Le 22 juin 1940, un armistice a été signé entre la France du maréchal Pétain et l'Allemagne du chancelier Hitler dans la clairière de Rethondes, dans un wagon où fut signé la capitulation de l'empire allemand le novembre 1918.
Les plénipotentiaires alliés devant le waggon de Réthondes. |
Cet armistice met fin aux combats entre les deux armées après la guerre éclair, le "blitzkrieg*", lancée le 22 mai 1940 par les troupes allemandes, en particulier les blindés du général Gudérian et la Luftwaffe.
Ce même jour, les Pays Bas, la Belgique et le Luxembourg sont envahis malgré leurs efforts pour rester neutres.
Il suffira à la Wermacht de contourner la ligne Maginot pour enfoncer les lignes françaises.
Même si la victoire allemande a alors semblé rapide, il n'en reste pas moins qu'elle n'a pas été aussi facile que l'affirmait la propagande nazie. En effet, en cinq semaines, sur les différents fronts, la Lutfwaffe a perdu 1300 avions, soit le tiers de son parc aérien et 64000 soldats de la Wermacht.
le wagon sorti de son batiment par les troupes allemandes |
Ce wagon a donc une histoire particulière et c'est l'objet de mon billet d'aujourd'hui.
À l'origine, en 1913, ce wagon, en bois monté sur un chassis en acier, était destiné à être un wagon restaurant.
Jusqu'en 1918, il dessert plusieurs lignes à partir des gares Montparnasse et Saint Lazare.
Il a été ensuite réquisitionné pour devenir un wagon salon - bureau et, le 29 octobre 1918, mis à la disposition du maréchal Foch. Il sera amené dans la forêt de Compiègne, puis dans la clairière de Rethondes, située sur la commune de Compiègne.
Il est intéressant de noter que si la clairière où eut lieu la signature s'est appelée par la suite "clairière de Rethondes", et non de Compiègne, c'est parce qu'elle était très proche de la gare de Rethondes.
La clairière était équipée de deux épis ferroviaires, reliés à la ligne de Compiègne et qui servaient à l'acheminement des pièces d'artillerie lourde pour les tirs de très longues portées vers les lignes allemandes.
Rethondes se trouvant près du quartier général allié, elle fut donc choisie par Foch.
Le wagon faisait partie d'un convoi de 10, tout comme d'ailleurs le train allemand qui amènera les représentants de l'empereur Guillaume.
Outre le maréchal Foch, les amiraux britanniques Wemyss et Hope, le général Weygand composaient la délégation alliée.
Le ministre d'Etat Erzberger, le général von Winterfeld, A. von Obemdorff représentant les affaires étrangères et le capitaine de vaisseau Vanselow composaient la délégation allemande.
Deux interprètes, l'un français, l'autre allemand assistaient leurs délégation respective.
C'est le général Weygand*, adjoint de Foch, qui a lu les conditions de l'armistice aux quatre plénipotentiaires allemand.
Le 11 novembre 1918, entre 05h12 et 05h20, l'armistice est signé avec application à 11h00 le même jour.
Ainsi prend fin une abominable boucherie que personne n'a pu ou voulu empêcher et dont Paul Valéry* écrivit en 1919: Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. »
Par respect des négociateurs allemands, le maréchal Foch avait interdit que des photos soient prises. Les quelques clichés de cet instant historique sont ceux d'un cheminot qui a bravé l'interdiction.
Le wagon va alors devenir un des symboles d'une victoire chèrement acquise pour les français.
Pourtant, dans un premier temps, il est remis à la compagnie propriétaire qui le réaffecte à une ligne régulière.
À la demande de Georges Clemenceau, encore Président du Conseil, qui envisage de l'installer aux Invalides, la compagnie en fait don à l'État le 1er octobre 1919.
Affecté à la présidence de la République, il emmène le président Alexandre Millerand à Verdun le 8 décembre 1920.
le wagon aux Invalides en 1922 (crédit photo Association wagon de l'armistice) |
Il sera ensuite installé dans la cour d'honneur des Invalides où il restera jusqu'au 8 avril 1927, date à laquelle il retournera dans la clairière.
Un batiment y a été construit pour l'abriter et permettre aux visiteurs de le découvrir.
Au centre de la clairière, sur une grande dalle, a été inscrite l'inscription: "Ici, le 11 novembre 1918, succomba le criminel orgueil de l'empire allemand vaincu par les peuples libres qu'il prétendait asservir."
Vingt deux ans plus tard, par la voix du vainqueur de Verdun, le maréchal de France Philippe Pétain, la France demandait l'arrêt des combats et la signature d'un armistice, avant que ce même Pétain n'engage avec le pouvoir nazi une politique active de collaboration.
Hitler, autant pour tenter d'effacer la défaite de 1918 que pour humilier la France, exigera que l'armistice soit signée au même endroit et dans le même wagon où fut actée la capitulation allemande.
Hitler, la main sur le côté, devant la statue de Foch |
Le 21 juin 1940, avec ses généraux, il se rend dans la clairière et s'arrête devant la statue imposante du maréchal Foch, érigée en 1937.
le wagon à Berlin (crédit photo Association wagon de l'armistice) |
En 1945, le wagon sera détruit sur ordre d'Hitler pour certains historiens ou suite à un incendie accidentel pour ceux du Mémorial.
le wagon reconstruit (crédit photo Camille Boutet Oie tourisme) |
En 1950, un wagon sera construit, exactement du même modèle et installé dans un bâtiment identique au précédent, dans la clairière de Rethondes, elle aussi remise en état.
L'intérieur du wagon sera aménagé avec les meubles et les objets d'origine que le conservateur du musée avait, en 1940, sauvés du pillage.
La dalle sacrée sera elle aussi reconstruite et le monument aux Alsaciens Lorrains rapatrié.
La clairière, devenue un lieu de mémoire, accueille chaque année plusieurs milliers de visiteurs.
Chacun, plus ou moins, connait l'existence de ce wagon, son histoire, sa symbolique.
Dans son remarquable ouvrage, "l'Europe en enfer", Ian Kershaw écrit en conclusion de sa préface: "C'est l'époque où l'Europe a livré deux guerres mondiales, menacé les fondements mêmes de la civilisation et paru acharnée à se détruire." (1)
Le wagon de Rethondes nous rappelle, en filigrane, que par deux fois, l'Europe est allée au fin fond de la folie.
* clic sur le lien
(1) in "l'Europe en enfer" de ian Kershaw, éditions du Seuil, 2016, page 22
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