vendredi 30 décembre 2011

le petit exercice littéraire du vendredi (35)

pour ce dernier exercice de l'année, j'ai choisi un auteur qui aime la vie, les bons mots, la bonne chère et les bons vins. C'est très facile, trop, sans doute. Mais bon, je ne veux pas vous embrumer la tête, mais vous laisser toute votre lucidité pour finir l'année en beauté et commencer la nouvelle dans une forme olympique. Le nom de cet auteur et le titre de son bouquin: réponses l'année prochaine....
En 1981, je fus invité par Maurice Denuzières à Meursault où il allait recevoir le prix de la Paulée. Je descendis en voiture avec son éditeur, Jean-Claude Lattès, valeureux propriétaire de 20 hectares de côtes du Lubéron, aujourd'hui un ami de plus de quarante ans.
A l'entrée de Meursault, un gendarme me fit signe d'arrêter ma SM. Inquiet - quelle faute de conduite avais-je donc commise? -, je la rangeai le long du trottoir et baissai la vitre.
- bonjour, monsieur, me dit la pandore, l'air sévère. Vous ne pouvez pas aller plus loin comme ça..
- comment, comme ça?
- vous avez vu ce qu'il y a sur la plage arrière de votre voiture?
Je me retournai.
- une bouteille d'eau minérale!
- l'eau est interdite à Meursault pendant la Paulée, déclara le gendarme, mi-sérieux, mi-amusé. Attendez moi quelques instants...
Il revint avec une bouteille de vin. Il la mit à la place de la bouteille d'eau qu'il confisqua...
Par les temps qui courent, on n'imagine plus un gendarme oser une telle plaisanterie, un tel geste, même en Bourgogne. La vue d'une bouteille d'eau dans une voiture peut, au contraire, valoir au conducteur les félicitations de la Gendarmerie et une décoration sur-le-champ dans l'Ordre national du Mérite. Pendant des siècles, il était convenu que tout buveur d'eau n'aimait pas le vin et que tout buveur de vin détestait l'eau. Ce sectarisme idiot, cet intégrisme essentiellement bachique, a produit une consternante littérature dans laquelle l'eau est moquée et méprisée.
Pour mémoire, quand même, cette Imprécation d'un buveur:
Maudit porteur d'eau, viens tu livrer la guerre
Au Dieu charmant qui remplit mon tonneau?
Retire-toi, marraud! n'approche pas... tout beau...
A l'aspect d'un seau, je fuirais au bout de la terre.
Si tu veux que de toi je devienne content,
N'apporte de l'eau seulement
Qu'autant il en faut pour rincer mon verre.
Au moins deux raisons à cette "aquaphobie" ou "hydrophobie" (Diderot emploie le mot "hydrophobe" dans Jacques le Fataliste):pendant longtemps, l'eau, même celle puisée à la source ou au puits, n'avait pas bonne réputation auprès des médecins. J'entends encore ma mère me gronder parce que je buvais de l'eau entre les repas. Sa filiation beaujolaise n'en faisait pas une ennemie héréditaire de l'eau; elle était simplement que celle-ci était plus nuisible que bénéfique à la santé de ses enfants. (Après avoir passé au fil de son épée un quarteron d'Anglais, le Grand Ferré mourut pour avoir bu, encore en sueur, de l'eau trop fraîche. Cet Obélix médiéval était quelque fois appelé à la rescousse par ma mère pour me mettre en garde contre les bagarres, la transpiration ou l'eau).
L'autre raison pour laquelle les buveurs de vin haïssaient le "chateau-la-pompe" ou le "jus de parapluie", c'était qu'alors, il n'était pas rare qu'il fût versé dans des verres contenant de vrais châteaux. Couper le vin quand il était excellent relevait en effet, sinon de la criminalité, au moins de la délinquance. Mais quand c'était de la piquette, quel mal y avait-il à ajouter de l'eau pour édulcorer la potion?

1 commentaire:

  1. il s’agit du « dictionnaire amoureux du vin » (éditions Plon), rubrique « eau », page 173, écrit par Bernard Pivot, né en 1935. Animateur de « apostrophes » puis de « bouillon de culture ». Il est aujourd’hui, enre autres, membre de l’académide Goncourt.
    * Lyon: B. Pivot y est né et y a fait ses études. Ses parents tenaient un commerce dans le vieux Lyon;
    * le Figaro Littéraire: il y rentre en 1958. En 1971, après la dispartion du Figaro Littéraire, B. Pivot devient chef de service au Figaro:
    * James LIPTON: né en 1926, écrivain américain, membre de l’Actor’s Studio; il créé l’émission « inside the Actor’s Studio », inspriée directement de l’émission « bouillon de culture » de Pivot.

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