lundi 30 décembre 2013

Le Pauvre, voilà l'ennemi!


Je ne sais plus dans quel ouvrage, Adam Smith* a écrit: "le pauvre est un objet désagréable." Il n'imaginait sans doute pas que près de trois siècles après sa naissance, sa formule serait encore d'actualité. Et pour remonter un peu plus loin, la Bible ne dit-elle pas que si les pauvres sont pauvres dans ce monde terrestre, dans l'autre monde, celui du ciel, ils seront en quelque sorte récompensés. Cela a permis, au cours des siècles, de donner bonne conscience aux riches et aux moins riches ainsi qu'aux églises et aux religieux, même si certains d'entre eux ont fait voeu de pauvreté.

Aujourd'hui, il y a encore et toujours des pauvres. Et même beaucoup. Mais pour certains, le pauvre n'est d'abord qu'un assisté. Et d'une certaine façon, responsable de sa propre pauvreté. Certes, les choses ne sont pas dites aussi clairement, mais enfin, c'est largement sous entendu. 
L'UMP, le principal parti d'opposition, dans son séminaire du 18 décembre 2013* affirmait dans la première partie de son document, article 6, vouloir "en finir avec l'assistanat". Bien évidemment, le mot pauvreté ne figure pas dans ce projet. 
Je   cite ce parti puisqu'il a la volonté de gouverner la France, mais il n'est pas le seul dans cette optique: nombre d'associations, de "think thank", de cercles d'économistes et j'en oublie, ont ce projet d'éradiquer l'assistanat sans jamais évoquer la pauvreté. Des hebdomadaires, des quotidiens et moult revues dénoncent à longueur de colonnes l'assistanat, qu'un ancien ministre qualifie de "cancer"...

Mais avant que d'aller plus loin, quelques chiffres cités par l'Observatoire des Inégalités du 21 octobre 2013*. Je ne vais pas rentrer dans le détail des chiffres (voir le lien vers l'Observatoire) mais nous avons dans notre beau pays, cinquième puissance économique mondiale, entre 5 et 8,5 millions de pauvres, c'est-à-dire ayant des revenus compris entre 814€ et 977€ par mois pour vivre! Quand on sait les prix des loyers pour ne citer qu'eux, il n'est nul besoin d'en rajouter!

Dans la seconde moitié du XIX ème siècle, au moment de ce que l'on a appelé la "révolution industrielle", la pauvreté était l'ordinaire de la paysannerie et de la classe ouvrière. Il suffit de lire ou relire Emile Zola ou Charles Dickens  pour en être persuadé.

Nous retrouvons, dès le début de XIX ème, des scientifiques, des économistes n'hésitant pas à affirmer que « La somme des bienfaits à attendre de l’établissement d’une assistance obligatoire aux pauvres sera plus que dépassée par l’ensemble des méfaits que cela produira.
Margaret Loane, une lady anglaise déclare, à peu près à cette époque: "Peu de personnes réalisent l’importance du prélèvement que les pauvres opèrent sur leurs propres ressources ; les sommes gaspillées par insouciance, ignorance, crédulité ou par une suspicion hors de propos, et celles qui le sont par un manque de tempérance, de clairvoyance ou d’autodiscipline (...) pourraient fournir un excèdent budgétaire temporaire même à un gouvernement progressiste..."

J'ai trouvé ces deux citations dans  un article écrit en 1999 dans "Cultures et conflits*" par Jacques RODRIGUEZ*, où il fait un parallèle saisissant entre les conséquences de la politique économique et sociale conduite par Margareth Thatcher, alors Premier Ministre, et les analyses pseudo scientifiques d'économistes et de dirigeants politiques britanniques tout au long du XIXème siècle.

Mon propos aujourd'hui est de rappeler que les théories du XIXème siècle concernant la pauvreté sont reprises à notre époque, théories que l'on habille habilement d'un discours économique et vertueux, opposant le plus souvent ceux qui travaillent en gagnant le SMIC à ceux qui, "volontairement", ne travaillent pas et se contentent du RSA, lequel RSA, augmenté de différentes allocations, n'incite pas leurs bénéficiaires à travailler, mais au contraire, à ne rien faire. Donc, ces derniers sont, à l'évidence, des fainéants, des profiteurs. Et s'ils sont pauvres, c'est bien de leur faute!

Eric Brunet*, qui se qualifie lui-même de polémiste, ne dit rien d'autre quand il affirme dans son livre: "Cependant, grâce à leur statut, les bénéficiaires des minima sociaux ont droit à de nombreux avantages que n’ont pas forcément les smicards : gratuité ou réduction sur les transports en commun, les cantines, les crèches ou les centres aérés, services de garde, tarifs sociaux du téléphone ou de l’électricité. À Paris, certains peuvent même prétendre à la coiffure à domicile."
Et bien sûr, à sa manière, de chiffrer dans la foulée ce que coûtent tous ces abominables profiteurs aux budgets des Conseils généraux.

Un parti," la droite forte*", dans son "thème numéro 1" titre: "la lutte contre les fraudes et l'assistanat" se propose de "protéger les français honnêtes"I Rien de moins: "
Nous proposons donc d’éradiquer la fraude et d’être intraitables avec tous ceux, assistés sociaux, tricheurs professionnels ou patrons voyous, qui violent impunément nos lois et nos valeurs." Chacun sait ce qu'est un patron voyou, mais qui sont les "assistés sociaux"? Les "tricheurs professionnels"? On a la réponse dans la proposition numéro 6: "6- supprimer la CMU, véritable passoire à fraudes, et la remplacer par une « carte de santé départementale » contrôlée et plafonnée : la dépense maximale d’un bénéficiaire de la nouvelle carte de santé ne pourra pas excéder la dépense moyenne d’un travailleur qui cotise. Or, aujourd’hui, un bénéficiaire de la CMU dépense plus de 20% de plus qu’un affilié au régime de base. Le coût de la CMU, évalué à 6 milliards d’euros, a explosé en dix ans. Il faut mettre fin à ces dérives pour mieux aider ceux qui le méritent vraiment". C'est très clair: celui qui est visé, c'est l'assisté, le pauvre, celui qui profite du système!

Une autre droite, la "droite populaire*", y va, elle aussi, de son couplet contre l'assistanat en mettant en place toute une batterie de contrôles bureaucratiques via des registres et des cartes diverses et variées.

Il y a même une "droite sociale" qui se propose, elle aussi, de combattre l'assistanat: "Nous proposons le plafonnement des prestations sociales à 75 % du SMIC : pour les travailleurs modestes de notre pays, il est insupportable de constater que certains individus, en cumulant différentes prestations sociales (RSA, CMU, allocations familiales, aides au logement) et les droits connexes (réductions tarifs énergie, exo redevance télé, gratuité transports…), disposent de moyens financiers similaires." Là encore, ce groupuscule emmené par un ancien ministre assimile sans vergogne tous les bénéficiaires du RSA à des tricheurs.

En mars 2012, Mme Le Pen déclarait dans un discours: « Nous devons rompre avec l’assistanat et retrouver l’esprit d’entreprise, la richesse, la dignité, l’honneur du travail. » Et dans la foulée de promettre la création d'un "secrétariat d'Etat à la fraude sociale." Il est vrai que quelques temps auparavant elle affirmait le contraire: "Le RSA est un minimum auquel ont légitimement droit de nombreux Français particulièrement démunis, et il apparaît totalement stupide de vouloir réduire les revenus de ceux qui ne font aujourd’hui que survivre : femmes seules élevant des enfants, jeunes couples au chômage, séniors jetés du marché du travail." Allez comprendre!

Dans un billet écrit sur ce blog en mai 2011, "salauds de pauvres", je revenais sur les propos de Mr Wauquiez, alors ministre des Affaires Européennes, et qui proposait de faire travailler gratuitement les titulaires du RSA, au prétexte que ne pas travailler rapportait plus que de travailler. Ses propos étaient tellement faux, tellement mensongers que je n'ai eu aucun mal à en démontrer le ridicule! Pour autant, les mêmes arguments sont encore à l'honneur, comme le montrent les extraits cités plus haut.

En période de crise, il est facile pour tout ce qu'une société compte de démagogues et de populistes de dresser les citoyens les uns contre les autres, en s'en prenant bien évidemment aux plus fragiles, au plus démunis, bien en peine de se défendre face à ces torrents de contre vérités, de mensonges et de manipulations.

Pour autant, je ne suis ni naïf ni binaire. Je sais autant que n'importe qui que certains usent et abusent du système; mais est-ce une raison pour remettre en cause ce système qui aide ceux qui en ont besoin?

Il est vrai qu'il est plus facile de crier haro sur le fraudeur au RSA, sur le tricheur du chômage, sur le profiteur des restos du coeur que de s'en prendre aux cols blancs financiers qui fraudent le fisc, qui manipulent le cours des monnaies, qui spéculent honteusement oui qui déclenchent les catastrophes financières à force de cupidité, d'arrogance et d'incompétence. Oui, plus facile! Et il est vrai également qu'il est délicat pour ces gens de critiquer ceux qui inspirent leurs pensées politiques!

Et chacun de réclamer des "réformes", un autre des mots magiques de notre époque. Mais avez-vous remarqué que les réformes à mettre en oeuvre sont toutes, sans exception, des retours en arrière: recul de l'âge de départ à la retraite; baisses des prestations sociales; limitation, voire suppression des remboursements de la sécu; baisse des pensions de retraite; suppression du code du travail; suppression de certains services publics; et j'en oublie de ces "réformes" censées nous remettre dans le "droit chemin", en tout cas celui imposé par cet ultra libéralisme si cher au "tea party" américain et à la "City" de Londres. Oui, un formidable retour en arrière que ces gens-là, au prétexte d'un avenir radieux, veulent pour notre avenir. Et pour leur plus grand profit!

Sans avoir l'air d'y toucher, petit à petit, nous revenons dans cette seconde moitié du XIX ème siècle. C'est insidieux, mais bien réel. Et tout cela, nous dit-on, parce que nous n'avons plus d'argent! "L'Etat providence" serait ruiné. Sauf que, et pour ne prendre que cet exemple, l'Etat a trouvé sans problèmes 4 milliards d'euros - oui, 4 milliards - pour solder les dettes de feu Crédit Lyonnais!!! D'ailleurs, au sujet de cette expression, "Etat providence", je vais d'ici quelques temps, écrire un billet sur cette escroquerie sémantique!

Oui, aujourd'hui, le pauvre est devenu le bouc émissaire, celui que l'on montre du doigt, celui que l'on accuse de toutes les tricheries. On lui donne les miettes, et encore, beaucoup trouve que c'est encore beaucoup, beaucoup trop. Comme disait Coluche: "les pauvres sont indispensables à la société, à condition qu'ils le restent."

Oui, décidément, le pauvre, voilà l'ennemi!


* clic sur le lien.

mercredi 11 décembre 2013

La folie sondagière




Il ne se passe pas un jour sans qu'un média ne nous sorte un sondage qu'il a concocté avec un institut dont le job est de sonder ce que pensent ou sont supposés penser les citoyens que nous sommes censés être.

dessin de Plantu publié dans le Monde du 24 avril 2012
dessin de Plantu publié dans le Monde du 24 avril 2012 @ 2013 Plantu
Ces mêmes médias, comme d'ailleurs les instituts, nous rappellent parfois que ces sondages ne sont en rien la réalité. Dont acte. Sauf que lorsque ces mêmes sondages nous sont servis, cela se traduit par "x français pensent que" ou " y français sont opposés à " ou " z français veulent que". Et cela, avec la tranquille assurance de ce qui ne peut être mis en doute.

Mais c'est quand même plus compliqué que cela. Et surtout que ce n'est pas vraiment la réalité. Parce que quand ces sondages sont confrontés à la réalité, ce n'est pas tout à fait la même chose.

Quelques exemples:

- dans les années 60, une université américaine a fait un sondage par téléphone et posé la question suivante: " quand vous sortez des toilettes, vous lavez-vous les mains?" Plus de 80% des personnes interrogées ont répondu oui. Dans le même temps, la même université a posté des étudiants dans des toilettes publiques, chargés de compter celles et ceux qui se lavaient les mains en sortant des toilettes. Et dans ce cas, la réalité est toute autre: en effet, l'observation attentive montre que moins d'un tiers des personnes sortant des toilettes se lavent les mains.

Concernant les élections, les erreurs sont légion et je ne vais en citer que quelques unes:

- aux USA, en 1946, Gallup donne H. Truman, le président sortant, battu par T. Dewey, candidat républicain. Résultat: Truman est élu avec plus de 2 millions de voix d'avance;

- plus près de nous, l'année dernière, toujours aux USA, M. Romney a longtemps été donné gagnant face à B. Obama, même s'il est vrai qu'à quelques jours du scrutin, les deux candidats étaient au coude à coude. Résultats: Obama est élu confortablement des voix avec 50,1% des voix (soit 61 710 00 voix et 270 grands électeurs) contre 47,9% à Romney (soit 58 500 000 voix et 206 grands électeurs). Ce qui n'est pas rien comme différence. Et quand on sait la puissance financière et organisationnelle des instituts de sondage américains, nous sommes quand même en droit de nous interroger.
dessin de Plantu paru dans l'express du 25 Avril 2002
dessin de Plantu paru dans l'express du 25 Avril 2002 @2013 Plantu

Chez nous, mêmes constatations:


- en 1995, deux mois avant le 1er tour, E. Balladur devancelargement J. Chirac: 23% contre 19. A tel point que certains pressent J. Chirac de s'effacer devant son concurrent. On connait le résultat final.

- en 2002, un sondage effectué par BVA le vendredi 19 avril donnait 19% à J. Chirac, 18 à L. Jospin et 14 à JM. Le Pen. Là aussi, on connait le résultat!

- concernant les présidentielles de 2012, les erreurs ne sont pas si énormes, mais enfin, la victoire facile de F. Hollande telle que prévue par les sondeurs n'était pas au rendez-vous puisque l'écart était seulement de 2,76 points ( 51,63 contre 48,87) alors que BVA, CSA et Harris, le 3 mai, le prévoyaient de 6 points. Il est vrai que l'Ifop avait donné 52 - 48.

Un dernier exemple, dimanche 17 novembre, au Chili, lors des élections présidentielles, les sondages prévoyaient que Madame Bachelet devait être élue au 1er tour, Madame Pérez n'étant créditée que de 14 à 20% des voix. Résultats: la première est en ballotage avec 46,7% des voix et la seconde recueille 25%.
dessin de Plantu publié dans le Monde du 16 mars 2007
dessin de Plantu publié dans le Monde du 16 mars 2007    @2013 Plantu

Nous sommes submergés de sondages. Chacun y va de ses enquêtes et surtout de ses propres interprétations.

Pour faire court, je ne prendrai que deux sondages récents, publiés par Le Monde - que je lis chaque jour - en date du 16 novembre et du 11 décembre 2013.

A partir d'une enquête réalisée le 14 et 15 novembre pour I-Télé et le Parisien par BVA, le quotidien du soir titre son article: "Les Français favorables à un changement de premier ministre, mais sans y croire". 64% souhaitent un changement de premier ministre et 52 la dissolution de l'Assemblée Nationale. Mais pour autant, une "majorité des personnes interrogées pensent pourtant qu'aucune de ces initiatives n'améliorerait la situation en France, marquée par de fortes tensions sociales." Vous aurez remarqué que le rédacteur de l'article parle d'abord des "français favorables" et ensuite des personnes interrogées. Ce qui, me semble t-il n'est pas tout à fait la même chose. Je suis allé sur le site de BVA afin de savoir  quelles était la nature exacte des questions posées. Et là, rien ou pas grand chose. Je vous laisse aller voir sur leur site*

Un autre sondage a été réalisé du 10 au 25 novembre 2013 par IPSOS pour Le Monde et la revue "Lire l'économie" à l'occasion de la 15 ème journée du livre d'économie.
L'article publié par le Monde titre: "Relance de la croissance : les Français ne comptent plus sur l’Etat". Voilà un titre qui "fait mouche", d'autant que là encore, ce sont les français dans leur ensemble qui se "prononcent".
Mais, quand on lit en détail les réponses, on y trouve des contradictions pour le moins surprenantes: ainsi, si "59% des français pensent que pour relancer la croissance, il faut limiter au maximum le rôle de l'Etat", ils sont 40% à estimer que "baisser de manière importante les services publics rendus en France" ne serait "ni efficace ni souhaitable". 71% à pensent que l'augmentation des salaires serait "efficace et souhaitable." Et ils sont 74% à estimer que "la France est en déclin", les sondés de droite et d'extrême droite étant plus de 85% à le penser.

Il est vrai que la tendance actuelle est à la primauté de l'économique sur le politique et par voie de conséquence, à l'effacement du rôle de l'Etat. On retrouve cette tendance un peu partout dans le monde, malgré la crise provoquée justement par la quasi disparition des Etats dans les décisions économiques et financières, avec les conséquences que l'on sait. Pour autant, ce sondage annoncé comme LA réalité est révélateur du constat que chacun d'entre nous peut faire, à savoir que tout le monde veut des hôpitaux, des écoles, des universités, des prisons, des armées, mais sans que cela "coûte" en termes d'impôts et sans que l'Etat s'en mêle. Comprenne qui pourra. Et ces sondages n'apportent rien d'autre qu'un peu plus de confusion dans la complexité des "choses".

Mais pour autant, les sondages ont toujours la cote auprès des médias mais aussi auprès de la classe politique et des décideurs économiques. A partir de là et sachant la fiabilité à géométrie variable de ces sondages, qu'est ce qui pousse médias et classe politique à en user et en abuser? Il se dit que les stratégies, les tactiques se décideraient aussi, voire surtout, en fonction et à partir de ces sondages. Surprenant quand même quand on sait que par définition, dans chaque élection, il y a un vainqueur, pas deux!

Idem pour les médias: que signifie "la personnalité préférée des français" quand dans les choix proposés figurent des chanteurs, des sportifs, des membres d'ONG et des ... politiques? Il est bien évident que ces derniers qui votent les lois seront "moins bien vus" qu'un chanteur charismatique ou un prêtre défenseur des sans abris. Quant aux enquêtes de popularité dont on nous rabat les oreilles à longueur de journée, il suffit de se souvenir qu'en mai 2011, N. Sarkozy était crédité par TNS - SOFRES* de 20% d'opinions favorables, ce qui ne l'a pas empêché, un an plus tard, d'être au second tour de la présidentielle avec 48,50 des voix!

A chaque fois, qu'à travers un média, une enquête d'opinion nous est jetée en pâture, je m'interroge sur sa finalité. Je précise que je n'y vois nul complot, nulle machination. A la limite, ce serait trop simple.

Pour autant, il me semble que tous ces sondages peuvent avoir, in fine, une certaine influence sur les opinions. A force de "rabâcher" que les français sont mécontents de ci ou en colère contre ça, même ceux qui ne s'étaient jamais posé la question finissent par adhérer à ces mécontentements.
Pierre Bourdieu   ©Daniel Mordzinski.
Pierre Bourdieu ©Daniel Mordzinski.

En janvier 1972, Pierre Bourdieu* donnait une conférence à Arras sur le thème "l'opinion publique n'existe pas"*. Le titre était volontairement provocateur d'autant que la conclusion de son intervention était nettement plus nuancée: "Je dis simplement que l'opinion publique dans l'acception implicitement admise par ceux qui font des sondages d'opinion ou ceux qui en utilisent les résultats, je dis simplement que cette opinion-là n'existe pas."
Entre autres, Bourdieu démontre que des gens interrogés sur une quelconque problématique à laquelle ils n'ont jamais ni pensé ni réfléchi vont répondre à l'enquêteur de façon biaisée, cela pour ne pas paraître inculte ou diot. D'accord, je résume un peu rapidement la pensée du sociologue. Mais en gros, c'est cela.

Pour conclure ce billet, il me semble que la folie sondagière n'est pas prête de s'éteindre. Bien au contraire. Pour autant, il serait quand même souhaitable que les citoyens que nous sommes soient attentifs, vigilants, voire méfiants. Je répète ce que j'écrivais plus haut, à savoir qu'il n'y a dans la publication de ces sondages nul complot, nulle machination. Mais la tentation de la manipulation peut-être grande, parfois tentante. Et je suis  persuadé que certains de nos politiques ou des agents économiques peuvent avoir la tentation de se laisser aller à cette facilité sondagière. Pour la bonne cause. Enfin, la leur.

Dessins publiés avec l’aimable autorisation de Plantu. Tous droits réservés. © 2013, Plantu.

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