mardi 25 novembre 2014

de la baisse des dépenses publiques comme viatique miraculeux

Une des réformes, dites structurelles, jugées indispensables et inévitables par nos beaux esprits, est la baisse drastique des dépenses publiques. Cela, disent-ils, pour amener le budget de l'Etat  dans les plus brefs délais à un déficit de 3% comme prévu dans les traités européens, avant de l'équilibrer. 

D'aucuns prévoient, s'ils devaient revenir aux affaires, de tailler à hauteur de 110 à 150 milliards d'euros en 5 ans dans ces dépenses publiques. Au nom, affirment-ils la main sur le coeur, du bon équilibre des finances publiques et, ajoutent-ils un rien hypocrites, pour l'avenir de nos enfants...

Mais, quelles sont-elles, ces dépenses publiques*? Qui concernent-elles? C'est ce que je vais essayer, modestement, d'expliquer dans ce billet.

Il y a plusieurs sortes de dépenses publiques: celles de l'Etat et celles des collectivités territoriales. Certes, sur les plans strictement administratifs et réglementaires, c'est un peu plus compliqué. Il n'est pas utile pour autant de rentrer dans des détails inutiles qui brouillent les pistes.

Quelles sont les dépenses de l'Etat?
elles concernent quasiment tous les domaines:
  • la défense
  • l'éducation
  • la santé
  • la politique extérieure
  • la sécurité
  • la culture
  • la justice
  • l'environnement
  • l'économie
Quelles sont celles des collectivités territoriales?
Depuis les diverses lois de décentralisation, leurs domaines de compétences se sont considérablement élargies, l'Etat leur transférant beaucoup de ses propres compétences:
  • l'éducation, sauf les universités
  • l'environnement
  • les politiques sociales
  • les transports publics
Il n'est nul besoin d'être économiste pour constater que nous sommes tous concernés dans notre quotidien par ces services publics. Et donc, dès l'instant où l'Etat entreprend de réduire les budgets, nous sommes directement touchés.

Il y a biens sûr des dépenses inutiles qu'il convient de supprimer. Faut-il encore s'entendre sur ce qu'est une dépense inutile. Car sur ce sujet, les avis divergent: "la dépense des autres est inutile, mais pas la mienne": voilà un refrain que l'on peut entendre à longueur de journée si d'aventure un gouvernement - quel qu'il soit - entreprend de réduire un budget.

Un exemple parmi d'autres: tout le monde, ou presque, veut réduire "le mille feuilles territorial". Il n'est pas dans mon propos de donner un avis sur ce sujet. Mais que de cris d'orfraie poussés, que dis-je poussés, hurlés par les élus, par des présidents de ci ou des présidents de ça, les mêmes d'ailleurs qui réclamaient la remise à plat de l'organisation territoriale de la France. Mais chez les autres, pas chez eux!

Depuis quelques années, l'Etat a très fortement réduit les dotations qu'il donne aux collectivités territoriales. Justement pour baisser les dépenses publiques. A charge pour ces collectivités de se débrouiller.

Comme je l'écris plus haut, l'Etat a transféré beaucoup de ses compétences, ce qui entraine mécaniquement des dépenses supplémentaires pour celles qui les reçoivent, à savoir les collectivités territoriales. Dépenses en personnels, en matériels et en infrastructures. Au début de ces transferts de compétences, l'Etat s'était engagé à compenser ces dépenses sous forme de dotations. Sauf que, baisse des dépenses publiques oblige, les dotations se réduisent comme peau de chagrin au fil des années.

Un exemple - mais ce n'est pas le seul - de ce que la baisse des dépenses publiques entraine est celui concernant les associations, type loi de 1901.

Il y a en France près d'un million d'associations à buts non lucratifs dont la grande majorité est animée et gérée par des bénévoles. Et chacun de reconnaitre leur utilité et leur efficacité. Je vais même plus loin en affirmant, sans risque d'être contredit, que l'immense majorité d'entre elles est indispensable.

Elles vivent des cotisations de leurs adhérent, mais aussi de subventions accordés par l'Etat ou les collectivités territoriales.
Les associations emploient 1,6 million de salariés.
Lorsque l'Etat et, par voie de conséquence, les collectivités taillent à la hache dans les budgets, les associations en sont aussi les victimes. Comme elles ne peuvent augmenter à l'infini les cotisations, elles se voient contraintes de réduire leurs activités et partant, d'en arriver à licencier. Et donc, effectivement, la dépense publique baisse, mais le nombre de ceux qui s'inscrivent à Pôle Emploi augmente. Pour faire court, un euro économisé génère deux euros dépensés.

Cet exemple, hélas, n'en est qu'un parmi tant d'autres: quand des lits sont supprimés dans les hôpitaux publics, quand il y a moins de policiers dans les rues, moins de chercheurs dans les laboratoires, moins de personnels dans les crèches, etc, etc, et bien, cela se ressent dans notre quotidien et bien sûr dans les comptes publics.

Pourtant, et c'est quand même un sacré paradoxe, ces fameuses dépenses publiques ne ... baissent pas d'un centime. Certes, les gouvernements successifs claironnent sur tous les toits qu'ils la font baisser, eux, cette dépense publique. C'est bien connu, on peut faire dire aux chiffres tout et son contraire. 

Un ancien Premier Ministre affirmait en octobre dernier que le budget 2015 allait acter une dépense publique en hausse de 14 milliards d'euros. Ce qui n'est quand même pas rien. Il s'est bien gardé de rappeler que lorsqu'il officiait rue de Varennes, cette même dépense publique progressait de 38 milliards d'euros par an, ou si vous préférez 190 milliards en 5 ans(1). Mais, à sa "décharge", n'était-il pas qu'un collaborateur du Président?

Alors, me direz-vous, si les dépenses publiques ne baissent pas et que pour autant les dotations aux collectivités territoriales baissent aussi, que se passe t-il?

Il y a bien sûr beaucoup de réponses à cette question, dont la plupart seront partisanes en fonction de son propre positionnement.

Mais pourtant, il y a une évidence objective: dès l'instant où le chômage augmente et donc le nombre de gens à indemniser, il y a moins de cotisants et la caisse qui paie les chômeurs n'a plus les ressources nécessaires et se retrouve donc en déficit. Un de plus. Les beaux esprits ont une solution radicale: baisser les indemnités de chômage et raccourcir leur durée de versement.

Ils se gardent bien cependant de préciser que la durée de versement des indemnités n'est pas éternelle et que ces indemnités sont souvent dégressives avec le temps. Et donc, ceux (et celles bien sûr) qui n'ont plus droit aux indemnités n'ont plus que le RSA (versé par les Conseils Généraux)  et les Restos du Coeur.
Tous ces chômeurs - des "assistés" affirment sans rire les Beaux Esprits - ne cotisent plus. Et la Sécu, les caisses de retraites, de chômage - mais pas qu'elles - n'ont plus d'argent.
Sans compter que la consommation s'en ressent directement.  Si vous ajoutez à cela que les recettes fiscales ne suivent pas, il est aisé de comprendre que les déficits augmentent malgré la hache purificatrice qui taille encore et encore.

Je vous accorde que c'est quand même un peu plus compliqué que cela. Certes. Mais, particulièrement en temps de crise financière, il me semble que cette obsession des équilibres budgétaires, non seulement ne produit pas de résultats, mais aussi nous entraine dans des cercles vicieux dont les victimes sont encore et toujours les mêmes. 

Les beaux esprits citent souvent le Royaume Uni en exemple.  Sauf que là-bas, malgré - ou à cause - des contrats "zéro heures" - et oui ça existe!! - malgré - ou à cause - des coupes drastiques dans les budgets sociaux, les rentrées fiscales sont en panne et conséquences immédiates, les déficits augmentent, malgré ce que claironnent les déclarations officielles. (2)

Pour conclure, les politiques d'austérité, dont la baisse des dépenses publiques est l'élément phare, ces politiques donc n'ont pas les résultats promis par leurs prosélytes. Au contraire, elles enfoncent un peu plus les pays dans la crise. 

Mais pas pour tout le monde bien sûr. Ainsi, pour l'exercice 2013, les dividendes versés par les entreprises aux actionnaires ont-ils augmentés de plus de 4% en France. Alors que parallèlement, les investissements de ces mêmes entreprises stagnent, voire diminuent. Et pourtant tous nos beaux esprits nous répètent que les entreprises sont étouffées, ruinées à cause de... Mais vous connaissez la chanson inutile d'en rajouter.

Et donc, non, la baisse des dépenses publiques n'est pas et ne sera jamais le remède miracle que d'aucuns nous prédisent. Et chaque année qui passe nous en apporte la démonstration.

J'ai le sentiment, la certitude même que nous sommes dominés par des idéologies et des dogmes en apparence contradictoires, mais qui, en réalité, se rejoignent pour nous faire rentrer dans une ère de glaciation.

Dans un prochain billet, je vous en dirai plus sur ce que j'appelle ère de glaciation.


* clic sur le lien

(1) http://abonnes.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/10/16/deficit-public-comment-fillon-grossit-le-trait_4507337_4355770.html
(2) http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2014/06/20/97002-20140620FILWWW00157-royaume-uni-le-deficit-se-creuse.php


de Claude Bachelier, aux éditions Zonaires:www.zonaires.com




dimanche 16 novembre 2014

Avançons vers le passé

Nous sommes en pleines crises, tant économiques que sociales, économiques et même politiques. C'est vrai de la France, mais pas uniquement.

Chacun a son analyse sur les raisons de ces crises et les médications à imposer aux malades que nous serions pour nous guérir.

Le Président et son gouvernement actuel ont les leurs, d'analyses et de médications, tout comme leurs prédécesseurs. Avec le succès que l'on a connu et que l'on connait, en termes de chômage, de déficits divers et variés, de hausses d'impôts, elles aussi diverses et variées.

Mais, jetons un oeil sur ce que nous proposent trois de ceux qui aspirent à revenir. D'ailleurs, on peut se demander si tous ces gens-là, de 2002 à 2012, n'étaient pas en exil tant ils n'ont pas mis en oeuvre, alors qu'ils avaient TOUS les pouvoirs, ce qu'ils préconisent aujourd'hui.

J'ai lu pas mal d'articles, écouté les discours des uns et des autres et je me demande comment, avec de tels hommes politiques, de telles certitudes, nous avons pu en arriver là où nous sommes!

Parce que le maitre mot des uns et des autres, c'est le mot REFORME. Et oui, pour nous sortir de l'ornière, pour faire en sorte que les riches soient un peu plus riches et surtout, que les pauvres soient un peu plus pauvres, il faut r é f o r m e r!!!!

Alors, ces réformes qu'ils n'ont pas faites - n'oublions pas qu'ils étaient en exil de 2002 à 2012 - et bien, quand ils reviendront aux affaires, ils vont les mettre en oeuvre. Et de quelles façons!!! C'est à qui ira le plus loin dans le moins disant social et culturel, dans la démagogie rétrograde et réactionnaire.

Parce que, disent-ils la main sur le coeur,  la France et les français ont vécu et vivent encore au-dessus de leurs moyens. Y compris les 14% de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté. Mais ils sont malins, ces exilés: ces 14% (1), ils les appellent des assistés. Et pour faire bonne mesure, ils ajoutent les chômeurs, les étrangers et quelques autres!

Donc ils nous promettent de 110 à 150 milliards d'économies sur 5 ans. Rien que cela. Pour commencer. 
Parce qu'il faudra aussi réduire la durée d'indemnité des chômeurs. Amener l'âge de départ à la retraite à 65 ans. Là aussi pour commencer. Supprimer un poste de fonctionnaire sur deux. Réduire les pensions de retraite. Augmenter les taux supérieurs de TVA. Supprimer les 35 heures, puis la durée légale du travail. Création d'un CDD dans la fonction publique. Remise à plat du Code du Travail en attendant sa suppression définitive. 
Il y a bien sûr d'autres mesures comme la suppression des conseils généraux ou le projet de diminuer le nombre de parlementaires.

Quitte à me répéter, pourquoi toutes ces mesures censées tout résoudre n'ont-elles pas été mise en place entre 2002 et 2012? Les 35 heures par exemple. Peut-être, mais ce n'est qu'une hypothèse émise par des gens "malveillants" à leur égard, peut-être que cela aurait privé nombre d'entreprises - et pas des moindres - de recevoir de l'Etat des milliards d'euros (22 en 2011) pour compenser le fait qu'elles ont signé des accords en 1999 et 2000 avec les syndicats pour le passage de 39 à 35 heures sans perte de salaire pour les salariés.
Mais bien sûr, ce genre de questionnement est balayé d'un revers de main méprisant.

Et il ne faudrait pas oublier dans ces projets les exonérations, quand ce ne sont pas les suppressions des cotisations sociales versées par les entreprises, même et surtout celles qui engrangent des profits faramineux. Et cela bien sûr, sans le moindre engagement de celles-ci, ni la moindre contrepartie.

Pas une seule ligne concernant la finance internationale qui nous a mené à la catastrophe que l'on sait; pas une seule ligne non plus sur les fraudes fiscales; encore moins sur les paradis fiscaux dont on sait un peu plus chaque jour que nombre d'entreprises et de banques y abritent leurs magots; seulement des déclarations volontairement vagues qui n'engagent pas l'avenir. Il est vrai qu'il peut être délicat de se fâcher avec ses amis pour une histoire d'argent!

Si ces projets devaient un jour être mis en oeuvre, ce serait un extraordinaire retour en arrière.

Que ce soit la durée légale du travail, l'âge de départ à la retraite, les contrats de travail, les conditions de travail, les salaires, la représentation syndicale, toutes ces avancées sociales dont on pouvait penser qu'elles étaient inscrites dans le marbre, tout cela est remis en cause par ces projets dont le libéralisme est plus proche de celui du "tea party" américain que de celui d'Adam Smith.

Ces projets marquent une véritable régression, un véritable retour en arrière,  et ce sera la première fois dans notre histoire. Comme si ces gens-là tournaient le dos à l'avenir, ne croyaient plus à l'avenir, mais uniquement à des chiffres, à des équations. Comme de misérables boutiquiers qu'ils sont!

Vous me direz que c'est dans l'air du temps et vous aurez raison. La mode est à l'économie, à la finance, la seconde envahissant la première. Partout, les hommes politiques (les femmes aussi d'ailleurs) se soumettent, transmettent docilement leurs pouvoirs àdes financiers anonymes. Ils ne sont plus que des marionnettes.
Unknown
Oui, nous faisons un grand bond en arrière. Cela a déjà commencé et, sans lire dans le marc de café, je peux vous assurer que ce n'est pas fini. Les gens du "baby boom", dont je suis, ont commencé à payer la note. Mais l'essentiel sera payé par nos enfants, et surtout par nos petits enfants.

Avançons vers le passé. C'est le titre de mon billet. Mais cela pourrait être aussi le slogan de tous ces gens qui veulent faire notre bonheur. Même contre notre gré. Surtout contre notre gré.

(1) source: INSEE 2010 (8,6 millions de personnes vivant avec moins de 964€/mois; 1 enfant sur 5 est pauvre; 2 millions de travailleurs pauvres)

de Claude BACHELIER www.zonaires.com
de Claude BACHELIER
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mardi 11 novembre 2014

Michelle

Dans le cadre des "brèves revisitées", un de mes textes publiés par le "barman" du café philosophique et littéraire CALIPSO. Je crois l'avoir déjà écrit, mais vos textes sont les bienvenus dans cet endroit bien sympathique.



C’est la première fois que Michelle va pénétrer dans les locaux des « Restos du Cœur ». A plusieurs reprises, elle était passée devant la vitrine vieillotte, mais elle s’était toujours refusée à en franchir le seuil. Elle se savait pauvre, calculant chaque jour au plus juste, mais elle se disait qu’il y avait certainement des gens bien plus pauvres et qu’elle devait leur laisser la priorité. 

Et puis aussi, sans doute inconsciemment, ressentait-elle cette démarche comme une humiliation supplémentaire. Supplémentaire car elle avait déjà sollicité la mairie et le bureau d’aide sociale et cela ne lui avait pas été facile. Mais les restrictions budgétaires décidées en haut lieu par des gens qui ignoraient ce qu’être pauvre veut dire avaient entrainé une baisse des moyens de la commune, sans compter, humiliation suprême, que tous ces gens haut placés considéraient comme des assistés tous ceux qui tendaient la main pour ne pas mourir de faim ou de froid.

Cela faisant un an et demi qu’elle était veuve. Jean Pierre, son mari, était mort, usé, épuisé par plus de quarante ans passés à travailler comme maçon sur les chantiers. A soixante ans, il avait pu prendre sa retraite, mais après être resté trois longues années au chômage : l’entreprise l’avait licencié au motif que, devenu trop vieux, il coûtait beaucoup trop cher.

La pension de réversion de son mari ajoutée à sa maigre retraite lui permettait de gagner un petit peu plus que le minimum vieillesse. 
Une fois enlevé le loyer de son petit appartement, l’électricité, le petit crédit qu’elle avait souscrit pour l’enterrement de Jean Pierre, il ne lui restait plus grand chose pour vivre décemment.

Elle n’avait jamais osé demander de l’aide à ses deux enfants. De toutes façons, pensait-elle, ils auraient trouvé une excuse quelconque pour refuser. Son fils ainé habitait en banlieue parisienne et travaillait par intermittence dans un théâtre. Sa femme, comédienne, qui le tenait sous sa coupe, n’aimait pas sa belle-mère et la méprisait ouvertement : vous pensez, une femme de ménage ! Quant à sa fille, elle n’avait plus eu la moindre nouvelle depuis les obsèques de Jean Pierre.

Michelle avait travaillé l’essentiel de sa vie professionnelle comme femme de ménage. Elle ne s’était arrêtée uniquement pour la naissance de ses enfants.

Avec Jean Pierre, ils formaient un couple heureux, sans histoires particulières. Ils allaient une fois par an en vacances en Bretagne, chez son frère. Ils participaient aux voyages organisés par le CE de l’entreprise et ils allaient de temps en temps au restaurant, ou plus exactement, dans une cafeteria du centre commercial. C’était leurs seules distractions et cette vie modeste leur convenait parfaitement. Ils ne demandaient rien d’autre que de vivre ensemble et en bonne santé. Encore que pour la santé, Jean Pierre, du fait de son métier, était malade plus souvent qu’à son tour : sur les chantiers, le dos, les articulations sont soumis à rude épreuve.

Jamais, Michelle ne s’était plainte à quiconque. Question de dignité. Pourtant, son quotidien était de plus en plus difficile. Il se disait à la radio et à la télé que le coût de la vie n’augmentait pas. Mais ce n’était pas ce qu’elle constatait quand elle allait faire ses courses au Lidl à côté de chez elle. Ou quand elle recevait les factures d’électricité, d’eau ou les charges de son loyer. Manger de la viande était devenu un luxe et elle qui avait toujours aimé un steak bien saignant, par la force des choses, devenait végétarienne. La seule petite folie qu’elle se permettait encore était d’accompagner son fromage d’un verre de Côtes du Rhône. Mais, là encore, il lui avait fallu diminuer les rations.

Oui, Michelle, jour après jour, était devenue pauvre. Elle n’aurait jamais pu imaginer que cela aurait pu lui arriver, après une vie entière à travailler, à élever ses enfants. Et elle se rendait à l’évidence qu’elle faisait partie maintenant de ces millions de gens qui sont obligés de demander la charité pour ne pas mourir de faim ou de froid.


C’est pour cela qu’aujourd’hui, elle se range bien sagement dans la file de tous ces miséreux qui viennent chercher de quoi manger aux « Restos du Cœur ».

Brève, novembre 2014.
Rapport du Secours Catholique sur la pauvreté croissante des seniors.




pour mémoire, aux éditions Zonaires: www.zonaires.com





de Claude Bachelier: " ANGELE CARTIER"

mardi 30 septembre 2014

le Mémorial du 11 septembre à New York

En sortant de l'aéroport JFK de New York, le regard se porte d'abord et naturellement vers le sud de Manhattan, à la recherche presque instinctive des "Twins Towers". Hélas, ces deux tours ne sont plus et chacun en connait les causes et les circonstances.

On aperçoit alors la "Freedom Tower", appelée aussi "One World Trade Center". Sa construction n'est pas encore tout à fait terminée, même si des bureaux s'y sont déjà installés.
Fredom Tower

C'est une construction magnifique, élégante et raffinée. Elle n'a pas cet aspect massif des tours jumelles, mais une silhouette délicate, élancée. Et puis, disons le franchement, à elle seule, elle est un symbole, comme un défi lancé à la face des obscurantistes de tous poils.
Comme pour dire à tous ces fanatiques, à tous ces tueurs enturbannés que le temps de la crainte est passé. Qu'ils ne font plus peur. 

Nous avons bien sûr été visiter le "Mémorial du 11 septembre". Quand on rentre dans ce bâtiment souterrain, c'est un peu comme si on rentrait dans un endroit sacré, tant il est marqué de ce qui s'y est passé le 11 septembre 2001. "Nine eleven", comme disent nombre d'américains.

les fondations de la tour nord

Je ne vais pas, ici, décrire dans le détail ce que j'y ai vu. Par ce lien, vous aurez des informations bien plus précises et détaillées que je ne saurai le faire.

ce qui reste d'un camion de pompiers
Je veux simplement témoigner, par ces quelques lignes, de la beauté, mais aussi de la dignité de cet endroit chargé de chagrins et de douleurs.

Rien n'y est racoleur ou pleurnichard. Rien n'y est ostentatoire ou exhibitionniste.




les noms de toutes les victimes autour des fontaines

Nul esprit de vengeance ou de représailles. Nul esprit de rancune ou de vindicte.


Rien de tout cela dans ce Mémorial. Uniquement de la dignité, de la décence, du respect.

"aucun jour ne vous effacera de la mémoire du temps" Virgile

Pour autant, en sortant du Mémorial, on ne peut s'empêcher d'avoir, au plus profond de soi, un sentiment mêlé  de révolte et de colère. 
Et d'avoir envie de dire à tous ceux pour qui le 11 septembre 2001 n'est qu'un complot ourdi par la CIA, les juifs, Wall Street, que sais-je encore, j'ai envie de dire à tous ces menteurs, à ces négationnistes, d'avoir assez de courage et d'intelligence pour aller visiter ce musée. Mais nous savons tous que courage et intelligence ne sont pas les qualités premières de ces gens-là.




pour mémoire, aux éditions Zonaires: www.zonaires.com


vendredi 29 août 2014

Trois jours sur la frégate Forbin

Jean François Demassey et moi

Anciens de l'escorteur, Jean François Demassey et moi, par l'entremise de Jacques Marquet*, avons été invités par le commandant de la frégate Forbin* à participer à la revue navale qui s'est déroulée le 15 août le long des côtes varoises. Deux autres invités: Guillaume, professeur d'histoire et animateur d'une classe défense, et Pierre, haut fonctionnaire à la préfecture d'Annecy. Pour mémoire, Annecy est jumelée à la frégate.


Nous avons donc embarqué le 13 au matin et quitté la frégate le 16, aux aurores.

Il y a bien longtemps que je rêvais d'une telle sortie en mer, sans vraiment y croire. Rêve, rêve, me disais-je, il en restera toujours quelque chose.

Et puis, cette invitation m'a fait passer du rêve à la réalité. Comme quoi, il ne faut jamais laisser tomber ses rêves.

Nous avons été bien reçus, et même très bien reçus. Chacun, du moussaillon au commandant, nous a consacré un peu de son temps. Quoique, à bord,  des moussaillons, il n'y en a plus tellement.

C'est la commissaire du bord, A. Pleiber, qui s'est occupée de nous, malgré sa forte charge de travail. Et toujours avec le sourire. Ce qui ne gâte rien.

Mis à part le nom, l'escorteur Forbin, conçu en 1953, n'a pas grand chose de commun avec la frégate*, conçue, elle dans les années 1990 - 2000. Ne serait-ce que par la taille comme le montre ce dessin réalisé par Jacques Marquet:


l'escorteur devant la frégate

Vivre à bord de la frégate n'a plus rien à voir avec la vie à bord de l'escorteur. Ni de près ni de loin: moins de monde et plus d'espace, moins de bruits, plus de confort, mais aussi plus de sécurité dans le travail: comme dans les entreprises privées, il y a un CHS-CT qui veille sur l'application rigoureuse des consignes de sécurité.




Il y a plus d'espace dans les machines, ce qui a pour conséquence, mais ce n'est sans doute pas la seule, une propreté quelque peu surprenante dans des endroits où l'huile et la graisse ont eu leurs heures de gloire. Certes, le bruit assourdissant nous oblige à parler haut et fort; la chaleur est supportable, mais sous les tropiques, la température doit atteindre des sommets. 

Il y a quelque chose d'impressionnant à imaginer toute cette mécanique en mouvement qui obéit à la moindre commande de l'officier de quart  sur la passerelle - "les deux machines en avant 100" -puis tapée sur un clavier d'ordinateur par un opérateur assis devant sa console.

La passerelle de la frégate fait toute la largeur du bâtiment, à savoir 20 mètres. C'est dire qu'il ne manque pas d'espace.





l'Amiral et le Commandant

Il y a toujours, tradition oblige, le siège du Pacha, endroit sacré s'il en est, où nul n'oserait prendre place, pas même l'amiral 4 étoiles, arrivé le 15 au matin par hélicoptère, lequel amiral 4 étoiles est resté bien sagement à côté du commandant.

Malgré de nombreux écrans radar présents sur la passerelle, il y a toujours une veille optique, c'est-à-dire qu'à babord comme à tribord, des veilleurs scrutent l'horizon avec des jumelles. En mer, il y a toujours de petites embarcations ou parfois des objets flottants, invisibles sur les écrans radar.














J'ai compté 3 compas magnétiques sur la passerelle. Comme quoi, l'informatique n'a pas tout remplacé.

De même pour les cartes marine.

Allez savoir pourquoi, j'avais cru comprendre lors de mon premier séjour sur la frégate que ces cartes n'étaient plus utilisées. De même pour les sextants. Ces derniers sont toujours utilisés m'a affirmé un officier du bord, ajoutant que la Marine Nationale française était, avec la Marine russe, la seule encore capable de savoir s'en servir. Quant aux cartes marine, j'ai pu voir les personnels de quart y avoir
recours en permanence, avec bien évidemment la règle Cras*.

Nous avons été l'un et l'autre, chacun de notre côté, les "colocs" de deux OMS. (Officiers Mariniers Supérieurs) Une "carré" de cinq mètres sur trois, douche et toilettes inclues, une table de travail chacun, des bannettes correctes; à deux, c'est plus que confortable.  Même s'il est vrai que je ne suis resté que trois jours à bord...

Côté nourriture, cela aurait pu être pire. Cela aurait pu être meilleur aussi. Je n'avais jamais goûté à "Captain Igloo", et bien maintenant, c'est fait. Je peux mourir tranquille.


Le mercredi après midi, répétition générale de la revue navale. Donc, tous les bâtiments, derrière le Forbin, chef de file qui, le 15 août, portera la marque du Vice Amiral d'Escadre Coindreau, commandant de la Force d'Action Navale*. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'était pas une répétition pour rire.


Le passage de chaque bâtiment devant le "Charles" était chronométré, synchronisé.
Pas question de s'écarter du cap fixé, même si avec le Mistral qui ne faisait pas la sieste, certains avaient tendance à se laisser aller aux zig zag. Je suppose que le lendemain matin, au briéfing des pachas, les fondamentaux de la navigation en file indienne ont du être rappelés...


Le jeudi, barbecue sur la plage arrière. Je vous vois froncer les sourcils, les Anciens: quoi? Un barbecue sur un bâtiment de la Royale et qui plus est, pendant les heures de travail? 
Et oui, les Anciens, nous ne sommes plus au temps de la Marine en bois et les matafs, tout grades confondus, peuvent déguster une merguez, arrosée de ketchup...


Le vendredi est donc le grand jour, non seulement celui de la revue navale devant les plus hautes autorités de l'Etat et de leurs invités, mais aussi celui de l'arrivée à bord de "ALFAN", l'amiral dont je vous parlais plus haut. Et il convient que le bâtiment brille de tous ses feux, du dehors comme du dedans. Je peux témoigner que nos matelots, quartiers maitre et seconds maitres savent manier l'huile de coude. 


Une partie de l'équipage, en tenue blanche, se tient au poste de bande.


3 missiliers à babord
A l'avant, six missiliers, trois à bâbord, trois à tribord, sont prêts à tirer  21 coups de canon, sous les ordres de leur officier. Ce dernier, quand nous serons à hauteur de l'arrière du "Charles" donnera l'ordre de tir en abaissant son sabre à chaque fois. Tradition oblige. 


Puis viendront les "vive la République" criés à sept reprises par l'équipage qui rend les honneurs. J'aurais préféré un "vive la République" plus dynamique, plus intrépide. 

Mais bon, si j'étais le seul maitre à bord, c'était après Dieu, le commandant et quelques autres. Mais trève de plaisanterie, avoir entendu ces "vive la République" m'a fait chaud au coeur. Tant il est vrai que notre chère et bien aimée République est bien malmenée en ce moment et qu'il convient plus que jamais de la célébrer.


Toute la flotte est passée devant le Président de la République et ses invités. A l'intérieur de la passerelle, nous pouvions suivre en direct à la télé le passage des bâtiments, en ordre impeccable et suivant le timing prévu.

Un officier m'a dit, presque sous le sceau du secret et quelque peu déçu, que nous avions quatre secondes de retard. Quatre secondes de trop, certes, et qui honorent son souci de rigueur, mais qui ne sauraient  diminuer en rien la qualité de cette revue navale.




le "Charles" et derrière, le BPC Tonnerre





Je dois à l'honnêteté de dire que j'ai été impressionné. Au risque de passer pour une midinette qui s'esbaudit devant un bellâtre, voir tout ces navires m'a procuré je ne sais quel sentiment de sécurité, de confiance aussi. Sans doute quelques beaux esprits, maniant une ironie et un cynisme aussi faciles que dérisoires, se gausseront-ils en lisant cela. Mais comme dirait une de mes Princesses: "je m'en tape!" J'assume!

Nous sommes rentrés à Toulon un peu après minuit. Et vers 07H30, je quittais le bord. 

Il y a dans la vie de chacun d'entre nous des moments que l'on n'oublie pas. Ces trois jours passés à bord de la frégate seront de ces moments-là. 

J'ai passé de longs moments à regarder la mer, dans la journée ou le soir. Je ne sais trop comment expliquer cette émotion qui m'envahissait, la même que je ressentais, il y a fort longtemps quand, sur l'escorteur, je parcourais mers et océans. Sans doute, le ciel de la Méditerranée n'est-il pas le même que celui du Pacifique ou de l'Indien, mais il y a les mêmes étoiles, les mêmes ambiances, les mêmes magies. Et, l'espace de ces quelques jours, j'ai retrouvé tout cela, les mêmes émotions, les mêmes serrements de coeur devant tant de beauté.

Et me revenait, lancinant, ce ver de Beaudelaire: 


"Homme libre, toujours tu chériras la mer."



le Commandant Tourneux


la Commissaire Pleiber
Je ne saurais conclure sans remercier le 
Commandant Tourneux et la Commissaire Pleiber de leur sympathique et chaleureux accueil. Et à travers eux, tout l'équipage de la frégate Forbin.

Mais aussi Jacques Marquet, initiateur et animateur désintéressé du site dédié à l'escorteur. Sans lui, ni Jean François ni moi n'aurions pu faire un tel voyage.

Et je salue Jean François, "compagnon de route", discret et sensible, amoureux lui aussi de la mer et des océans.



Voyez ce superbe diaporam que Jacques a confectionné à partir de nos photos: https://picasaweb.google.com/108573126066230783751/RevueNavale2014?noredirect=1#slideshow/6052518328908341330


pour mémoire: "Angèle Cartier" de Claude Bachelier



www.zonaires.com


mercredi 30 juillet 2014

"Un bon fils" de Pascal Bruckner.

Je n'ai pas de dispositions particulières pour la critique littéraire: c'est un exercice complexe, délicat, voire dangereux. Mais, une fois n'est pas coutume et je vais me laisser aller à vous parler, certes brièvement, du dernier ouvrage que je viens de lire: "un bon fils" de Pascal BRUCKNER, (éditions Grasset, 264 pages, 18€)
Pascal Bruckner
Il n'est pas inutile de préciser que ce livre est le premier que je lis de cet auteur. Même s'il n'y a pas de relation de cause à effet, je n'apprécie pas toujours ses positionnements politiques, même si je lui reconnais le courage de souvent "ramer" à contre courant d'une certaine orthodoxie bien-pensante.


Ce livre retrace les rapports de l'auteur avec ses parents, mais surtout ceux vécus tout au long de sa vie avec son père. Pour faire court, ce dernier est une véritable abomination à lui tout seul: un tyran, un persécuteur, un despote qui martyrise ceux qui vivent avec lui. Et en particulier, son fils unique, objet de toute sa hargne et de son mépris. 

Cet homme vivra jusqu'à 92 ans. Antisémite fanatique, il sera proche des nazis, jusqu'à être volontaire pour travailler en Allemagne et en tirera fierté. Raciste assumé, d'une méchanceté perpétuelle, bouffi de certitudes qui lui permettent de faire l'aller retour entre les extrêmes, c'est un homme tout entier dans la démesure, sauf que cette démesure est celle de la haine, de l'intolérance, du cynisme, pas vraiment éloignée de la folie, mais d'une folie quelque peu inconsciente.

Comment un fils peut-il réagir face à un tel père? Là résident l'intérêt, mais aussi l'ambiguïté de ce livre et de son auteur.

Enfant, dans ses prières, Pascal Bruckner souhaite la mort de son père: il implore Dieu, il "l'abjure" même. Il lui laisse même le choix de l'accident qui mettra fin à la vie de son géniteur.

Bien plus tard, quand son père, très malade, ne peut plus marcher, Bruckner le porte dans ses bras. Il est alors tenté de le laisser tomber, d'en finir. Et c'est ce qui se passe: il a lâché son père, involontairement. Aussitôt, il se sent coupable parce qu'il l'avait pensé.

Tout le livre tourne autour de cette relation équivoque, mais, entendons nous bien, équivoque dans un seul sens: celui fils - père.

L'auteur ne rompra jamais le lien. Même s'il restera des mois, voire des années sans contacts. Ses rares tentatives de révolte resteront lettres mortes. De son fait.

En réalité, il acceptera tout, les insultes, les grossièretés,  le mépris, la condescendance. Quand il annonce à son père qu'il a reçu un prix littéraire pour un de ses romans, ce dernier se demande "si le vote n'était pas truqué." Ou quand il lui présente sa compagne, rwandaise, le père lui lance un "si ça t'amuse" méprisant. Les exemples ne manquent pas. Et nous pouvons alors mieux comprendre le titre de l'ouvrage: Pascal Bruckner se considère, sans doute à juste titre, comme un bon fils.

Pourtant, cet homme, ce père ô combien abominable, se retrouve bouleversé quand, suite à un dysfonctionnement technique, il entend son fils au téléphone lui dire "je t'aime".

Et il y a aussi des moments de rémission, des discussions autour d'auteurs, Maupassant ou Zola; des repas de famille qui sont autant de bons moments.

Ceci explique sans aucun doute cela: Pascal Bruckner aime son père tout en le détestant. Ou déteste son père tout en l'aimant. Il y a de la psychanalyse là-dedans. Mais n'est pas Freud qui veut et je me garderai bien de m'engager sur ce chemin miné. 

Dans l'épilogue, Bruckner écrit: "Je n'ai qu'une certitude: mon père m'a permis de penser mieux en pensant contre lui. Je suis sa défaite: c'est le plus beau cadeau qu'il m'ait fait."

C'est là que réside, à mon sens, la puissance de ce livre: prendre de la force, de l'énergie, de la volonté dans ce qui aurait dû entrainer vers les gouffres de la médiocrité. C'est sans doute le message qu'a voulu nous faire passer Pascal Bruckner dans cet ouvrage, ouvrage que je vous recommande chaudement.

photo de P. Bruckner: Photo © Irmeli Jung / Grasset


Angèle-Cartier-couv-61-117x170.jpgpour mémoire: "Angèle Cartier", de Claude Bachelier, éditions Zonaires (www.zonaires.com)



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