pour ce dernier exercice de l'année, j'ai choisi un auteur qui aime la vie, les bons mots, la bonne chère et les bons vins. C'est très facile, trop, sans doute. Mais bon, je ne veux pas vous embrumer la tête, mais vous laisser toute votre lucidité pour finir l'année en beauté et commencer la nouvelle dans une forme olympique. Le nom de cet auteur et le titre de son bouquin: réponses l'année prochaine....
En 1981, je fus invité par Maurice Denuzières à Meursault où il allait recevoir le prix de la Paulée. Je descendis en voiture avec son éditeur, Jean-Claude Lattès, valeureux propriétaire de 20 hectares de côtes du Lubéron, aujourd'hui un ami de plus de quarante ans.
A l'entrée de Meursault, un gendarme me fit signe d'arrêter ma SM. Inquiet - quelle faute de conduite avais-je donc commise? -, je la rangeai le long du trottoir et baissai la vitre.
- bonjour, monsieur, me dit la pandore, l'air sévère. Vous ne pouvez pas aller plus loin comme ça..
- comment, comme ça?
- vous avez vu ce qu'il y a sur la plage arrière de votre voiture?
Je me retournai.
- une bouteille d'eau minérale!
- l'eau est interdite à Meursault pendant la Paulée, déclara le gendarme, mi-sérieux, mi-amusé. Attendez moi quelques instants...
Il revint avec une bouteille de vin. Il la mit à la place de la bouteille d'eau qu'il confisqua...
Par les temps qui courent, on n'imagine plus un gendarme oser une telle plaisanterie, un tel geste, même en Bourgogne. La vue d'une bouteille d'eau dans une voiture peut, au contraire, valoir au conducteur les félicitations de la Gendarmerie et une décoration sur-le-champ dans l'Ordre national du Mérite. Pendant des siècles, il était convenu que tout buveur d'eau n'aimait pas le vin et que tout buveur de vin détestait l'eau. Ce sectarisme idiot, cet intégrisme essentiellement bachique, a produit une consternante littérature dans laquelle l'eau est moquée et méprisée.
Pour mémoire, quand même, cette Imprécation d'un buveur:
Maudit porteur d'eau, viens tu livrer la guerre
Au Dieu charmant qui remplit mon tonneau?
Retire-toi, marraud! n'approche pas... tout beau...
A l'aspect d'un seau, je fuirais au bout de la terre.
Si tu veux que de toi je devienne content,
N'apporte de l'eau seulement
Qu'autant il en faut pour rincer mon verre.
L'autre raison pour laquelle les buveurs de vin haïssaient le "chateau-la-pompe" ou le "jus de parapluie", c'était qu'alors, il n'était pas rare qu'il fût versé dans des verres contenant de vrais châteaux. Couper le vin quand il était excellent relevait en effet, sinon de la criminalité, au moins de la délinquance. Mais quand c'était de la piquette, quel mal y avait-il à ajouter de l'eau pour édulcorer la potion?