louis Napoléon Bonaparte
Charles Louis Napoléon BONAPARTE: (1808 -1873). Président de décembre 1848 à décembre 1851.
Il est le fils de Louis Bonaparte, frère de Napoléon 1er, et de Hortense de Beauharnais, fille de l'impératrice Joséphine de Beauharnais.

Suite à la proclamation de la II ème République en février 1848, et, conformément à la Constitution de novembre, il est élu Président de la République le 10 décembre 1848 au suffrage universel direct - donc tous les électeurs- à une très forte majorité (75%). Karl Marx écrit que cette élection "fut le jour de l'insurrection des paysans" car, pour lui, Marx, "Napoléon est le seul homme représentant les intérêts de la nouvelle classe paysanne que 1789 avait créée." (2)  Le 2 décembre 1851, par un coup d'état, il renverse la République, puis dans la foulée organise un plébiscite en faveur d'une nouvelle Constitution qui lui donne le titre de "prince-président". Le 7 novembre 1852, devenu Napoléon III, il rétablit l'Empire, qui sonne le glas de la Seconde République.
Peut-on considérer Louis Napoléon Bonaparte comme un président républicain? Pour ma part, j'ai quelques doutes. Sous la monarchie de Juillet, par deux fois, il avait tenté des coups d'état: en 1836 et en 1840. Son ralliement à la République en 1848 n'était donc qu'un opportunisme bien calculé en attendant de rétablir l'Empire.... Pour autant, il fut le premier à être élu Président de la République Française.

Avant que de poursuivre, il convient de rappeler que la République a été proclamée après l'abdication de Napoléon III. Mais, comme le rappelle René Rémond: ""Le président est d'une certaine façon le successeur des rois de France. C'est bien ce qu'avaient voulu les auteurs des lois constitutionnelles: à défaut d'une monarchie, ils avaient pensé donner un monarque à la France. La fonction présidentielle était conçue  comme une structure provisoire dans l'attente de circonstances qui permettraient d'y installer un prétendant: la restauration de la monarchie conformerait alors le droit à la réalité."(1) Il fallait donc que les républicains imposent la République, par les élections et par le droit.Ce qui fut fait, sous la forme d'un amendement, l'amendement Wallon, voté le 30 janvier 1875 à une voix de majorité: La République est intégrée aux lois constitutionnelles.

Adolphe Thiers
Adolphe THIERS: 1797 - 1877.
né à Marseille et d'origine très modeste, il "monte" à Paris et s'installe comme avocat, mais se lance très vite dans la vie politique. Sept fois ministre de Louis-Philippe, il s'oppose au coup d'état du 2 décembre 1851, ce qui lui vaut d'être exilé pendant une courte période. Après la chute de Napoléon III, il est élu le 17 février 1871 "chef du pouvoir exécutif de la République française". Il aurait alors déclaré: " Chef? On va me prendre pour un cuisiner". (3) Ce n'est que le 31 août de la même année qu'il devient le premier président de la III ème République. Auparavant, il aura installé le gouvernement à Versailles, puis signé le traité de Francfort avec la Prusse de Bismark. En mai, avec le concours du général Mac Mahon,  il aura écrasé la Commune de Paris au cours de la "semaine sanglante", du 22 au 28 mai, au prix de 20 000 fusillés et de 10 000 déportations.
On retiendra de son mandat qu'il paya l'indemnité de guerre à l'Allemagne (5 milliards de francs - trois budgets annuels!!-  payés en partie par un emprunt), permettant ainsi le départ rapide des troupes d'occupation; il réforma profondément la carte administrative en renforçant le pouvoir central; il institua un service militaire de 5 ans pour tous les hommes et fit voter une loi enlevant le droit de vote aux militaires ("la grande Muette"). De sa présidence, date l'interdiction faite aux Présidents de la République de s'exprimer directement devant le Parlement. En effet, Thiers était particulièrement interventionniste et empiétait souvent sur les attributions des parlementaires, violant ainsi le principe de la séparation des pouvoirs législatifs et  exécutifs. Mis en minorité par la majorité monarchiste qui ne lui pardonne pas son ralliement à la République, il est contraint de démissionner le 24 mai 1873.

Patrice de Mac-Mahon
Patrice de Mac-Mahon: (1808 - 1893) Président de Mai 1873 au 30 janvier 1879.
Descendant d'une famille noble irlandaise, exilée en France au XVII ème siècle, Patrice de Mac-Mahon, comte de Mac-Mahon, duc de Magenta, mènera une brillante carrière d'abord en Algérie, puis se fera connaître lors de la guerre de Crimée (1853 - 1856) où il remporte le siège de Sébastopol et où il prononça son fameux "j'y suis, j'y reste".
C'est sous son mandat que va naître, constitutionnellement la III ème République, par trois lois constitutionnelles des 24, 25 février et 16 juillet 1875. Une de ces trois lois décide que le Président de la République ne sera plus élu au suffrage universel direct, mais par les deux Chambres du Parlement. Pour l'anecdote, c'est également sous son mandat que le palais de l'Elysée deviendra la résidence officielle des Présidents de la République. C'est lui également qui a refusé de rétablir la monarchie au motif que le comte de Chambord, prétendant au trône, voulait remplacer le drapeau tricolore de la République par le drapeau blanc de la monarchie.
Les républicains remporte les législatives de mars 1876, mais Mac-Mahon refuse de nommer un des leurs à la Présidence du Conseil. Une crise politique éclate donc et le Président dissout la Chambre des Députés le 25 juin 1877. Ce sera la seule dissolution au cours de toute l'histoire de la III ème République. Les républicains sont de nouveau majoritaires à la Chambre en décembre, puis au Sénat le 5 janvier 1879. Sommé par Léon Gambetta de "se soumettre ou de se démettre", il se soumet une première fois, puis démissionne le 30 janvier 1879.

Jules Grévy
Jules GREVY (1807 - 1891) président du 30 janvier 1879 au 2 décembre 1887.
Né dans le Jura, d'origine paysanne, Jules Grévy est avocat et, sous la monarchie de Juillet, défend de nombreux opposants. Il est élu député du Jura à la Constituante de 1848. Il se prononcera contre l'élection du président de la République au suffrage universel direct. En 1871, il est élu président de l'Assemblée Nationale.
Il est élu huit heures après la démission de Mac-Mahon par 563 voix. Le 6 mai 1879, Jules Grévy écrit au Parlement: "je n'entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale".(4) Il marque ainsi la prééminence des assemblées sur l'exécutif. Le régime d'assemblées se met en place, entraînant, sous sa présidence, une instabilité ministérielle qui devient quasiment la règle. Ainsi, pas moins de douze gouvernements se succèderont pendant ses mandats.
C'est également sous ses mandats qu'interviendront plusieurs modifications de la vie politique: à partir du 21 juin 1879, les pouvoirs publics quittent Versailles pour revenir à Paris; la forme républicaine du gouvernement devient une règle intangible;le 14 février 1879, la Marseillaise devient officiellement l'hymne national, en même temps que le 14 juillet est institué fête nationale. Marianne, symbole de la République, sera installée dans toutes les mairies de France. Avec Jules Ferry, il fait adopter l'enseignement laïc, gratuit  et obligatoire. En 1881, la liberté de la presse est rétablie, ainsi que la libre constitution des syndicats professionnels.
Le bilan de sa présidence est conséquent, mais on peut lui reprocher de ne pas avoir, volontairement, valoriser la fonction présidentielle. Même si, sous des airs bonshommes, il était très actif auprès des ministres. En 1887, il déclarait: "On me prend pour un vieillard qui n'intervient pas et qui laisse aller les choses; c'est une erreur, je tiens le gouvernail d'une main ferme, j'interviens quand je juge qu'il en est temps."(5)
Il ne pourra cependant pas terminer son second septennat: son gendre, Daniel Wilson, organisait un trafic de décorations. Jules Grévy est alors accusé de le protéger et doit démissionner.

(1) in "la République souveraine", "la vie politique en France, 1879 - 1939", René Rémond, éditions Fayard, page 86.
(2) in "Histoire de France", Marc Ferro, éditions Odile Jacob, page 288.
(3) in "les présidents de 1870 à nos jours", Raphaël Piastra, éditions Eyrolles, page 25.
(4) ibid, page 37.
(5) ibid, page 39.

1 commentaire:

  1. Bonjour Claude
    Excellente cette rétrospective présidentielle, l'histoire est assez riche avec les péripéties de nos républiques depuis la révolution et on voit le changement opéré !!!
    Bonne semaine à toi et merci pour ton travail de recherche et d'écriture pas toujours reconnu ni récompensé comme tant d'autres choses en ces temps...
    Amicalement
    Jacques

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