dimanche 25 octobre 2020

Le banquet des maires de France le 22 septembre 1900


 Le 22 septembre 1900, le Président de la République, Émile Loubet*, invite à Paris tous les maires de France pour un banquet républicain exceptionnel.
Alors qu'Alfred Dreyfus n'est pas encore tout à fait réhabilité - il faudra attendre l'arrêt de la Cour de Cassation du 12 juillet 1906 pour qu'il le soit totalement - il convient de réaffirmer et de conforter l'unité nationale mise à mal par les manoeuvres mensongères de l'état major et certains responsables politiques.
 

Elu dix huit mois auparavant, le nouveau président profite de l'exposition universelle* qui se tient à Paris depuis le 15 avril 1900 pour réunir ces élus "de terrain" qui ramèneront dans leurs villages l'idée que la République assure la puissance politique, militaire, industrielle et économique de la France.

 

 

Mais d'où vient l'idée d'un tel banquet?

Le premier banquet, peut-être alors appelé banquet civique, eut lieu le jour de la Fête de la Fédération, le 14 juillet 1790 et se tint dans le parc de la Muette. Il s'agissait alors de partager le repas de façon fraternelle et égalitaire: aristocrates, ouvriers, paysans mangeaient à la même table, les mêmes mets et tous et toutes criaient "vive le roi".



  Les premiers banquets  appelés républicains furent organisés par des libéraux, en 1829, auxquels se joignirent les républicains, sous le règne de Charles X,  pour protester contre la politique du Premier ministre Jules de Polignac*.


 
Dès 1847, les opposants réformistes, monarchistes pour la plupart et quelques républicains, ne pouvant organiser de réunions politiques puisque interdites, eurent l'idée d'organiser "la campagne des banquets" afin d'expliquer leur demande de l'élargissement du corps électoral.

banquet du Chateau Rouge du 10 juillet 1847

Le premier banquet eut lieu le 10 juillet 1847 à Paris et réunit 1200 convives, dont 86 députés. Soixante dix autre suivront réunissant 17 000 personnes. Il n'est pas inutile de préciser que les femmes en sont généralement exclues.
Le 19 février 1849, François Guizot*, alors Président du Conseil du gouvernement de Louis Philippe 1er, tente d'interdire un banquet, organisé par des opposants républicains. Cette tentative sera l'une des causes de la révolution de 1848 et du renversement de la monarchie...



L'avant veille de cet évènement, présenté comme "l'apothéose de la République" par un journal radical, l'aéronaute et aviateur Alberto Santos-Dumont* tournait au-dessus de la Tour Effel à bord de son dirigeable numéro 4 avant de survoler les édifices des différents exposants et la grande roue  de plus de 70 mètres installée pour l'occasion .

 

 

Donc, ce 22 septembre 1900, près de 23 000 maires de métropoles et de villes coloniales - que des hommes bien sûr, leurs épouses ou maitresses n'étant pas à priori invitées - ont répondu à l'invitation du président Loubet. 
Imaginer l'organisation d'un tel évènement dépasse l'imagination. Ne serait-ce que l'arrivée des élus dans des trains bondés dans la capitale. Puis les loger, organiser diverses réceptions ainsi que des visites de l'exposition universelle.

 
Que faire déguster à une telle foule? Un repas froid bien sûr. Et faire venir de toute la France  ce qu'il fallait pour mettre dans les assiettes: 2 tonnes de saumon, 3 tonnes de bœuf, 2 430 faisans, 3 500 poulardes, 2 500 canetons, des dizaines de milliers de fruit pour réaliser "darnes de saumon glacées à la parisienne, filet de bœuf en Bellevue, pains de canetons de Rouen, ballottines de faisans Saint-Hubert, glaces succès" et dans les verres, 39 000 bouteilles: "Saint Julien, Haut Sauternes, Beaune, Margaux, Jean Calvet 1887, champagne Montebello et fine champagne", sans oublier 1200 litres de mayonnaise...


Et comme on ne mange pas avec ses doigts ni directement sur la table, il faut donc 125 000 assiettes, 55 000 fourchettes, 55 000 cuillères, 60 000 couteaux, 125 000 verres, 26 000 tasses à café, 3 500 salières, 2 800 compotiers, 700 pots de moutarde…

C'est une entreprise habituée de ces évènements de cette importance, Potel et Chabaud*, qui a mis en oeuvre le déroulement de cette journée mémorable. Il faut noter que cette entreprise fondée en 1820 continue d'oeuvrer à l'organisation de réceptions de haut niveau.


Il a fallu mettre en place une organisation quasi militaire avec un planning aussi serré que précis. Chaque participant, du grand chef en cuisine au dernier marmiton en passant par le plus humble balayeur devait connaitre avec précision son rôle dans cette journée.

Onze cuisines ont été installées dirigées par onze grands chefs qui avaient sous leurs ordres une vingtaine de chefs de partie et quatre cents cuisiniers, tous devant se synchroniser avec les deux mille maitres d'hôtels en habit et gants blancs.
Sept cents tables de dix mètres pour trente six couverts attendent les invités.

Véritable chef d'état major, Monsieur Legrand distribue  un petit livret où chacun des participants sait ce qu'il doit faire ou ne pas faire. La rigueur organisationnelle est de rigueur.
Le vendredi, les tables sont garnies de leurs vaisselles.
Le samedi, dès cinq heures, le dressage des tables doit être mis en oeuvre, les vins ordinaires en carafe, les grands vins en bouteilles.
À onze heures, comme prévu, tout est prêt pour accueillir les invités.

Ceux-ci arrivent à l'heure et rejoignent leur table classées par ordre alphabétique suivant les départements.
Puis après la Marseillaise et le discours présidentiel, il est temps de passer aux choses sérieuses.



Mr Legrand dans sa De Dion Bouton 4ch
Pour veiller au grain, Monsieur Legrand conduit une De Dion 4 ch pour passer d'une tente à l'autre et donner ses ordres aux six bicyclistes qui, à leur tour, transmettent les consignes à qui de droit.

 

 Le programme des élus étant chargé, tout devait être bouclé en une heure trente, en laissant toutefois les convives savourer et apprécier les mets qui leur sont servis, n'hésitant pas non plus à remplir les verres autant de fois que cela est demandé.

Quand toutes ces agapes furent terminées, le président Loubet passa au milieu des maires ceints de leurs écharpes tricolores qui l'applaudirent à tout rompre.


Ce fut une belle journée saluée comme telle par la presse parisienne et locale. Sans doute quelques opposants dénoncèrent de telles folies dispendieuses, mais sans grande influence.

Le président Loubet avait réussi son pari: profiter du 108 ème anniversaire de la proclamation de la République pour rendre hommage aux élus des communes de toute la France et leur montrer la puissance de la France dans l'exposition universelle.

vue panoramique de l'exposition universelle de 1900 à Paris


 L'article "un jour, un festin, le banquet des maires" paru dans lemonde.fr du 18 août 2020, écrit par Stéphane Davet, m'a fourni de précieuses et indispensables informations. Qu'il en soit remercié.


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dimanche 18 octobre 2020

la peau de bouc

sur https://www.babelio.com/livres/Peron-Sur-la-peau-de-bouc/935317

 

 "peau de bouc": voilà bien une expression curieuse connue des seuls marins, qu'ils soient matelots, quartiers maitres, officiers mariniers et officiers.
Il s'agit du cahier de punitions sur lequel est inscrit le motif d'une demande de punition suite à une faute commise par un marin. Cela ne concerne que les seuls hommes et femmes du rang, matelots ou quartiers maitres. 



Il est possible qu'un officier marinier le soit également sans que toutefois cela dépasse le grade de second maitre de 1ère classe. Ce qui ne veut pas dire que les maitres, premiers maitres, maitres principaux, majors et officiers de tous grades puissent être exonérés de punition, mais sans passer par la peau de bouc et suivant une procédure particulière.

 

 

 

D'où vient cette appellation? Au temps de la Marine "en bois" ou de la Marine à voile, la peau de bouc était une peau de mouton, de chèvre ou de bouc tendue sur une planchette accrochée à la dunette -sur un voilier, la dunette était à l'arrière- et sur laquelle le capitaine d'armes -surnommé par tout un chacun "le bidel"- inscrivait le nom du marin qu'il fallait punir, le motif et la punition demandée.
 


Le commandant confirmait quasiment toujours la punition, puis la peau de bouc était grattée en attendant les prochaines demandes.


Alors, me demanderez-vous, n'aurait-il pas été plus simple de le faire sur une feuille de papier? Certes, mais peut-on imaginer une feuille de papier accrochée à la dunette, exposée au vent et aux embruns.
Et comme tout se modernise au fil du temps, la peau de bouc est devenu un banal cahier, toujours détenu par le bidel, en conservant, tradition oblige son appellation d'origine.

Ce n'est qu'en 1848 et de façon définitive que les punitions corporelles ont été supprimées dans la Marine et l'Armée de terre. 
Car, bien sûr, auparavant les demandes de punitions corporelles figuraient aussi sur la peau de bouc.
Le "code pénal des vaisseaux de 1790", reprenant largement les règlementations de l'ancien régime, comprenait deux sortes de punitions: les peines disciplinaires et les peines afflictives*.

 


Les premières allaient de la suppression du vin pendant trois jours à l'attachement au grand mat deux heures par jour pendant trois jours.



Les secondes allaient du fouet en passant par les fers jusqu'au supplice de la cale*, ce dernier supplice étant réservé pour les faits très graves,  pouvant entrainer la mort du supplicié.

 

le supplice de la cale

Ce n'est qu'en 1848 et 1851, puis en 1858 que les punitions corporelles furent bannies des codes de justice maritime en France*.


Les motifs pour figurer sur cette peau de bouc sont parfois d'une grande drôlerie, même si certains ne sont pas drôles du tout pour ceux qui en sont victimes.


Sur ce blog, quelques motifs dont je ne peux garantir l'authenticité: https://envelopmer.blogspot.com/2014/01/sur-la-peau-de-bouc.html
 
Pour conclure, je laisse le dernier mot au grand Tabarly qui évoque le capitaine d'armes dans Fanny de Laninon: 
 

 
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dimanche 27 septembre 2020

25 septembre 1911: explosion du cuirassé Liberté



 Le 25 septembre 1911, le cuirassé Liberté explosait en rade de Toulon. Pas moins de 500 victimes, des dégâts considérables et un traumatisme certain pour la Marine française. D'autant que quatre ans plus tôt, le 12 mars 1907, sur un bâtiment similaire, le Iéna*, une explosion moins importante mais de la même origine, causait la mort de 118 marins. Sans compter une explosion survenue sur le cuirassé Gloire le 20 septembre 1911 où 9 marins perdirent la vie.

Précisons qu'entre 1893 et 1911, de nombreux incidents de ce type eurent lieu sur d'autres bâtiments de moindre tonnage: Sully, Amiral Duperré, Vauban, Forbin, Charlemagne et bien d'autres.

D'autres explosions eurent lieu également dans des poudrières, à Tunis, Angoulème, Nice et surtout Lagoubran (quartier de la pyrotechnie de Toulon) qui fit 80 morts le 6 mars 1899. 

Toutes les enquêtes convergèrent sur l'origine de ces catastrophes: "la poudre B*". Cette poudre, à la différence des autres, ne produisait pas de fumée, ce qui était un avantage dans la mesure où elle n'encrassait les armes que très peu, qu'elle réduisait des deux tiers le chargement des munitions et, enfin, ne générant plus de fumée, elle rend plus difficile le repérage de la zone d'où proviennent les tirs.
Mais elle est fabriquée à base de nitrocellulose*, laquelle, "comme chacun sait", est un explosif fulminant dégageant de grandes quantités de gaz et de chaleur lors de sa combustion.

Sur le Liberté, il y avait un stock de plusieurs tonnes de cette poudre entreposées à l'avant du navire depuis douze ans!!! Malgré les avis d'ingénieurs qui soulignaient les dangers d'un tel stockage, l'état major de la Marine faisait la sourde oreille.

Peu après "le branle - bas" de 05h30, trois explosions secouent le navire. 

Le feu avait pris dans la soute avant tribord, dans les soutes à

gargousses* pour les pièces de 194m/m.
Les tentatives désespérées des marins pour noyer les soutes échouèrent les unes après les autres.
Des flammes de plus en plus hautes s'échappaient de l'avant rendant impossible la respiration des équipages qui tentaient l'impossible.
 

Des dizaines d'embarcations arrivaient de toutes part pour aider les marins du cuirassé.


L'officier de quart fait sonner "le poste d'abandon, mais à 05h53 précises, une déflagration gigantesque déchire le Liberté. Des centaines d'obus explosent simultanément. Des plaques d'acier, des tourelles sont projetées sur les bâtiments proches, faisant des dizaines de victimes.
Les embarcations venues à la rescousse furent détruites par le souffle de l'explosion. Des immeubles avaient été endommagés par ce même souffle.

 




Les victimes eurent droit à des funérailles nationales à Toulon, en présence du Président de la République, Mr Armand Fallières, de membres du gouvernement, du Parlement et des plus hautes autorités militaires. 



Le Liberté était une grosse "baille", pour reprendre l'expression argotique de la Marine: un équipage de 779 hommes; 15 000 tonnes; 134 mètres de long; un maitre beau (largeur) de 24 mètres pour un tirant d'eau de 8,40 m et une vitesse de 20 noeuds. Un rayon d'action de 8 400 miles à 10 noeuds nécessitant 1 850 tonnes de charbon. Deux tourelles de deux canons de 305 m/m, dix de 194 et d'autres de moindre calibre.
La cuirasse à elle seule pèse 5 000 tonnes avec une épaisseur de 28 cm à  hauteur de la ligne de flottaison.

Il était de la classe dite des "pré -  dreadnought", en référence aux bâtiments de guerre d'une nouvelle génération mise au point par les britanniques: artillerie principale d'un seul - gros - calibre, propulsion par une turbine à vapeur. 


le HMS Dreadnought, premier bâtiment de ce type

La "Royal Navy" a toujours été dominante sur toutes les mers et océans du globe: il lui fallait sécuriser les accès à ses nombreuses colonies à travers le monde. D'où la mise sur cale de ces énormes navires. 

 

L'Allemagne, bien que n'ayant peu de colonies, s'engagea dans une course contre la suprématie britannique. L'empereur Guillaume II déclara en 1911 que "la Kaiserliche Marine assurera à l'Allemagne une place au soleil. » En 1914, elle possédait treize dreadnoughts mais ne put en aligner que six.

En 1910, la Marine française, si elle était moins puissante que les Marines britanniques et allemande, alignait néanmoins pas mois de dix huit pré-dreadnoughts, dont le Liberté, et en 1914, six dreadnoughts.

Le Liberté faisait partie d'une série dont les autres bâtiments étaient le Démocratie, le Justice et le Vérité. 

Il fallait à cette époque affirmer les valeurs de la République...

 

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mardi 22 septembre 2020

Louise de Bettignies

 
Louise de Brettignies (famille de Brettignies)

Qui connait Louise de Brettignies? À dire vrai, peu de gens en ont même entendu parler. Pourtant, elle s'est engagée très vite dans la résistance à l'occupation allemande de Lille dès le début de la première Guerre Mondiale. Elle a espionné les troupes occupantes et dirigé un réseau d'espionnage. Ce faisant, elle est devenue une espionne. 
 
C'est l'objet de mon billet d'aujourd'hui.
 
Comment définir l'espionnage et celles et ceux qui le pratiquent?
"Personne  rétribuée appartenant à une police secrète non officielle... Espion et espionne, dans le contexte des guerres de 1870, 1914-1918, 1939-1945, avaient acquis des connotations négatives très fortes. (1)
 
Les espions ne sont pas reconnus comme des combattants. Quand ils sont capturés, ils ont droit, parfois, à un procès, mais le plus souvent un procès à charge et ils sont rarement acquittés, le plus souvent fusillés ou pendus. 
 
L'espionnage a toujours fait partie des relations internationales: espionnage scientifique, industriel, politique, militaire.

Timbre-poste en hommage
à Kim Philby, émis en 1990.
Certains espions sont connus, tels Kim Philby*, Anthony Blunt*, Guy Burgess*, trois des membres des "5 de Cambridge"*.
Mais aussi Günther Guillaume*, espion de la Stasi qui fit "tomber" le chanchelier Willy Brandt. Ou Richard Sorge*, ou Elie Cohen*. Et Ian Flemming, le "père" de James Bond. Sans oublier Vladimir Poutine qi a "opéré" en "mission" en RDA de 1985 à 1990.


La liste est longue de tous ces hommes qui ont espionné pour le compte de leur pays ou au profit de puissances étrangères, le plus souvent "ennemies".

S'il y a eu des hommes, il y a eu bien évidemment des femmes. 
 
La plus connue, chez nous est sans doute Mata Hari*. Certains historiens s'interrogent sur sa culpabilité.

Une autre française, Violette Morris*, et une britannique parmi tant d'autres, Odette Sansom*.




Louise Marie Henriette Jeanne de Brettignies nait à Saint Amand les Eaux le 16 juillet 1880 au sein d'une famille avec un nom à particule, mais peu fortunée.
 
En 1898, elle suit des études en Angleterre dans des établissements tenus par des Ursulines, puis à Oxford.
 
Elle sera par la suite préceptrice au sein d'une famille italienne à Milan et voyagera en Autriche et en Allemagne où elle sera en contact avec des membres de familles autrichiennes et  bavaroises. Elle est parfaitement trilingue: anglais, allemand et italien.

Dès octobre 1914, Lille, où se trouve Louise, est encerclée par les troupes allemandes. Elle a été recrutée comme infirmière par Germaine Féron-Vrau, responsable locale de la la Ligue Patriotique des Françaises.
 
Dès que Lille est occupée, Louise va s'impliquer aussitôt dans un réseau d'espionnage sous le nom Alice Dubois.

Dans un premier temps, elle va passer plus de trois cents lettres en Belgique, lettres confiées par l'évèque de Lille, Mgr Charost*.
 
Après un stage à Folkestone pour s'initier aux fondamentaux de l'espionnage, elle prend la tête d'un réseau d'espionnage pour le compte de l'armée britannique.
 
Ce réseau, le "réseau Alice", compte une centaine de personnes qui notent les déplacements des troupes allemandes, leurs armements.
 
Grace à ces renseignements, alors qu'il se déplaçait sur le font nord dans le plus grand secret, le train du kaiser Guillaume sera attaqué par l'aviation britannique, sans toutefois atteindre le train impérial.
 
Le réseau fait passer des soldats alliés vers les Pays Bas, prend des photos des tranchées allemandes.
 
Louise fait passer un document qui prévoit une attaque massive sur Verdun au commandement français qui n'en tient aucun compte. Une erreur d'appréciation et d'anticipation qui coûtera très cher aux troupes françaises.
 
Le 20 octobre 1915, Louise se rend à Bruxelles, mais à la gare de Froyennes, elle est arrêtée par des soldats allemands. Ils découvrent sur elle un document compromettant. Au cours de son arrestation, elle reçoit un violent coup de crosse à la poitrine.
Elle est jugée à Bruxelles par les autorités allemandes et condamnée à mort le 16 mars 1916. 

la tombe de Louise de Brettignies à Saint Amand les Eaux
la tombe de Louise de Brettignies à St Amand les eaux

La peine est commuée en travaux forcés à perpétuité. Mais elle meurt le 27 septembre 1918 des suites d'une opération chirurgicale due à un abcès  pleural causé sans aucun doute par ses conditions de détention particulièrement rudes. 

Elle sera décorée, à titre posthume, en 1920, de la Légion d'honneur, de la Croix de guerre avec palme et faite Officier de l'ordre de l'Empire britannique. Elle repose au cimetière de Saint-Amand-les-Eaux.
 
Après la guerre, un historien local affirme que les services secrets allemands auraient bénéficier d'informations venant des services britanniques pour détourner leur attention d'une opération en cours. En effet, les services britanniques étant très cloisonnés, il est surprenant que les arrestations des membres du réseau aient commencé dès la fin juillet 1915.
 
Reculant devant les protestations internationales, seuls, certains membres du réseau, Philippe Baucq* et Edith Cavell*     seront fusillés le 11 octobre 1915. Le reste du réseau, dont Louise, verra leur peine commuée en travaux forcés. 
 
monument en hommage à Louise de Brettignies à Lille


Louise de Brettignies fait partie de l'immense cohorte des anonymes qui ont fait de l'espionnage sans vraiment le savoir, mais qui, considérés comme des espions, ont payé de leur vie leur engagement patriotiqu
e.

timbre commémoratif édité par La Poste en 2018




 
(1) in "le Robert, dictionnaire historique de la langue française", sous la direction de Alain Rey, éditions Dictionnaires Le Robert, 3 ème édition janvier 2000, page 779. 
 
 
 
 

 
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dimanche 30 août 2020

Pourquoi la guerre franco prussienne de 1870?


La guerre franco - prussienne de 1870 - 1871 est relativement peu présente dans les mémoires collectives, sans doute parce qu'éclipsées par les deux guerres mondiales du XXème siècle. 
Si l'on connait bien les causes de ces deux conflits mondiaux, qu'en est-il de celles de ce conflit de 1870 aux conséquences multiples?

C'est sur elles, ses conséquences, mais surtout sur ses causes qui font l'objet de mon billet aujourd'hui. 

la France, vaincue à Sedan le 2 septembre 1870, l'empereur Napoléon III est fait prisonnier et avec lui pas loin de 100 000 soldats. L'armée française est anéantie. 
Napoléon III est renversé et le 4 septembre, la République est proclamée à Paris.

Léon Gambetta*, membre du Gouvernement de la Défense Nationale organise tant bien que mal trois armées chargées de briser l'encerclement de la capitale et de repousser les armées pussiennes. Devant les échecs successifs de ses armées, le gouvernement se résigne à demander l'armistice le 20 janvier 1871, lequel est signé le 28.

Les conséquences pour la France:
  • la France doit payer une indemnité de guerre de 5 milliards de francs or, soit l'équivalent de mille milliards d'euros! Il est à noter que la France, elle, a payé cette somme faramineuse en moins de deux ans. 
  • le roi de Prusse a été sacré empereur d'Allemagne dans le palais des glaces de Versailles  le 18 janvier 1871, consacrant ainsi l'unité de tous les territoires allemands. Un tel sacre en un tel lieu a marqué la volonté de Guillaume 1er* et de Bismark d'humilier la France encore un peu plus;
  • humiliation supplémentaire, et pas des moindres: l'annexion pure et simple de l'Alsace et d'une partie de la Lorraine, ce qui a entrainé l'exode massif d'alsaciens et de lorrains vers la France, mais aussi vers l'Algérie ou l'Amérique latine.
les territoires annexés
Une telle annexion n'a jamais été acceptée par les français, même si, comme l'aurait dit Clemenceau: "l'Alsace Lorraine, y penser toujours, n'en parler jamais." En apparence, le gouvernement impérial allemand essaiera de nouer avec le gouvernement républicain français des relations cordiales sans pour autant ne jamais renoncer à des activités d'espionnage, l'origine de l'affaire Dreyfus en étant une illustration parmi d'autres.

Les conséquences pour la Prusse:

l'empereur d'Allemagne Guillaume 1er


Après avoir vaincu la France, l'Allemagne de Guillaume 1er et de Bismarck devient alors la puissance politique, militaire et économique européenne. En concurrence avec la Grande Bretagne.




Les causes de la guerre.

Tout est parti du départ en exil de la reine d'Espagne, Isabelle II* le 25 juin 1870. Ce départ fait suite à une longue période d'instabilités politiques liées, entre autres, au fait que la reine avait épousé un Bourbon, famille honnie par une bonne partie des nobles et des militaires espagnols. L'exil à Paris d'Isabelle ne met pas fin aux troubles. Son fils, un Bourbon, ne règnera sous le nom d'Alphone XII* qu'à partir de 1874. 

Léopold de Hohenzollern
Le trône espagnol étant alors vacant, le parlement espagnol - les Cortes - propose au prince prussien Léopold de Hohenzollern - Sigmaringen*, de poser sa candidature à ce trône. 
Chacun peut s'interroger: pourquoi aller chercher un prince prussien pour régner en Espagne?
Léopold est marié à Antonia de Portugal, fille de la reine Marie II du Portugal et de son époux Ferdinand II. Ce dernier est un Saxe Cobourg, famille très puissante en Prusse. Et donc, on peut supposer qu'il verrait d'un bon oeil son gendre accéder au trône espagnol. 
Dans un premier temps, Léopold accepte: il est vrai qu'être roi d'Espagne est bien plus valorisant qu'être prince dans une Prusse gouvernée par un roi tout puissant!

Mais le gouvernement français est hostile à ce qu'un prussien, certes catholique, accède au trône d'Espagne.  Le ministre français des affaires étrangères, Agénor de Gramont*, déclare: "la France compte sur la sagesse du peuple allemand et sur l'amitié du peuple espagnol - pour en prévnir l'issue - sinon elle saurait remplir son devoir sans hésitation ni faiblesse." (2) 
Aussi, sur les conseils avisés de son père, Léopold renonce. En effet, Napoléon III ne veut pas être pris en tenaille entre la Prusse à l'est et l'Espagne gouvernée par un prince prussien au sud. D'autant que l'empereur français soupçonne - à raison - le gouvernement prussien dirigé par le chancelier Otto von Bismarck* de vouloir la guerre contre la France.

Otto von Bismarck (par Ludwig Knaus  Wikimedia Commons)
Quelques précisions sur ce personnage qui fut un des artisans, sinon  l'artisan essentiel de l'unité allemande.
Né en 1815 au sein d'une famille d'une petite noblesse pussienne, il suit des études de droit tout en s'adonnant à une de ses premières passions: le jeu.
Ses débuts en politique datent des années 1840 et très vite il est député conservateur au Parlement avant d'entamer une courte carrière de diplomate.
En 1862, il est nommé ministre président par Guillaume 1er. À ce poste, il va consolider la direction très conservatrice de la politique prussienne.
Mais il va aussi, surtout, commencer à mettre en oeuvre son but ultime, à savoir la réunification allemande sous la houlette de la Prusse.

Napoléon III

La renonciation de Léopold au trône d'Espagne ne satisfait pas tout à fait Napoléon III qui va commettre une grossière erreur en demandant à Guillaume 1er de s'engager à ce que la Prusse s'abstienne à l'avenir de toute candidature. Ce que Guillaume refuse mais dans des termes plutôt courtois.
Bismark va alors modifier la réponse en la rendant insultante pour la France et la faire fuiter dans un journal prussien: c'est la fameuse "dépêche d'Ems" qui va pousser Napoléo III à déclarer la guerre à la Prusse.
le texte de la dépêche modifié par Bismarck
Il y a dans cette affaire une manipulation du chancelier prussien qui, d'ailleurs, ne s'en cache nullement. Il sait que l'armée prussienne est à son plus haut niveau, alors que l'armée française est mal équipée et en sous effectif. Et il sait aussi que la dépêche telle qu'il l'a fait paraitre va pousser les français à déclarer la guerre à la Prusse. C'est Napoléon III qui sera donc l'agresseur alors que Guillaume -et Bismarck - sera l'agressé.  

Bismarck a atteint son double objectif: réussir la réunification de tous les états allemands sous la direction de la Prusse et faire de l'empire allemand la puissance dominante en Europe au détriment de la France. Oubliant malgré tout la Grande Bretagne qui n'apprécie pas outre mesure la naissance de cet empire militariste et conservateur.

Ainsi donc, tout est parti de ce qui aurait dû être une banale affaire de succession monarchique, afffaire qui a entrainé une maladresse diplomatique française, laquelle a mis en oeuvre la volonté expansionniste affirmée allemande. 

Quarante trois années plus tard, quatre empires - Allemagne, Autriche-Hongrie, Russie, Grande Bretagne - et une République - France - allaient s'affronter dans une guerre abominable qui allait sceller le déclin européen.

Peut-on y voir une des conséquences de cette guerre franco prussienne de 1870? La question est complexe, mais il me semble que la guerre de 1914 est sans aucun doute une des conséquences de celle de 1870.






(1) Charles de Gaulle en évoquant "le peuple d'Israël", lors d'une conférence de presse le 27 novembre 1967.
(2) in "Histoire de France" de Marc Ferro, éditions Odile Jacob, 2001, pour GLM, page 296.

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la dictée estivale de la Bibliothèque d'Allevard: "la Source des Mots"

  Vendredi 18 juillet, Martine D., professeur de lettres et bénévole associée à la Bibliothèque d'Allevard, la Source des Mots,  a permi...