l'abbé Pierre |
Geneviève de Gaulle - Anthonioz |
Si, pour écrire ce billet, j'en
appelle aux mannes de ces deux illustres personnages, c'est parce qu'ils
ont été et sont encore des références citées en permanence par les
différentes personnalités politiques qui nous ont gouverné et nous
gouvernent encore.
Le premier a été fait Grand Croix de La légion d'honneur par le Président Chirac en 2004. Lorsqu'il a appris le décès de l'abbé Pierre, le 22 janvier 2007, le Président à déclaré: "La France perd une immense figure, une conscience, une incarnation de la bonté. Il représentera toujours l'esprit de révolte contre la misère, la souffrance, l'injustice et la force de la solidarité".
Le 30 janvier, à l'Assemblée Nationale, Jean Louis Borloo, alors ministre du logement, déclarait: "Le plus bel hommage sera le vote prochain par les parlementaires, dont il fut, de la loi sur le logement opposable, une loi qui pourrait porter son nom, une manière de maintenir toujours vivante sa mémoire et son action "
A ses obsèques, toute la fine fleur du personnel politique était là: de D. de Villepin à N. Sarkozy; de B. Delanoë à V. Giscard d'Estaing; de Jack Lang à F. Bayrou. Sans oublier le Président, bien sûr.
La seconde, Présidente d'ADT Quart Monde*,
elle aussi, a été élevée au rang de Grand Croix de la Légion d'Honneur
par le Président Chirac en 1997. Le Président Hollande, quand il a
appris son décès, le 14 avril 2002, a déclaré: "Geneviève de Gaulle - Anthonioz: « c'est la fraternité » avec « les plus pauvres, les oubliés, les exclus, les relégués »" Lors du discours qu'il a prononcé lors du transfert symbolique de son cercueil au Panthéon , il a cité cette grande dame: "« La pauvreté n’est pas une fatalité individuelle mais une défaillance collective »
Donc, tout le monde semble d'accord: la pauvreté est un fléau qu'il faut combattre et avoir en référence les actions que ces deux illustres personnages ont menées.
Mais, c'est bien connu, il y a toujours loin de la coupe aux lèvres. Loin des paroles lénifiantes aux actes courageux. Loin des bonnes intentions aux mauvaises réalisations.
Car notre beau pays, notre belle France comptait pas loin de 8,6 millions de pauvres en 2013 (selon les chiffres de l'INSEE)*, c'est-à-dire 14% de la population.
Il
convient de préciser qu'être pauvre, en 2012, c'est vivre avec 987€
pour une personne seule, 1481€ pour un couple sans enfant et 2073€ pour
un couple avec deux enfants. Là-encore ce sont des chiffres fournis par l'Observatoire des Inégalités en 2012*.
(les liens vers les sites donnent des précisions très utiles). C'était
un peu moins avant 2012 et c'est certainement plus en 2015.
Il me
faut préciser que le RSA en 2016 est de 527€ pour une personne seule,
786€ pour un couple sans enfant et 1101€ pour un couple avec deux
enfants. Et ce RSA n'est pas cumulable avec les autres prestations.*
Il est à noter que la moitié de ceux qui pourraient prétendre au RSA n'en font pas la demande pour diverses raisons.
J'arrête ici avec les chiffres. Ils sont incontestables.
Les
différents médias nous ont appris que certains élus, présidents de
Conseils départementaux en particulier, soit refusaient de verser le
RSA, soit voulaient obliger ceux et celles qui le perçoivent à
travailler bénévolement sept heures par semaine. Cela bien sûr au nom
des grands sentiments censés lutter, dans le premier cas, contre
la baisse des dotations de l'Etat; dans le second, lutter contre
"l'assistanat", le mot magique, l'aphrodisiaque du populisme le plus
éhonté.
Il
est vrai que la baisse des dotations de l'Etat est une idiotie, une
absurdité, des économies de bout de chandelles. Cette baisse ne date pas
d'aujourd'hui. Déjà, François Baroin, alors ministre du budget en 2010,
annonçait le gel pour trois ans des dotations de l'Etat aux collectivités locales.* Lequel Baroin, président de l'Association des Maires de France, proteste énergiquement en 2015* contre
la baisse des dotations décidée par le gouvernement. On voit pas là que
certains ne craignent pas le ridicule qui, heureusement pour eux, ne
tue pas.
Chacun peut mesurer dans le quotidien de la vie communale les effets délétères, directs et indirects de ces baisses.
Pour
revenir aux mesures décidées dernièrement, l'élu affirme que la baisse
des dotations ne permet pas au budget de son département de verser le
RSA. Et bien sûr, plutôt que de tailler dans des dépenses inutiles - et
dans son département comme dans d'autres, elles ne doivent pas manquer
- et bien ce monsieur s'en prend aux plus pauvres, aux plus fragiles, à
celles et ceux qui n'ont plus d'autres ressources que ce RSA. Alors,
comme pour justifier l'injustifiable, certains montrent du doigt les
quelques fraudeurs qui vivraient du RSA en travaillant "au noir". Les
mêmes qui se gardent bien de montrer du doigt les fraudeurs du fisc ou
les exilés fiscaux. Il est vrai, qu'aujourd'hui comme hier, il est plus
facile de pourchasser le voleur de pommes que le voleur en costume
cravate.
Le département du Haut Rhin*
a décrété que, pour toucher le RSA, l'allocataire devra sept heures de
bénévolat à une association ou à une collectivité locale. Il n'est pas
besoin d'être grand clerc pour voir le but de la manoeuvre: là-encore
montrer du doigt les plus pauvres, mais aussi de bénéficier d'une main
d'oeuvre gratuite qui profitera d'abord aux collectivités locales. Cela
au détriment des entreprises locales qui n'auront plus à faire les
travaux effectués gratuitement par les nouveaux "esclaves", taillables
et corvéables quasiment à merci.
Je
cite ces deux seuls exemples, mais je pourrai en citer bien d'autres. En
réalité, le but recherché, c'est, à terme, la suppression du RSA, afin
d'obliger les chômeurs d'accepter n'importe quel travail à n'importe
quel salaire. Quand on sait que pour certains milieux politiques et
économiques, le SMIC est trop élevé, voire inutile, la boucle est
bouclée: travailler plus pour gagner une misère sera le mot d'ordre des
pourfendeurs de "l'assistanat". Petit à petit, on en arrive à ce genre
de raisonnement imbécile: "ah, estime-toi heureux, tu as un boulot". Un
don du ciel en quelque sorte.
Quand
on écoute, quand on lit nos politiques, tout partis confondus, ce ne
sont que retours en arrière, remise en cause du bien être des individus,
suppression de ce qu'ils nomment avec mépris et dérision des "avantages
acquis", etc, etc... Tout en nous jurant hypocritement, la main sur le
coeur, que c'est pour notre bien.
Oui,
hélas, la chasse aux pauvres est ouverte. Comme elle l'a été au milieu
du XIX ème siècle. Avec ce qu'il faut d'hypocrisies pour cacher des
choix dogmatiques et stupides.
Alors,
oui, abbé Pierre, Madame de Gaulle - Anthonioz, revenez. Revenez vite
pour rappeler à tous ces hypocrites les promesses qu'ils vous ont
faites.
Oui, revenez, ils sont devenus fous!
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