dimanche 27 septembre 2020

25 septembre 1911: explosion du cuirassé Liberté



 Le 25 septembre 1911, le cuirassé Liberté explosait en rade de Toulon. Pas moins de 500 victimes, des dégâts considérables et un traumatisme certain pour la Marine française. D'autant que quatre ans plus tôt, le 12 mars 1907, sur un bâtiment similaire, le Iéna*, une explosion moins importante mais de la même origine, causait la mort de 118 marins. Sans compter une explosion survenue sur le cuirassé Gloire le 20 septembre 1911 où 9 marins perdirent la vie.

Précisons qu'entre 1893 et 1911, de nombreux incidents de ce type eurent lieu sur d'autres bâtiments de moindre tonnage: Sully, Amiral Duperré, Vauban, Forbin, Charlemagne et bien d'autres.

D'autres explosions eurent lieu également dans des poudrières, à Tunis, Angoulème, Nice et surtout Lagoubran (quartier de la pyrotechnie de Toulon) qui fit 80 morts le 6 mars 1899. 

Toutes les enquêtes convergèrent sur l'origine de ces catastrophes: "la poudre B*". Cette poudre, à la différence des autres, ne produisait pas de fumée, ce qui était un avantage dans la mesure où elle n'encrassait les armes que très peu, qu'elle réduisait des deux tiers le chargement des munitions et, enfin, ne générant plus de fumée, elle rend plus difficile le repérage de la zone d'où proviennent les tirs.
Mais elle est fabriquée à base de nitrocellulose*, laquelle, "comme chacun sait", est un explosif fulminant dégageant de grandes quantités de gaz et de chaleur lors de sa combustion.

Sur le Liberté, il y avait un stock de plusieurs tonnes de cette poudre entreposées à l'avant du navire depuis douze ans!!! Malgré les avis d'ingénieurs qui soulignaient les dangers d'un tel stockage, l'état major de la Marine faisait la sourde oreille.

Peu après "le branle - bas" de 05h30, trois explosions secouent le navire. 

Le feu avait pris dans la soute avant tribord, dans les soutes à

gargousses* pour les pièces de 194m/m.
Les tentatives désespérées des marins pour noyer les soutes échouèrent les unes après les autres.
Des flammes de plus en plus hautes s'échappaient de l'avant rendant impossible la respiration des équipages qui tentaient l'impossible.
 

Des dizaines d'embarcations arrivaient de toutes part pour aider les marins du cuirassé.


L'officier de quart fait sonner "le poste d'abandon, mais à 05h53 précises, une déflagration gigantesque déchire le Liberté. Des centaines d'obus explosent simultanément. Des plaques d'acier, des tourelles sont projetées sur les bâtiments proches, faisant des dizaines de victimes.
Les embarcations venues à la rescousse furent détruites par le souffle de l'explosion. Des immeubles avaient été endommagés par ce même souffle.

 




Les victimes eurent droit à des funérailles nationales à Toulon, en présence du Président de la République, Mr Armand Fallières, de membres du gouvernement, du Parlement et des plus hautes autorités militaires. 



Le Liberté était une grosse "baille", pour reprendre l'expression argotique de la Marine: un équipage de 779 hommes; 15 000 tonnes; 134 mètres de long; un maitre beau (largeur) de 24 mètres pour un tirant d'eau de 8,40 m et une vitesse de 20 noeuds. Un rayon d'action de 8 400 miles à 10 noeuds nécessitant 1 850 tonnes de charbon. Deux tourelles de deux canons de 305 m/m, dix de 194 et d'autres de moindre calibre.
La cuirasse à elle seule pèse 5 000 tonnes avec une épaisseur de 28 cm à  hauteur de la ligne de flottaison.

Il était de la classe dite des "pré -  dreadnought", en référence aux bâtiments de guerre d'une nouvelle génération mise au point par les britanniques: artillerie principale d'un seul - gros - calibre, propulsion par une turbine à vapeur. 


le HMS Dreadnought, premier bâtiment de ce type

La "Royal Navy" a toujours été dominante sur toutes les mers et océans du globe: il lui fallait sécuriser les accès à ses nombreuses colonies à travers le monde. D'où la mise sur cale de ces énormes navires. 

 

L'Allemagne, bien que n'ayant peu de colonies, s'engagea dans une course contre la suprématie britannique. L'empereur Guillaume II déclara en 1911 que "la Kaiserliche Marine assurera à l'Allemagne une place au soleil. » En 1914, elle possédait treize dreadnoughts mais ne put en aligner que six.

En 1910, la Marine française, si elle était moins puissante que les Marines britanniques et allemande, alignait néanmoins pas mois de dix huit pré-dreadnoughts, dont le Liberté, et en 1914, six dreadnoughts.

Le Liberté faisait partie d'une série dont les autres bâtiments étaient le Démocratie, le Justice et le Vérité. 

Il fallait à cette époque affirmer les valeurs de la République...

 

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mardi 22 septembre 2020

Louise de Bettignies

 
Louise de Brettignies (famille de Brettignies)

Qui connait Louise de Brettignies? À dire vrai, peu de gens en ont même entendu parler. Pourtant, elle s'est engagée très vite dans la résistance à l'occupation allemande de Lille dès le début de la première Guerre Mondiale. Elle a espionné les troupes occupantes et dirigé un réseau d'espionnage. Ce faisant, elle est devenue une espionne. 
 
C'est l'objet de mon billet d'aujourd'hui.
 
Comment définir l'espionnage et celles et ceux qui le pratiquent?
"Personne  rétribuée appartenant à une police secrète non officielle... Espion et espionne, dans le contexte des guerres de 1870, 1914-1918, 1939-1945, avaient acquis des connotations négatives très fortes. (1)
 
Les espions ne sont pas reconnus comme des combattants. Quand ils sont capturés, ils ont droit, parfois, à un procès, mais le plus souvent un procès à charge et ils sont rarement acquittés, le plus souvent fusillés ou pendus. 
 
L'espionnage a toujours fait partie des relations internationales: espionnage scientifique, industriel, politique, militaire.

Timbre-poste en hommage
à Kim Philby, émis en 1990.
Certains espions sont connus, tels Kim Philby*, Anthony Blunt*, Guy Burgess*, trois des membres des "5 de Cambridge"*.
Mais aussi Günther Guillaume*, espion de la Stasi qui fit "tomber" le chanchelier Willy Brandt. Ou Richard Sorge*, ou Elie Cohen*. Et Ian Flemming, le "père" de James Bond. Sans oublier Vladimir Poutine qi a "opéré" en "mission" en RDA de 1985 à 1990.


La liste est longue de tous ces hommes qui ont espionné pour le compte de leur pays ou au profit de puissances étrangères, le plus souvent "ennemies".

S'il y a eu des hommes, il y a eu bien évidemment des femmes. 
 
La plus connue, chez nous est sans doute Mata Hari*. Certains historiens s'interrogent sur sa culpabilité.

Une autre française, Violette Morris*, et une britannique parmi tant d'autres, Odette Sansom*.




Louise Marie Henriette Jeanne de Brettignies nait à Saint Amand les Eaux le 16 juillet 1880 au sein d'une famille avec un nom à particule, mais peu fortunée.
 
En 1898, elle suit des études en Angleterre dans des établissements tenus par des Ursulines, puis à Oxford.
 
Elle sera par la suite préceptrice au sein d'une famille italienne à Milan et voyagera en Autriche et en Allemagne où elle sera en contact avec des membres de familles autrichiennes et  bavaroises. Elle est parfaitement trilingue: anglais, allemand et italien.

Dès octobre 1914, Lille, où se trouve Louise, est encerclée par les troupes allemandes. Elle a été recrutée comme infirmière par Germaine Féron-Vrau, responsable locale de la la Ligue Patriotique des Françaises.
 
Dès que Lille est occupée, Louise va s'impliquer aussitôt dans un réseau d'espionnage sous le nom Alice Dubois.

Dans un premier temps, elle va passer plus de trois cents lettres en Belgique, lettres confiées par l'évèque de Lille, Mgr Charost*.
 
Après un stage à Folkestone pour s'initier aux fondamentaux de l'espionnage, elle prend la tête d'un réseau d'espionnage pour le compte de l'armée britannique.
 
Ce réseau, le "réseau Alice", compte une centaine de personnes qui notent les déplacements des troupes allemandes, leurs armements.
 
Grace à ces renseignements, alors qu'il se déplaçait sur le font nord dans le plus grand secret, le train du kaiser Guillaume sera attaqué par l'aviation britannique, sans toutefois atteindre le train impérial.
 
Le réseau fait passer des soldats alliés vers les Pays Bas, prend des photos des tranchées allemandes.
 
Louise fait passer un document qui prévoit une attaque massive sur Verdun au commandement français qui n'en tient aucun compte. Une erreur d'appréciation et d'anticipation qui coûtera très cher aux troupes françaises.
 
Le 20 octobre 1915, Louise se rend à Bruxelles, mais à la gare de Froyennes, elle est arrêtée par des soldats allemands. Ils découvrent sur elle un document compromettant. Au cours de son arrestation, elle reçoit un violent coup de crosse à la poitrine.
Elle est jugée à Bruxelles par les autorités allemandes et condamnée à mort le 16 mars 1916. 

la tombe de Louise de Brettignies à Saint Amand les Eaux
la tombe de Louise de Brettignies à St Amand les eaux

La peine est commuée en travaux forcés à perpétuité. Mais elle meurt le 27 septembre 1918 des suites d'une opération chirurgicale due à un abcès  pleural causé sans aucun doute par ses conditions de détention particulièrement rudes. 

Elle sera décorée, à titre posthume, en 1920, de la Légion d'honneur, de la Croix de guerre avec palme et faite Officier de l'ordre de l'Empire britannique. Elle repose au cimetière de Saint-Amand-les-Eaux.
 
Après la guerre, un historien local affirme que les services secrets allemands auraient bénéficier d'informations venant des services britanniques pour détourner leur attention d'une opération en cours. En effet, les services britanniques étant très cloisonnés, il est surprenant que les arrestations des membres du réseau aient commencé dès la fin juillet 1915.
 
Reculant devant les protestations internationales, seuls, certains membres du réseau, Philippe Baucq* et Edith Cavell*     seront fusillés le 11 octobre 1915. Le reste du réseau, dont Louise, verra leur peine commuée en travaux forcés. 
 
monument en hommage à Louise de Brettignies à Lille


Louise de Brettignies fait partie de l'immense cohorte des anonymes qui ont fait de l'espionnage sans vraiment le savoir, mais qui, considérés comme des espions, ont payé de leur vie leur engagement patriotiqu
e.

timbre commémoratif édité par La Poste en 2018




 
(1) in "le Robert, dictionnaire historique de la langue française", sous la direction de Alain Rey, éditions Dictionnaires Le Robert, 3 ème édition janvier 2000, page 779. 
 
 
 
 

 
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Soixante ans..... Déja!!!!

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