vendredi 27 mai 2011

le petit exercice littéraire du vendredi (16)

Cette semaine, un auteur que nous connaissons tous, sans pour autant l'avoir lu. Pour ma part, j'ai essayé il y a fort longtemps, mais j'ai vite lâché prise. Pour autant, il reste un auteur qui a marqué la poésie de son époque  et, d'une certaine façon,  la nôtre. Qui est cet auteur et le titre de son oeuvre majeure?  Réponses dimanche dans la soirée, rubrique commentaires.
Au milieu du chemin de notre vie, ayant quitté le chemin droit, je me trouvai dans une forêt obscure . Ah ! qu’il serait dur de dire combien cette forêt était sauvage, épaisse et âpre, la pensée seule en renouvelle la peur, elle était si amère, que guère plus ne l’est la mort ; mais pour parler du bien que j’y trouvai, je dirai les autres choses qui m’y apparurent.
Comment j’y entrai, je ne le saurais dire, tant j’étais plein de sommeil quand j’abandonnai la vraie voie, mais, arrivé au pied d’une colline, là où se terminait cette vallée qui de crainte m’avait serré le cœur, je levai mes regards, et je vis son sommet revêtu déjà des rayons de la planète qui guide fidèlement en tout sentier, alors la peur qui jusqu’au fond du cœur m’avait troublé durant la nuit que je passai avec tant d’angoisse fut un peu apaisée.
Et comme celui qui, sorti de la mer, sur la rive haletant se tourne vers l’eau périlleuse, et regarde ; ainsi se tourna mon âme fugitive pour regarder le passage que jamais ne traverse aucun vivant.
Quand j’eus reposé mon corps fatigué, je repris ma route par la côte déserte, de sorte que le pied ferme était le plus bas, et voici qu’apparut, presque au pied du mont, une panthère agile et légère couverte d’un poil tacheté.
Elle ne s’écartait pas de devant moi, et me coupait tellement le chemin que plusieurs fois je fus près de retourner.
C’était le temps où le matin commence, et le soleil montait avec ces étoiles qui l’entouraient, quand le divin Amour mut primitivement ces beaux astres ; de sorte que le gai pelage de cette bête fauve, l’heure du jour et la douce saison me conviaient à bien espérer : non toutefois que ne m’effrayât la vue d’un lion qui m’apparut. Il paraissait venir contre moi, la tête haute, avec une telle rage de faim que l’air même semblait en effroi. En même temps une louve  qui, dans sa maigreur, semblait porter en soi toutes les avidités, et qui a déjà fait vivre misérables bien des gens. Elle me jeta en tant d’abattement, par la frayeur qu’inspirait sa vue, que je perdis l’espérance d’atteindre le sommet.
Tel que celui qui désire gagner, pleure et s’attriste en tous ses pensées, lorsque le temps amène sa perte, tel me fit la bête sans paix, qui, peu à peu s’approchant de moi, me repoussait là où le soleil se tait.
Pendant qu’en bas je m’affaissais, à mes yeux s’offrit qui  par un long silence paraissait enroué ; lorsque, dans le grand désert, je le vis : — Aie pitié de moi, lui criai-je, qui que tu sois, ou ombre d’homme, ou homme véritable.
Il me répondit : « Homme ne suis-je, jadis homme je fus, et mes parents étaient Lombards, et tous deux eurent Mantoue pour patrie, je naquis sub Julio, bien que tard, et vécus à Rome sous le bon Auguste, au temps des dieux faux et, menteurs. Je fus poète et chantai ce juste fils d’Anchise, qui vint de Troie, après l’incendie du superbe Ilion, mais toi pourquoi retourner à tant d’ennui ? Pourquoi ne gravis-tu point le délicieux mont, principe et source de toute joie ? »
Serais-tu ce Virgile, cette fontaine d’où coule un si large fleuve du parler ? lui répondis-je, la rougeur au front. O des autres poètes honneur et lumière ! que me soit compté le long désir et le grand amour qui m’a fait chercher ton volume, tu es mon maître et mon père : à toi seul je dois le beau style qui m’a honoré. Vois la bête à cause de qui je me suis retourné : sage fameux, secours-moi contre celle qui fait frémir mes veines et mon pouls.
Il te faut prendre une autre route, répondit-il, me voyant pleurer, si tu veux sortir de ce lieu sauvage ; car la bête qui excite tes cris ne laisse passer personne par sa voie, mais l’empêche tellement, qu’elle le tue, et sa nature est si méchante et si farouche, que jamais son appétit n’est rassasié, et qu’après s’être repue, elle a plus faim qu’auparavant.
Les animaux avec qui elle s’accouple sont nombreux, et le seront plus encore, jusqu’à ce que vienne le Lévrier  qui tristement la fera mourir, celui-ci ne se nourrira ni de terre ni d’argent, mais de sagesse, d’amour et de vertu, et sa patrie sera entre Feltre et Feltre, il sera le salut de cette humble Italie 18 pour qui, blessés, moururent la vierge Camille, Euryale, Turnus et Nisus.
De partout il chassera la louve, jusqu’à ce qu’il l’ait remise en enfer, d’où premièrement la tira l’envie, je pense donc et juge que pour toi le mieux est de me suivre, et je serai ton guide, et hors d’ici je te conduirai par un lieu éternel, où tu ouïras les hurlements du désespoir et tu verras les antiques esprits désolés, dont chacun à grands cris appelle une seconde mort : et ceux qui dans le feu sont contents, parce qu’ils espèrent venir un jour parmi les bienheureux, vers qui ensuite, si tu veux monter, te guidera une âme plus digne de cela que moi. Avec elle en partant je te laisserai, parce qu’à sa loi ayant été rebelle, le Roi qui règne là-haut ne veut pas que par moi l’on vienne en sa cité, partout il commande, et de là il régit : là est sa demeure et son trône sublime. Heureux celui qu’à ce séjour il a élu ! »
Et moi à lui : — Poète, afin que je fuie ce mal et des maux pires 21, je te demande, par ce Dieu que tu n’as point connu, de me conduire là où tu viens de dire, pour que je voie la porte de saint Pierre, et ceux que tu représentes si tristes.
Alors il se mut, et je le suivis.

5 commentaires:

  1. oh que tu me fais plaisir d’avoir choisi le 1er passage de l’enfer de Dante (Divine comédie)!
    je n’ai pas lu l’intégralité mais une bonne partie tout de même
    c’est une oeuvre que je chérie particulièrement….

    bizzzz
    p
    Rédigé par : paulette gleyze | le 27 mai 2011 à 12:08

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  2. Tout compte fait, cela pourrait ne pas être de Balzac, même sur un mode parodique, mais de Dante lui-même, qui s’adresse à Virgile je crois au début de « L’Enfer » (seul volet de la trilogie que j’aie lu (si, c’est vrai, sniff!!) et je suis impardonnable de ne pas avoir « remis » ce passage malgré celui de très nombreuses années et et de m’être précipité, sans examiner bien attentivement le texte proposé, sur l’option Balzac au vu de sa photo et en pensant à une nouvelle de lui (au décor sans doute plus « désertique » il est vrai) que je n’avais pas lue, elle, mais dont je connaissais le sujet, gloups!!)…

    Mais alors, voyons, Claude, « L’Enfer » n’est pas si ennuyeux que cela, lui, contrairement au « Paradis » (pour le Purgatoire, version dantesque ou autre, j’ai du mal à me l’imaginer, étant protestant, héhé!!)), et il regorge, cet enfer, de passages savoureusement dantesques à lire sinon à subir dans une réalité éventuelle!!, en plus il en comporte d’autres franchement envoûtants (plus que l’introduction solennelle, et plus mémorables?) à la tonalité « romantique » avant la lettre, tel l’épisode de « Francesca da Rimini »!!

    Bien entendu ce com ne prétend pas remplacer mon précédent dans la course au premier prix, je suis peut-être mauvais joueur, mais pas à ce point!!

    D’autant que, n’est-ce pas Claude…, mais nous nous comprenons à demi-mot je crois…
    Rédigé par : Oscar | le 27 mai 2011 à 17:50 |

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  3. Je pense à la « Divine comédie » de Dante. Mais je ne l’ai pas lu…
    Rédigé par : Christiane | le 28 mai 2011 à 14:10

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  4. Dante, La Divine Comédie?
    Jamais lu!
    Bon Dimanche à bientôt.
    Les Tutu
    Rédigé par : LES tUTU | le 29 mai 2011 à 13:10 |

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  5. l s’agit de DANTE ALIGHIERI (1265 – 1321): « la divine comédie », 3ème partie « l’enfer ».
    en Italie, Dante est célébré à l’égal de Victor Hugo chez nous. Chaque ville, chaque village a une rue qui porte son nom. En plus d’être écrivain et poète, il est aussi un homme politique qui jouit d’une certaine influence, surtout à Florence. Il combat le pape Boniface VIII, mais vaincu, il doit s’exiler à Ravennes où il mourra.
    les illustrations:
    * Ravennes: il est enterré dans cette ville après y avoir vécu une grande partie de son exil forcé;
    * Balzac: (1799 – 1850): c’est pour rendre hommage à Dante et à sa « divine comédie » qu’il décide de donner comme titre de son oeuvre majeure: « la comédie humaine »;
    * Cangrande della Scale: (1291 – 1379) mécène de Dante;
    * l’Acheron: dans la « divine comédie »: fleuve qui forme le bord de l’enfer.

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