Il y a quelques temps, j'avais écrit un billet, "salauds de pauvres" en réaction à un discours de Laurent Wauquiez qui proposait alors de faire travailler gratuitement les chômeurs au prétexte mensonger autant que fallacieux que bien trop de ces chômeurs "profitaient du système" et se complaisaient dans le système de l'assistanat. Il est à remarquer que cette proposition a été retenue par le gouvernement qui devrait présenter une loi en ce sens devant le Parlement. Quand il s'agit de dénoncer le soi-disant assistanat, nos gouvernants ne manquent ni d'imaginations ni de solutions toutes faites, les unes et les autres visant toujours les mêmes populations, accusées de fraudes, de vols, d'escroqueries en tout genres et de fainéantises caractérisées. En oubliant bien sûr les requins en cols blancs qui nous ont amené là où nous sommes, c'est-à-dire pour citer le Premier Ministre, "au bord de la faillite". Il faut se souvenir qu'il avait déclaré, en 2007, qu'il était "le Premier Ministre d'un Etat en faillite." Ce qui ne l'a pas empêcher de mettre en oeuvre le bouclier fiscal, avec les résultats et les conséquences que l'on sait!
Les propos de Laurent Wauquiez, pour indignes qu'ils soient, méritent cependant que l'on s'y arrête. Rappelons qu'il est ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche depuis quelques mois. Avant ce poste, il fut secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, puis un éphémère ministre des Affaires Européennes. Il a créé le mouvement " la droite sociale" (sic!) et est membre de l'UMP.
Donc, quels sont les propos de ce monsieur qui m'amène à réagir?
Je cite: "Si jamais, quand vous tombez malade, cela n'a aucun impact sur votre indemnité et votre salaire, ce n'est pas très responsabilisant. Du coup, on a un peu l'impression que la sécurité sociale est quelque chose sur lequel on peut tirer sans qu'il y ait un impact."
Puis:
"Il faut qu'il y ait un petit signal. Quelqu'un qui est en arrêt maladie, il faut qu'il se rende compte : tout ça, ça coûte à la sécurité sociale. C'est une question de principe. Il oppose celui qui joue le jeu, qui, quand il est un petit peu malade, fait l'effort d'aller au travail", à celui qui se dit "quand je suis malade, c'est pas grave parce que je suis indemnisé".
"Ce n'est pas juste", continue M. Wauquiez, évoquant encore celui qui finance le système "par ses cotisations qui viennent pour compenser des gens qui n'en ont rien à faire et, se disent que parce que c'est gratuit, tirent sur le tiroir-caisse."
Comme ses collègues de parti ou de gouvernement, Mr Wauquiez oppose ceux qui travaillent courageusement, c'est-a-dire lui, ses amis, vous, moi, aux autres, c'est-à-dire les fainéants, les voleurs, les profiteurs, bref et pour reprendre ce qu'ils considèrent comme un gros mot ou une insulte: les assistés! C'est une constante chez ces gens-là, opposer les uns aux autres, les fonctionnaires aux salariés du privé, ceux qui ont un boulot à ceux qui n'en n'ont pas, les ouvriers aux employés, ceux des villes à ceux des campagnes, les français aux étrangers et j'en oublie. Le ton avait été donné lors de la campagne des présidentielles où le candidat Sarkozy opposait -déjà- "ceux qui se lèvent tôt" aux autres. Et tout cela dans un discours quasi compassionnel où chaque mot est pesé, calculé, de façon à aller dans le sens du poil.
Avant que de continuer mon billet, je voudrais que l'on se comprenne bien: je n'écris pas ici pour dire que "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil." Je sais qu'il y a des profiteurs, des fainéants, des escrocs: la fraude existe et, comme tout un chacun, je connais des gens qui usent et abusent su système. Mais comme tout un chacun aussi, je sais qu'il y a des gens qui ont besoin de ce système, parce que malade, précaire, au chômage, retraité à la maigre pension, etc, etc. Et comme tout un chacun, je sais aussi qu'il y a dans notre France huit millions de personnes qui vivent avec moins de 800,00 € par mois.
Pour revenir aux propos de notre ministre, membre de la "Droite Sociale" (re-sic), il fustige (j'ai failli écrire stigmatise, mais ce mot est tellement galvaudé!) ceux et celles qui, malades, arrêtent de travailler. Sans doute ce monsieur n'a t-il jamais été malade et on ne peut que s'en réjouir pour lui. Et lui souhaiter que cela continue.
Pour autant, il ne connait rien à la réalité du monde de l'entreprise qu'il dit connaitre. Car lorsqu'un salarié est en arrêt maladie (pas accident du travail ou maternité), il faut savoir que, outre les 3 jours de carence (bientôt 4), cet arrêt lui sera décompté pour ses congés payés, pour son intéressement ou sa participation éventuel, ses primes, même si son salaire est complété par son employeur. Et ce complément n'est quasiment pas assuré dans les petites entreprises. Dans ce cas, la sécu verse un complément, mais qui est loin de remplacer la totalité du salaire puisque l'indemnité versée est de 50% ou 66% du salaire brut. Et depuis la dernière loi de finances, ces pourcentages se trouveront diminués du fait d'un nouveau mode de calcul. Y compris pour les accidents du travail. Quand on connait la modicité des salaires dans notre pays (en 2009, moyenne de 1583€ brut par mois pour les hommes, source INSEE), on se demande si ce monsieur n'a pas fumé de la moquette avant cet interview. Je vous rassure, il ne fume pas et il sait ce qu'il dit.
Lui et ses amis sont des grands pourfendeurs de ce qu'ils appellent l'assistanat. Et dans ce qu'ils considèrent comme un gros mot, ils mettent la Sécurité Sociale en première ligne, au prétexte qu'elle "coûte". Sauf que cette sécu, nous la payons: par nos cotisations tous les mois et celles des employeurs, par toutes les franchises appliquées aux remboursements, par la CSG et la CRDS, sans oublier les mutuelles privées. Et j'en oublie certainement. Nous avons tous une assurance pour la maison ou la voiture, assurances toutes les deux obligatoires. Nous payons une cotisation et lors d'un sinistre, nous faisons jouer la clause de remboursement. Parfois, d'ailleurs, ce n'est pas toujours facile! Il y a des escroqueries à l'assurance mais cela ne met pas en cause le système. Les assureurs privés, les mutuelles gagnent de l'argent et même beaucoup. Ils arrivent à certains d'en perdre, mais à cause de placements spéculatifs douteux.
Ce que je veux dire par là, c'est que la sécu n'est pas gratuite: comme une assurance, nous payons des cotisations et si besoin, nous demandons les prestations auxquelles nos cotisations nous donnent droit. Sous prétexte de faire la chasse aux voleurs, mr Wauquiez et ses amis remettent en cause tout le système. Il n'est que de se souvenir du discours du Président il y a quelques jours où il avait le culot de se référer au Conseil National de la Résistance. N'est pas Hessel qui veut!
La sécu est en déficit, n'arrête pas d'affirmer tous ses détracteurs, à coups de milliards d'euros. Faut-il rappeler que les recettes de cette sécu viennent des cotisations versées par les salariés et les entreprises. Sauf que les dites entreprises bénéficient de milliards d'euros d'exonérations de ces cotisations, dont il serait pertinent d'en examiner l'efficacité. En théorie, l'Etat doit reverser à l'URSSAF l'intégralité du montant de ces exonérations. Ce qu'il ne fait pas: ce serait d'ailleurs une bonne chose que de connaitre la dette de l'administration à la sécu. Et puis, nous sommes en période de chômage endémique et moins de travailleurs égal moins de cotisations. CQFD!
Je sais qu'il n'y a pas de remèdes miracles et je me garderai bien de me ranger dans le camp des "yaka" ou izonka", sachant toutefois que ces derniers se retrouvent dans chaque camp politique ou économique.
Pour autant, je me souviens qu'entre 1997 et 2000, les comptes de la Sécurité Sociale étaient en équilibre, et même en excédent. Je vous laisse vérifier sur ce lien. La raison? Une baisse significative du chômage, tout bêtement. Baisse due autant à un environnement international favorable qu'à une volonté politique forte. Aujourd'hui, il est vrai que l'environnement international n'est pas spécialement favorable, mais, chez nous, la volonté politique s'exerce plutôt du côté du bouclier fiscal et de la dénonciation scandaleuse de boucs émissaires. Plus facile en effet de s'attaquer aux malades et aux chômeurs qu'à ses amis du CAC 40.
S'attaquer aux fraudes et aux fraudeurs est nécessaire. Mais laisser entendre de façon quelque peu hypocrite que les malades ne le serait que pour mieux tirer au flanc et bénéficier ainsi des "largesses" de la sécu est hautement irresponsable. Mais dans la réalité des intentions, ceux qui nous dirigent encore pour quelques mois ont une politique bien précise, même s'ils s'en défendent, à savoir détricoter ce qu'en France on appelle faussement "l'Etat providence". Pour eux, cet "Etat providence" est à l'origine de tous nos maux, de tous nos déficits, de toutes les catastrophes. Sauf que ce genre d'affirmations est un mensonge grossier: aux Etats Unis, en Grande Bretagne, en Allemagne, pour ne citer que ceux-là, il n'y a pas de système social comme le notre; pas non plus de code du travail ou d'inspecteurs du travail; en Allemagne, il n'y a même pas de salaire minimum. Il n'empêche que ces pays, tous dans la tourmente financière et économique, ces pays connaissent les déficits, le chômage, l'inflation, la précarité, la misère.
Alors, affirmer comme Mr Wauquiez et ses amis que le mal français vient d'un système social trop avantageux et qui encouragerait l'assistanat est une insulte faite à notre intelligence. Ils se sont soumis aux nouveaux imprécateurs que sont les marchés financiers, les agences de notation et les spéculateurs de tous poils et ils voudraient nous faire croire que c'est parce que nous sommes tous des assistés que nous devons payer le prix d'une rédemption qui ne peut venir que d'eux. Eux et leur rigueur à sens unique. Eux et leur austérité qui conduit dans une impasse.
Je sais, comme tout un chacun, qu'il n'y a pas de recettes miracle. Je sais aussi que ce volontarisme d'opérette qui consiste à nous faire ingurgiter des purges ne donnera d'autres résultats que de nous appauvrir un peu plus et de nous enchainer encore plus à ce que les marxistes appelaient "le grand capital."
Et nous mourrons sans même être guéris.
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Cher Claude,
RépondreSupprimerTu parles d'or, soit dit sans jeu de mots facile ni la moindre ironie, et je trouve que tu as entièrement raison ; je souscris pour ma part entièrement à ton analyse!!
Cela dit, tu connais bien sûr, je ne fais pas l'injure d'en douter ne serait-ce qu'une seconde, une certaine fable appelée "Le loup et l'agneau", qui comporte le vers suivant:
"La raison du plus fort est toujours la meilleure"...
Du plus fort ou de ses valets politiques, de droite comme de gauche, pourrions-nous ajouter en la circonstance...
P.S.: demain, les Espagnols voteront; pour un remède pire que leur mal, mais ça ne fait rien, ils auront manifesté ainsi leur libre choix... et mourront sinon guéris, du moins en toute liberté démocratique...
Heureusement que certains chômeurs ont leurs parents pour les fins de mois difficiles...
RépondreSupprimerJe suis persuadée qu'il y a assez d'argent pour tous s'il est bien réparti au lieu d'aller dans les poches de quelques uns déjà bien pourvus (qu'on regarde du côté du bouclier fiscal et des parachutes dorés). Christiane