dimanche 19 janvier 2020

le salut militaire

Dans les armées du monde entier, une tradition existe depuis très longtemps: le salut militaire: le subordonné salue son supérieur qui lui rend son salut. Mais aussi pendant l’hymne national ou pendant la levée des couleurs ou, en France, lorsque la flamme du Soldat Inconnu est rallumée par une personnalité.
Il y a quelques temps, je suis tombé, par hasard, sur une vidéo sur youtube montrant une prise d’armes quelque part en France.

Je me suis alors demandé depuis quand remontait ce salut militaire et quelles en étaient les origines. d’où ce billet.


Ce salut remonterait à l’antiquité: il s’agissait alors d’un signe de paix entre deux guerriers de camp opposé qui, se rencontrant et pour montrer leurs bonnes intentions, levaient la main droite, paume largement ouverte, prouvant ainsi qu’ils n’étaient pas armés.

Au moyen-âge, c’était un geste de courtoisie que deux chevaliers, avant un tournoi, échangeaient en soulevant la visière de leur heaume.

Au XVII ème siècle, le geste est repris et adopté par les militaires: ils lèvent la main droite vers le ciel, en écartant trois doigts, faisant ainsi allusion à la sainte trinité. 

Il devient ensuite un geste de fraternité échangé entre deux militaires engagés dans le même combat. 

Un peu plus tard, le geste s’arrêtera à la coiffe, chapeau, bérêt, casque, etc…

Ce n’est pas encore un geste de subordination d’un subordonné à un supérieur.


Au fur et à mesure que l’on avance dans le temps, le salut se fera de plus en plus solennel et obéira ensuite à une procédure très précise: le livre de l’infanterie de l’armée française de 1916 édicte la règle: « Porter la main droite ouverte au côté droit de la coiffure, la main dans le prolongement de l’avant-bras, les doigts étendus et joints, le pouce réuni aux autres doigts ou légèrement écarté. La paume en avant, le bras sensiblement horizontal et dans l’alignement des épaules. L’attitude du salut est prise d’un geste vif et décidé et en regardant la personne que l’on salue. Le salut terminé, la main droite est vivement renvoyée dans le rang. Tout militaire croisant un supérieur le salue quand il en est à six pas et conserve l’attitude du salut jusqu’à ce qu’il l’ait dépassé. S’il dépasse un supérieur, il le salue en arrivant à sa hauteur et conserve l’attitude du salut jusqu’à ce qu’il l’ait dépassé de deux pas. S’il est en armes, il présente l’arme en tournant la tête du côté du supérieur. »(1) L’armée française est alors au plus fort de la guerre, mais pour certains « planqués » au ministère de la guerre à Paris, il importe que « la discipline reste la principale force des armées. »

J’ai retrouvé le « manuel du marin », édition 1963, que l’on m’avait donné en arrivant à l’École des Mousses, tout en me recommandant de le lire très attentivement et d’en connaitre l’essentiel. 

Concernant le salut, page 50, la consigne concernant le salut du « marin isolé non armé du fusil » est la suivante: « porter la main droite ouverte au côté droit de la coiffure, la main dans le prolongement de l’avant-bras, les doigts étendus et joints, la paume en avant, le bras sensiblement horizontal et dans l’alignement des épaules.« (2)

Daniel TANT* a écrit un article sur la symbolique du salut militaire où il avance une explication la concernant: « Mais lorsque le militaire se trouve tête nue, que doit il faire ? Il ne peut porter sa main à sa tempe puisqu’il n’a pas de couvre-chef, par contre il reste militaire. L’inclinaison de sa tête vers la personne saluée reviendrait au salut « à la japonaise ». Or, il conserve son droit à rester stratège. Dans ce cas il donne un coup de tête, mais inversé c’est-à-dire en arrière pour ne pas dévoiler ses pensées. C’est ce que les militaires appellent le « coup de bouc ».

Cette explication vaut ce qu’elle vaut, mais elle peut s’appliquer en partie à la réalité.


Particulièrement à l’armée, la hiérarchie est primordiale et demeure la pierre angulaire des relations entre supérieur et subordonné. Mais pour les uns comme pour les autres, il y a des droits et des devoirs. Enfin, pas tout à fait: dans le manuel du Marin, page 46, une page résume les devoirs et les droits du supérieur sur un quart de cette page. Les trois quarts restant résument les devoirs des subordonnés et « le droit de réclamation des subordonnés ». La nuance est d’importance.

Le salut est la partie émergée, la plus visible de la discipline militaire. Il est la marque de la subordination d’un subordonné à un supérieur. Mais cela touche toute la hiérarchie: le matelot à l’officier marinier; l’officier marinier à l’officier subalterne; l’officier subalterne à l’officier supérieur; l’officier supérieur à l’officier général et l’officier général – et c’est heureux – au Président de la République.


Bien sûr, dans le civil, la hiérarchie existe et à bien des égards, elle n’est pas vraiment différente de celle des armées. Sauf qu’on ne se met pas au garde à vous devant son patron. Et qu’on ne lui dit pas « à vos ordres » en le saluant et en claquant des talons. Mais ce n’est pas l’objet de mon billet d’aujourd’hui.

Si dans toutes les armées du monde, le salut militaire est de rigueur, il ne prend pas forcément la même gestuelle.
Plus qu’un long discours, ces quelques photos montrent mieux ces différents saluts.

le salut militaire polonais
les saluts militaires britanniques et états uniens
le salut militaire chinois
le salut militaire italien
le salut militaire russe

Pour terminer ce billet, permettez moi une anecdote: il y avait quelques semaines que j’étais à l’École des Mousses et avec quelques copains, je déambulais un dimanche dans les rues de Brest, en uniforme évidemment. Nos notes de la semaine avaient été bonnes et donc, nous avions la permission du dimanche. 

Nous avons aperçu un officier marinier en tenue -que nous ne connaissions pas -et sa femme qui venaient en face de nous, sur le même trottoir. Forts des consignes apprises dans la semaine précédente concernant le salut dus au supérieur et des répétitions avec nos instructeurs, nous l’avons salué, réglementairement, c’est à dire six pas avant de le croiser et deux pas ensuite. Il nous a rendu notre salut, bien sûr, et je me souviens qu’il était plutôt embarassé. Et un de mes copains a dit à peu près ceci: « vous avez vu, sa femme lui donne le bras. Heureusement qu’elle était sur sa gauche parce que sinon, il était dans la m… »






(1) in https://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/le-saviez-vous-le-salut-militaire, Carine BOBBERA, 15/01/2020
(2) in « Manuel du Marin » n° 5150 de la nomenclature des documents, édition 1963, page 50.

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