vendredi 20 avril 2012

le petit exercice littéraire du vendredi (10)

Une femme, cette semaine. Une femme qui a marqué de son empreinte la science politique et la philosophie du XX ème siècle. Elle a su, avant tout le monde, avec une lucidité exceptionnelle, analyser les systèmes politiques qui ont ravagé ce siècle. Pourtant reconnue comme une intellectuelle de renommée internationale, son premier ouvrage ne fut traduit en France qu'en 1973. Le nom de cet auteur et le titre de l'ouvrage. Réponses: dimanche en fin d'après midi, en tout cas avant 20H00...





Rien ne caractérise mieux les mouvements totalitaires en général, et la gloire de leurs chefs en particulier, que la rapidité surprenante avec laquelle on les oublie et la facilité surprenante avec laquelle on les remplace.
le camp de réfugiés de Gurs en 1939
 Ce que Staline accomplit laborieusement, en beaucoup d'années et au moyen d'implacables luttes intestines et de concessions immenses au moins au nom de son prédécesseur (précisément pour établir sa légitimité comme héritier politique de Lénine), les successeurs de Staline essayèrent de le faire sans concession au nom de leur prédécesseur.  Pourtant, Staline avait disposé d'une période de trente ans , et il avait pu manipuler, pour immortaliser son nom, un appareil de propagande inconnu du temps de Lénine. 
procès d'Adolf Eichman
Il en va de même de Hitler, qui pendant sa vie exerça une fascination prétendument irrésistible, et qui, depuis sa défaite et sa mort, est si complètement oublié qu'il ne joue plus guère de rôle, même au sein des groupes néo-fascistes et néo-nazis d'Allemagne. Ce caractère éphémère a sans doute un rapport avec l'inconstance proverbiale des masses et de la gloire qui repose sur elles; mais il s'explique davantage par l'obsession totalitaire du mouvement perpétuel: les formations totalitaires ne restent au pouvoir qu'aussi longtemps elles demeurent en mouvement et mettent en mouvement tout ce qui les entoure. 
Gunther Anders
Aussi, dans un certain sens, cette précarité même est-elle un témoignage plutôt flatteur pour les chefs disparus, puisqu'elle atteste qu'ils ont réussi à contaminer leurs sujets avec le virus spécifique du totalitarisme; car, s'il es vrai qu'il existe une personnalité ou une mentalité totalitaire, cette capacité d'adaptation et cette absence de continuité extraordinaires en sont assurément les caractéristiques principales.

1 commentaire:

  1. Il s'agit effectivement de Hannah Arendt (1905 - 1975).
    D'origine allemande, elle est naturalisée américaine en 1951. Elle a profondément influencé la science politique après la seconde guerre mondiale. Particulièrement par son analyse en profondeur des deux totalitarismes de cette première moitié du XXème siècle. Son oeuvre majeure, "les origines du totalitarisme", écrit en 1951, se compose de trois parties: "sur l'antisémitisme", "l'impérialisme" et celui d'où est tiré l'extrait de cette semaine: "les origines du totalitarisme".
    Elle y dresse une sorte de comparatif entre les deux systèmes et démontre qu'entre les deux, il y a une très grande proximité.
    Affirmer quelques années après la fin de la guerre que communisme et nazisme sont deux totalitarismes de même nature, à une époque où l'URSS est au faîte de sa puissance et de son influence, ne lui amène pas que des amis. Elle est vivement critiquée et même d'une certaine façon "censurée" puisque le premier volume des "origines du totalitarisme" ne sera traduit en France qu'au début des années 70.
    * Gunther Anders: 1902 - 1992: essayiste allemand, critique de la modernité industrielle; il est le premier mari de H. Arendt, épousée en 1929;
    * camp de Gurs: camp de réfugiés dans les Basses Pyrénées crée à l'origine pour les réfugiés espagnols fuyant le régime franquiste. H. Arendt y séjournera en mai 1940 avant de s'en échapper et de rejoindre, via le Portugal, les Etats Unis en mai 1941;
    * le procès Eichmann: Adolf Eichmann (1906 - 1962) a été l'un des protagonistes de la "solution finale"; kidnappé par les israéliens alors qu'il se trouve sous une fausse identité en Argentine, il est condamné à mort et pendu en 1962. H. Arendt suit ce procès pour le compte du New Yorker, journal américain et en tirera un livre, "Eichmann à Jérusalem" qui déclenchera une polémique: on reproche à Arendt d'avoir représenté le bourreau nazi comme un homme ordinaire. C'est justement son analyse du mal représenté par Eichmann, homme en quelque sorte "ordinaire": elle donnera d'ailleurs un sous-titre à son ouvrage: "la banalité du mal".
    La lecture de ce livre aide puissamment à la compréhension de la pensée de H. Arendt en ce qui concerne les aspects des totalitarismes. ( "Eichmann à Jérusalem" éditions folio histoire, 519 pages)

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