dimanche 25 septembre 2022

Le pourquoi du comment des gens: Anna COLEMAN LADD

 

Anna COLEMAN LADD          

Bien peu de gens connaissent cette femme née en 1878 à Philadelphie.  Et pourtant, en 1917 et 1918, elle a joué un rôle majeur pour aider ceux alors surnommés "les gueules cassées." 

Sculptrice, elle a fait ses études à Paris et à Rome.





Le 6 avril 1917, les États Unis déclarent la guerre à l'Allemagne et dès juin, les premières troupes américaines commandées par le général Pershing* arrivent à Boulogne sur Mer. 
 
Général Pershing: "Lafayette, nous voilà"

 

Il n'est pas inutile de préciser qu'à la fin de la guerre, près de 1 800 000 soldats américains étaient arrivés en France.

117 000 d'entre eux  furent tués et 204 000 blessés.

 

 

 

 

Anna Coleman Ladd rejoint son mari, médecin, à Paris dès le début de l'intervention américaine.

Un sculpteur, Francis Derwent Wood*, fabrique des masques pour les soldats britanniques blessés au visage.

Anna va s'inspirer de ses travaux. Avec l'aide de la Croix Rouge, elle ouvre un atelier et confectionne des masques pour les soldats français.

Pour mieux façonner le masque qui correspond au soldat blessé, elle fait en sorte de mieux connaitre sa famille, son métier, la région où il habite. Elle tisse des liens entre elle et ceux qui lui sont adressés, des hommes complètement défigurés, souvent rejetés par la société. En effet, ces blessures sont particulièrement atroces et la plupart du temps inopérables.
Son studio est un cadre chaleureux et accueillant, il est fleuri et décoré, de façon à ce que le blessé s'y sente le mieux possible. Car non seulement, elle veut leur donner un "nouveau" visage, mais elle veut aussi leur redonner une dignité.

Dans un article publié après la guerre par le Washington Post, on pouvait lire: "

« Un homme qui était venu nous voir avait été blessé deux ans auparavant et n’était jamais rentré à la maison », selon un rapport du studio d’Anna Coleman Ladd, datant de 1919. « Il ne voulait pas que sa mère voit à quel point il était en mauvais état.
De tout son visage, il ne restait qu’un seul œil, et après 50 opérations… il est venu à nous », dit le rapport. « Les gens s’habituent à voir des hommes avec les bras et les jambes manquants, mais ils ne s’habituent jamais à un visage anormal. »



 

"les joueurs de skat" de Otto DIX (1920)

À partir de ces études, elle va confectionner des masques adaptés à chaque soldat qu'elle soigne.

Comme la grande totalité des blessés ne possède pas de photos prises avant la blessure, elle fait d'abord un moule du visage tel qu'il est, puis elle remplit les parties manquantes et galvanisait le résultat dans le cuivre.
Avec l'aide du soldat, elle va petit à petit confectionner le masque définitif qui cachera la blessure et redonnera au soldat un visage supportable, et par l'intéressé et par la famille et la société.

Quand le soldat dit "c'est moi", Anna estime travail terminé.


 







La guerre terminée, la Croix Rouge ne sera plus en mesure de financer le studio de Anna qui retourne aux États Unis où elle continuera son activité de sculptrice.

Avec ses quatre collaborateurs, elle confectionnera plus de deux cents masques et donc redonnera une dignité aux soldats mutilés en plus d'une vie normale auprès de leur famille et dans la société. 

Elle sera faite chevalier de la Légion d'Honneur par le gouvernement français. C'était bien le moins pour cette femme exceptionnelle et généreuse.

Le philosophe et anthropologue  François Flahault écrit en 2003 dans les Cahiers de la médiologie:

"Lorsque nous marchons dans la rue, lorsque nous prenons le bus ou le métro, voyant les autres, nous éprouvons spontanément leur présence comme présence humaine. Cette évidence, je l’ai rappelé, est essentiellement due au fait qu’ils ont un visage. Un visage, c’est-à-dire non seulement une face qui présente deux yeux, un nez, une bouche, mais une face que nous percevons comme singulière, chacune distincte de celles qui l’entourent ; et une face manifestant des expressions, c’est-à-dire témoignant d’une attitude, d’une manière d’être, d’un sentiment, d’une intention – de ces états que l’on attribue à une personne. »

Après être passés par le studio de Anna Coleman Ladd, nul doute que ces grands blessés, ces gueules cassées étaient de nouveau une personne. 

ANNA COLEMAN LADD

 




dimanche 4 septembre 2022

Le pourquoi du comment des choses: "le 4 septembre 1870, proclamation de la République"

Léon GAMBETTA (1838 - 1882)

 

Voilà 152 ans, jour pour jour, le dimanche 4 septembre 1870, Léon GAMBETTA*, le Grand GAMBETTA, proclamait la République depuis le balcon de l'Hôtel de Ville de Paris.

 

Les membres du Gouvernement de la Défense Nationale

 

Réunis au Palais Bourbon, les députés du Corps Législatifs* annoncent par la bouche de Jules Favre*: "
« Louis-Napoléon Bonaparte et sa dynastie sont déclarés déchus du pouvoir. Il sera nommé par le Corps législatif une commission [...] investie de tous les pouvoirs du gouvernement et qui aura pour mission expresse de résister à outrance à l'invasion et de chasser l'ennemi du territoire."

La République avait déjà été proclamée deux fois:

  • la première le 22 septembre 1792, après la victoire de Valmy sur les troupes prussiennes: c'est l'AN I de la République.
    Le Consulat, issu du coup d'état du 18 Brumaire AN VIII (9 novembre 1799) se termine le 18 mai 1804 par la proclamation de l'Empire et donc la fin de la 1ère République.
  • la seconde le 24 février 1848 proclamée par le Gouvernement Provisoire après la Révolution de 1848 qui a renversé la monarchie de Juillet.
    Elle se termine par le coup d'état de Louis Napoléon Bonaparte le 2 décembre 1851.
 Les deux premières Républiques, issues des Révolutions qui ont renversé deux monarchies, ont été renversées par deux hommes, l'oncle et le neveu, le premier a décimé une bonne partie de la jeunesse européenne et amené les Cosaques sur les Champs Élysées. 
 
Le second, après la lamentable expédition mexicaine, est tombé dans le piège grossier tendu par Bismark et amené les Ulhans sur ces mêmes Champs Élysées. 
 
Avec les conséquences que l'on sait.
 
Pas vraiment de quoi pavoiser!!!
 
Léon Gambetta, en demandant la déchéance de Napoléon III, a été l'homme clé dans le rétablissement de la République.

 
 
 
Vous aurez compris la profonde admiration que j'ai pour cette homme exceptionnel, promoteur et défenseur, entre autres, de l'école Républicaine. 

Le discours qu'il prononce le 16 novembre 1871 devant les députés annonce ce que Jules Ferry et Émile Combes mettront en place: l'école laïque, gratuite et obligatoire pour le premier; la séparation des Églises et de l'État pour le second:

 
« Dans le programme républicain, comme première réforme, j’ai toujours placé l’enseignement du peuple : mais cet enseignement a besoin d’être, avant tout, imbu de l’esprit moderne civil, et maintenu conforme aux lois et aux droits de notre société.

Là-dessus je voudrais vous dire toute ma pensée. Eh bien ! Je désire de toute la puissance de mon âme qu’on sépare non seulement les Églises de l’État, mais qu’on sépare les écoles de l’Église.

Messieurs, ma conviction est qu’il n’y a rien de plus respectable dans la personne humaine que la liberté de conscience, et je considère que c’est à la fois le plus odieux et le plus impuissant des attentats que d’opprimer les consciences. Non, je ne suis pas hostile à la religion : c’est même pour cela que je demande la séparation de l’Église et des écoles.
" (1)
 
On ne saurait mieux dire...
 

 


(1) in "Fondation Jean Jaurès": "redécouvir la fonction politique avec Gambetta", par Paul KLOTZ. (https://www.jean-jaures.org/publication/redecouvrir-la-fonction-du-politique-avec-gambetta/)

 

Soixante ans..... Déja!!!!

 Soixante ans..... Déjà!!!!!