dimanche 1 janvier 2012

2011: annus horribilis

Et oui, l'année 2011 aura été une année horrible. 2012, le sera t-elle aussi? Bien malin qui pourrait tranquillement l'affirmer. Néanmoins, il ne semble pas, si on en croit les augures, qu'elle devrait être particulièrement facile et réjouissante.
Souvent, j'ai le sentiment que, non seulement personne n'a la solution, mais surtout que personne ne maitrise quoique ce soit. Chacun semble dépassé, impuissant face à une mécanique mise en branle et que personne ne sait faire fonctionner ou arrêter.
Dans certains films de science fiction, des ordinateurs conçus par l'homme s'émancipent de lui et n'en font plus qu'à leurs têtes. Ou ce dessin animé de Walt Disney, Fantasia illustrant "l'apprenti sorcier" de Paul Dukas. Tout se dérègle et échappe à tout contrôle. Arrive alors le grand sorcier et tout rentre dans l'ordre. Sauf que nous, nous n'aurons pas de grand sorcier.
Mais la mécanique ne s'est pas mise en route toute seule: elle a été conçue, réfléchie, mise en oeuvre par des gens qui n'avaient -et qui, hélas, ont toujours- comme moteurs ce que j'appellerai les "trois ismes": cynisme, égoïsme, individualisme. Sans oublier la cupidité. A ces gens-là, anonymes par définition, on a laissé la bride sur le cou, au prétexte fallacieux qu'ils "avaient la compétence." Et pour cela, on a supprimé les règles, les lois, un peu comme si on faisait sauter un barrrage pour laisser au fleuve son impétuosité meurtrière. On a déréglementé à tout va; on a privatisé les profits et nationaliser les pertes; on a décidé que moins d'usines, voire plus d'usines du tout, c'était mieux; on a décidé qu'il ne fallait plus d'assistanat et on a montré du doigt ceux qui, parait-il, l'étaient; on a dit que l'éducation, la santé, ça coûtait cher, trop cher; on a, on a... et la liste est longue, très longue de ces folies censées nous apporter le bonheur, la prospérité, le bien-être. Chacun peut aujourd'hui en mesurer "l'efficacité"!
Je n'aime pas utiliser ce pronom indéfini: on. Mais aujourd'hui, j'ai fait une exception. Alors,  à la place du "on" écrit dans le paragraphe précédent, lisez: "hommes et femmes politiques". Parce que ce sont eux qui ont abdiqué leurs pouvoirs au profit d'une oligarchie financière et patronale. Ce sont eux qui ont accepté, et même souvent encouragé leur rédditions face aux puissances d'argent. Ce sont eux qui nous ont délibérément laissés démunis face à un monde sans foi ni loi.
Hier soir, j'étais chez des amis et je n'ai ni regardé ni écouté l'allocution du Président. J'ai lu ce matin son discours et j'y ai relevé une phrase: "Sortir de la crise, construire un nouveau modèle de croissance, faire naître une nouvelle Europe, voilà quelques-uns des défis qui nous attendent". Voilà un beau programme bien ambitieux. Mais ce qu'il oublie de nous dire, c'est que les outils qui auraient pu aider sa mise en oeuvre, ces outils, lui et ses homologues politiques du monde les ont laissé aux financiers, aux requins de la finance, à toute cette nébuleuse de l'argent qui aujourd'hui décide de tout. Un exemple parmi tant d'autres: la peur panique que la France (et d'autres pays d'Europe) perde le fameux AAA que des agences de notation, incompétentes et partisanes, décident d'attribuer aux Etats selon leurs propres critères, des critères ultra-libéraux s'il en est! Et les politiques mises en place le seront en fonction de ce que veulent ces gens-là. On voit donc que les défis que nous annonce le Président sont soumis aux volontés des financiers. Et pas à celles des citoyens. Ni des politiques.
Nous entendons, lisons regardons chaque jour des économistes, des sociologues, des penseurs, des journalistes nous délivrer leurs potions magiques. Tous ces savants (on remarquera au passage qu'il n'y a quasiment pas de femmes) n'ont rien vu venir de la crise dont ils ne manquent pas de nous dire qu'elle était prévisible. Alors, aujourd'hui, tel des docteurs Diafoirus, ils nous inondent de leurs médications miracles. J'aimerais les croire, mais il y a autant d'avis que de Diafoirus. Et il n'en manque pas.
Serai-je devenu un pessimiste incorrigible? Non, certainement pas. Mais je ne suis plus l'optimiste béat que j'ai pu être à une certaine époque où il me semblait que de la volonté, de l'audance alliées au plus simple bon sens sauraient solutionner la crise.
Le système économique qui nous est imposé marque ses limites et son échec est patent. La "main invisible" d'Adam Smith s'est muée en des doigts crochus. Il serait grand temps de chercher autre chose.

Vous savez que je suis plutôt un libéral et que je vais chercher mes références chez Tocqueville ou Keynes. Donc revenir à un Etat plus présent, plus décideur, plus entreprenant, plus audacieux. Si l'Etat ne peut pas tout, il peut néanmoins beaucoup dès l'instant où il a le réel souci de la "liberté, de l'égalité et de la fraternité". Avec ce qu'il faut d'humanité et d'intelligence.
Les ultra-libéraux n'avaient pas de mots ou de formules assez dures pour moquer l'Etat centralisateur pendant les "trente glorieuses". Même devant l'échec patent de leurs théories, ils continuent d'affirmer leur rejet de la présence de l'Etat, leur hostilité à toute intervention publique. Il n'est de pire aveugle que celui qui ne veut rien voir. Surtout si cet aveugle se double d'un esprit borné.
Sans vouloir tomber dans une nostalgie toujours réductrice, il ne faut pas oublier ques cette période dite des "trente glorieuses" a été une periode où les niveaux de vie, l'éducation, la santé ont évolué de façon considérable. Avec un Etat présent, centralisateur. Depuis que nous sommes entrés dans ce que Nicolas Baverez -pourtant un ultra-libéral- appelle les "trente piteuses", notre niveau de vie a reculé, la précarité est devenue la norme, le progrès social est accusé de tous les maux et si les riches sont devenus plus riches, les pauvres sont encore devenus plus pauvres. Et la classe moyenne n'échappe pas au déclassement social.
2012 est une année électorale. Certains populismes portés par les éternels démagogues veulent nous faire croire que l'Europe "n'est pas la solution, mais le problème". D'autres essaient de nous persuader que plus de dérugulations, moins de lois, moins d'impôts règleront nos problèmes. D'autres encore affirment sans rire qu'il ne faut plus rien faire, plus rien entreprendre pour ne pas offenser  "mère nature". D'autres enfin essaieront de revenir à plus d'intelligence et d'humanité, sans pour autant avoir de solutions toutes faites. 
Au seuil de cette nouvelle année et malgré le pessimisme ambiant, faisons nôtre cette phrase de Jean Jaurès: "il faut avoir une foi inébranlable en l'avenir". Avons-nous d'autres choix?

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