Anna COLEMAN LADD | |
Bien peu de gens connaissent cette femme née en 1878 à Philadelphie. Et pourtant, en 1917 et 1918, elle a joué un rôle majeur pour aider ceux alors surnommés "les gueules cassées."
Sculptrice, elle a fait ses études à Paris et à Rome.
Général Pershing: "Lafayette, nous voilà" |
Il n'est pas inutile de préciser qu'à la fin de la guerre, près de 1 800 000 soldats américains étaient arrivés en France.
117 000 d'entre eux furent tués et 204 000 blessés.
Anna Coleman Ladd rejoint son mari, médecin, à Paris dès le début de l'intervention américaine.
Un sculpteur, Francis Derwent Wood*, fabrique des masques pour les soldats britanniques blessés au visage.
Anna va s'inspirer de ses travaux. Avec l'aide de la Croix Rouge, elle ouvre un atelier et confectionne des masques pour les soldats français.
Pour mieux façonner le masque qui correspond au soldat blessé, elle fait en sorte de mieux connaitre sa famille, son métier, la région où il habite. Elle tisse des liens entre elle et ceux qui lui sont adressés, des hommes complètement défigurés, souvent rejetés par la société. En effet, ces blessures sont particulièrement atroces et la plupart du temps inopérables.
Son studio est un cadre chaleureux et accueillant, il est fleuri et décoré, de façon à ce que le blessé s'y sente le mieux possible. Car non seulement, elle veut leur donner un "nouveau" visage, mais elle veut aussi leur redonner une dignité.
Dans un article publié après la guerre par le Washington Post, on pouvait lire: "
« Un homme qui était venu nous voir avait été blessé deux ans auparavant
et n’était jamais rentré à la maison », selon un rapport du studio
d’Anna Coleman Ladd, datant de 1919. « Il ne voulait pas que sa mère
voit à quel point il était en mauvais état.
De tout son visage, il ne
restait qu’un seul œil, et après 50 opérations… il est venu à nous »,
dit le rapport. « Les gens s’habituent à voir des hommes avec les bras
et les jambes manquants, mais ils ne s’habituent jamais à un visage
anormal. »
À partir de ces études, elle va confectionner des masques adaptés à chaque soldat qu'elle soigne.
Comme la grande totalité des blessés ne possède pas de photos prises avant la blessure, elle fait d'abord un moule du visage tel qu'il est, puis elle remplit les parties manquantes et galvanisait le résultat dans le cuivre.
Avec l'aide du soldat, elle va petit à petit confectionner le masque définitif qui cachera la blessure et redonnera au soldat un visage supportable, et par l'intéressé et par la famille et la société.
Quand le soldat dit "c'est moi", Anna estime travail terminé.
La guerre terminée, la Croix Rouge ne sera plus en mesure de financer le studio de Anna qui retourne aux États Unis où elle continuera son activité de sculptrice.
Avec ses quatre collaborateurs, elle confectionnera plus de deux cents masques et donc redonnera une dignité aux soldats mutilés en plus d'une vie normale auprès de leur famille et dans la société.
Elle sera faite chevalier de la Légion d'Honneur par le gouvernement français. C'était bien le moins pour cette femme exceptionnelle et généreuse.
Le philosophe et anthropologue François Flahault écrit en 2003 dans les Cahiers de la médiologie:
"Lorsque nous marchons dans la rue, lorsque nous prenons le bus ou le métro, voyant les autres, nous éprouvons spontanément leur présence comme présence humaine. Cette évidence, je l’ai rappelé, est essentiellement due au fait qu’ils ont un visage. Un visage, c’est-à-dire non seulement une face qui présente deux yeux, un nez, une bouche, mais une face que nous percevons comme singulière, chacune distincte de celles qui l’entourent ; et une face manifestant des expressions, c’est-à-dire témoignant d’une attitude, d’une manière d’être, d’un sentiment, d’une intention – de ces états que l’on attribue à une personne. »
Après être passés par le studio de Anna Coleman Ladd, nul doute que ces grands blessés, ces gueules cassées étaient de nouveau une personne.
ANNA COLEMAN LADD |
Une belle image parmi les hommes meurtris. Merci
RépondreSupprimerUne héroïne pure ! J'ai côtoyé des anciens combattants meurtris comme cela lorsque j'étais enfant à Verdun, ils étaient très dignes ces héros. Respect à eux !
RépondreSupprimerBravo pour cet exposé qui aurait mérité une place dans l'exposition Dix et Groß sur la guerre 14-18 au musée de Chambéry en 2018. Laurence
RépondreSupprimerCool,man ! disait-elle à ces hommes auxquels elle permettait de réapparaître comme les humains qu'ils n'avaient jamais cessé d'être.
RépondreSupprimerMerci de m'avoir appris l'existence de cette soeur en humanité !