lundi 15 mars 2021

"le roi Guillot" ou capitaine Mauclou

 

François 1er vers 1530 (huile de Jean Clouet, musée du Louvre)

Nous avons tous, plus ou moins en tête, l'image de la France sous le règne de François 1er, à savoir une France rentrant  résolument dans la Renaissance, marquant ainsi la fin du Moyen-Âge et les périodes guerrières qui n'en finissaient pas.
Si cela n'est pas tout à fait faux, c'est loin, et même très loin d'être l'exacte réalité. L'Histoire en général et l'Histoire de France en particulier, nous le savons, ne sont jamais ni lisses, ni linéaires.

"La grande trahison et volerie du roy Guillot prince et seigneur de tous les larrons, bandolliers, sacrilèges, voleurs et brigans du royaume de France"
(in BNF Réserve des livres rares, RES-YE-301)

 
 

Ce qui m'amène aujourd'hui à écrire ce billet , c'est d'avoir découvert, dans une revue historique, l'existence du capitaine Mauclou (ou Maclou), surnommé le roi Guillot. 

Avant d'évoquer ce personnage, quelques mots sur François 1er, son amour des arts - il est surnommé "le prince de la Renaissance" - et son esprit guerrier.

Très proche de la Renaissance italienne, il fait venir en France des oeuvres majeures de peintres, tels que Michel-Ange*, Titien* ou Raphaël.
Il fait venir Léonard de Vinci* à Amboise qui amènera dans ses bagages des toiles aussi célèbres que "la Joconde" ou "la Vierge, l'enfant jésus et Sainte Anne". De Vinci meurt en 1519 à Amboise. Une légende affirmera qu'il est mort dans les bras du roi de France. Nous savons aujourd'hui que cette légende a été inventée de toutes pièces pour ajouter à la gloire de François 1er.

Mais s'il a été un protecteur des arts, il a été aussi un roi guerrier. 

Sans rentrer dans les détails, la péninsule italienne est divisée en une multitude de royaumes, duchés, principautés et même une République: Venise.

la péninsule italienne en 1494

Le royaume de Naples était la propriété de la famille d'Anjou, la branche cadette des Capétiens. À la mort du roi René d'Anjou* en 1480, ce royaume devait revenir à la France.

Portrait du roi René par Nicolas Froment,
détail du Diptyque des Matheron (1474),
Paris, musée du Louvre.

Mais pour différentes raisons politiques, Naples ne tombe pas dans l'escarcelle des Français. Et donc, à partir de 1494, commencent ce qu'on a alors appelées les guerres d'Italie, onze guerres qui dureront jusqu'en 1559, avec des interruptions plus ou moins longues, entre un et six ans.

François 1er va continuer les politiques militaires de Louis XII et batailler sur les terres italiennes. S'il est vainqueur à Marignan en 1515, il est fait prisonnier lors de la bataille de Pavie en février 1525. 

Le traité de Cateau-Cambrésis* signé les 2 et 3 avril 1559 entre la France d'une part et l'Espagne et le Saint Empire Germanique* d'autre part, marque la fin définitive des guerres d'Italie.
Pour faire court, la France n'a rien vraiment gagné en termes de territoires. Elle a surtout perdu de l'influence politique par rapport à l'Espagne des Habsbourg*. Sans compter une profonde désorganisation politique et militaire pendant ces conflits.

un lansquenet (gravure danoise
)

À cette époque, il n'existait pas vraiment d'armée française, organisée en tant que telle. Tous les souverains européens embauchaient de façon provisoire des mercenaires appelés des lansquenets*, souvent des Suisses ou allemands. Le conflit terminé, ils étaient licenciés et laissés libres de leurs mouvements.
De plus, faute de trésorerie suffisante, leurs employeurs ne les payaient pas toujours. Ou alors, loin des sommes convenues.

 

Livrées à elles-mêmes, les troupes de mercenaires se répandent dans les campagnes: pillages, massacres, destructions sont le lot quotidien des villageois et même des citadins. Car si ces troupes opèrent par petits groupes, elles s'organisent parfois comme de véritables armées de plusieurs milliers d'hommes.

On les appelle alors "les mauvais garçons". À cette époque, les serviteurs et valets qui suivaient  les chevaliers étaient appelés "les garçons". Les cris de guerre de ces mauvais garçons étaient "vive Bourgogne! À sac, à sac."
Ils sévissent dans un grand quart nord est de la France. Le chroniqueur Jean Bouchet dénombre jusqu'à 7 000  hommes dans le Bourbonnais et le Berry. Rien ni personne ne semble pouvoir les arrêter.
Il y a "la compagnie des barbets", "la compagnie des mattes"," la compagnie des meurtriers"."La compagnie des mauvais garçons" s'installa au coeur de Paris: chacun de ses membres se louant au plus offrant: "
« aussi fidèle à un serment d'assassinat qu'à un vœu fait à Notre-Dame."(2)




Jean-Marc Moriceau*, historien  et professeur à l'université de Caen-Normandie, écrit dans la revue "l'Histoire" de décembre 2020: "en 1523, la "trahison" du connétable Charles III de Bourbon*, le chef des armées, crée une vacance dans le commandement qui permet à un nobliau auvergnat de mener une aventure de tout autre ampleur. (...) Ce retrait (de Bourbon) permet courant juillet l'émergence d'un personnage venu de nulle part: le capitaine Mauclou ou Maclou, qui va s'imposer comme un chef de bande diabolique sous le nom de "roi Guillot". (...) Un vassal du duc de Bourbon. "(1)

Charles III de Bourbon. Tableau de Bernard Gaillot. Conservé au château de Versailles.

 

À la tête d'une troupe de 2 à 3 000 hommes, il ravage l'Auvergne, le Bourbonnais et même le Limousin. Il avait mis en place une véritable organisation militaire, avec des grades et des fonctions précises, telles que général ou chancelier.
Guillot taxe les notables et fait abattre les symboles de l'autorité judiciaire. Il ne recule devant personne et fait assassiner les représentants du roi, comme le note le professeur Moriceau: "Dans le Poitou, le prévôt des maréchaux Chasteau-Rocher qui voulait "doucement remontrer que le roi n'était content de ce qu'ils faisaient", est capturé et dénudé. Les assaillants lui coupent le nez et le membre viril avant de s'acharner sur sa dépouille." (1)

Un chroniqueur de cette époque, Nicolas Versoris*, affirma que Guillot-Mauclou "avait usurpé le nom du roi (...) et qu'il voulait jeter et chasser le roi de France de son royaume."
Ce fait n'est pas avéré, mais il révèle l'état d'esprit engendré par la peur que suscitait ces bandes armées incontrôlables.
 Le 10 mai 1523, le roi Guillot est fait prisonnier. Avec son serviteur qu'il appelait son "fourrier", il est conduit à Paris sur l'ordre de François 1er. Au Palais de Justice, les deux mains lui sont coupées, avant d'avoir la tête tranchée sur l'échafaud dressé devant l'hôtel de ville. Puis son cadavre est découpé en quatre morceaux, chacun étant exposé aux portes principales de la ville.

Pour autant, mercenaires et autres reitres continueront, entre chaque guerre de piller et de massacrer. Pour faire face, les communes s'organisent pour résister.

.

Gravure montrant Chartres au XVIIe siècle

Ainsi,  dans certaines villes et particulièrement dans la capitale et à Chartres, des combats opposèrent les citadins aux diverses compagnies de mauvais garçons. Beaucoup de ces derniers furent tués dans les batailles ou pendus sans autre forme de procès.
Cela ne découragea pas les autres bandes qui continuèrent leurs forfaits dans différentes régions de France.

Il faudra attendre le règne de Louis XIV et la réorganisation des armées mise en oeuvre par Louvois* au XVIIème siècle pour que, progressivement, les bandes armées organisées disparaissent.

 

(1) in la revue "l'Histoire", n° 478, décembre 2020, pages 62 à 66.
(2) in
Victor Boreau. La Renaudie ou la conjuration d'Amboise : chroniques de 1560, volume 1. Hivert, 1834


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dimanche 7 mars 2021

"The rockett" (la fusée): le premier train à vapeur

  Prendre le train aujourd'hui est quelque chose de banal. TGV, TER, Intercités nous permettent des déplacements d'une région à une autre aussi facilement que de remplir un verre d'eau au robinet. Enfin, presque, car il peut y avoir des impondérables de toutes sortes. 

Je voudrais, dans ce billet, revenir aux origines, à ce premier véhicule sur rails, propulsé par une machine à vapeur: "the Rockett" ou, en bon français: "la fusée."

Avant d'aller plus en avant, il n'est pas inutile de revenir sur l'origine et les débuts de la machine à vapeur.

le digesteur

Tout débute, ou presque, avec l'invention de Denis Papin* à Londres en 1679: "le digesteur"*, une sorte d'auto cuiseur. 

 

 

 

 

le cylindre-piston à vapeur

En 1690, Papin met au point le premier cylindre-piston à vapeur.

 

Pour résumer, Papin a mis au point deux inventions: le digesteur et le cylindre-piston à vapeur qui seront l'un et l'autre à l'origine de la machine à vapeur.


 

 

 En 1712, le britannique Thomas Newcommen* va améliorer les inventions de Papin et mettre au point deux machines fonctionnant réellement à la vapeur. 

Mais c'est James Watt* qui, en 1765, va véritablement mettre au point le moteur à vapeur.

la machine de Watt

En 1804, l'ingénieur Britannique
Richard Trevithick* va avoir l'idée de génie de mettre ce moteur à vapeur sur un chariot, circulant sur des rails.

 


Suite à un concours lancé par les autorités locales des Midlands, l'ingénieur Stephenson est déclaré vainqueur sur sa machine, "la Rockett": il s'agissait de faire rouler un engin de moins de six tonnes à la vitesse de 16 km/h!!! Quelques années plus tard, le même modèle, mais amélioré, roulera à 56 km/h en tirant une charge de 56 tonnes.

la "Rockett" au Science Museum de Londres

 Le 15 septembre 1830, la première ligne commerciale est inaugurée entre Liverpool et Manchester, avec des locomotives de Georges Stephenson.

En France, une première voie ferrée a été ouverte en 1827 sur 18 kilomètres entre saint Étienne et Andrezieux pour le transport de marchandises, puis en 1835, entre Lyon et Saint Étienne, sur 56 kms, toujours pour le transport de marchandises. 

Le 7 décembre 1835, c'est au nord de la Bavière qu'est mise en service sur six kms la première ligne ferroviaire pour le transport des voyageurs:7 voitures couvertes de 16 places tirées par une locomotive de Stephenson, baptisée "der Adler." (l'Aigle)

la ligne Paris Saint Germain( viaduc de Meudon)

Le 24 août 1837, la reine Marie-Amélie, épouse de Louis-Philippe, inaugure la ligne dédiée au transport des voyageurs Paris - Le Pecq, longue de 18 kms.

Si les chemins de fer ont très vite été adoptés, tant par les entreprises que par les particuliers, il n'en reste pas moins qu'ils ont eu des adversaires résolus.
Ainsi,  Pierre Proudhon*, qui dénonçait "
les plates-formes roulantes où les voyageurs, entassés comme des porcs, devaient regretter les diligences." Ou  Adolphe Thiers* qui jugeait le chemin de fer tout juste" à remplacer les coucous dans la banlieue ". (1)
Sans oublier François Arago*:
J'affirme sans hésiter que les personnes sujettes à la transpiration seront incommodées à la traversée des tunnels. Elles y gagneront des fluxions de poitrine, des pleurésies et des catarrhes, si toutefois elles échappent aux catastrophes résultant de l'explosion des locomotives.(...) " Nous verrons si nos généraux ne décideront pas en définitive que les transports en wagon auraient pour résultat d'efféminer les troupes et de leur faire perdre cette faculté des grandes marches qui a joué un rôle si important dans les triomphes de nos armées."(1)

la catastrophe ferroviaire de 1842 Meudon

Le 11 juin 1842, la première catastrophe ferroviaire causa la mort de 55 personnes, dont le navigateur Jules Dumont d'Urville, sans que cela ne ralentisse la progression de ce nouveau moyen de locomotion. 

Le développement du chemin de fer a indubitablement transformé la vie de tout un chacun. Individuellement et collectivement.

 
Je me souviens avoir étudié à l'IEP une monographie qui traitait d'un département: Charente? Vienne? Haute Vienne? Je ne m'en souviens pas. Toujours est-il qu'un chef lieu de canton, essentiellement agricole, était pris comme référence.


L'essor du ferroviaire et la loi Duruy* de 1867 vont puissamment aider à la mobilité au sein du département.

Un exemple, même s'il ne faut pas le généraliser: le journalier devenu paysan a envoyé son fils à l'école, lequel fils a eu son certificat. Avec le train, il a pu aller facilement au lycée dans le chef lieu du département, passer les baccalauréats avec succès et réussir le concours de l'École Normale d'Instituteurs ou celui d'une administration quelconque ou encore être embauché dans une entreprise grâce à ses diplômes. 

Ce que montre cette monographie, c'est que sans le train, il aurait été plus compliqué pour le fils d'un agriculteur de pouvoir passer examens et concours, faute de pouvoir se déplacer rapidement et facilement. C'est valable pour l'ascenseur social, mais aussi pour le désenclavement économique et culturel des départements les plus éloignés des grandes villes. 

Les deux cartes ci-après parlent d'elles mêmes.

le réseau ferroviaire en 1850


le réseau ferroviaire en 1870

 

Denis Papin, James Watt, Richard Trevitchik et bien d'autres n'imaginaient sans doute pas que leurs inventions respectives rouleraient un jour à plus de 400 km/h... Quoique, quoique...

 

 

(1) in journal Le Monde du 18 juin 1954: "Proudhon, Adolphe Thiers et François Arago furent de redoutables adversaires du rail."

 

 


 

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Soixante ans..... Déja!!!!

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