Félix KIR |
Nous avons tous, plus ou moins, entendu parler un jour du "chanoine Kir". Nous connaissons tous, plus que moins, le "kir", simple, c'est à dire un savant mélange de vin blanc et de sirop de cassis. Pour le royal, au lieu du vin blanc, un champagne brut.
Pour ce qui est du chanoine, y a t-il une relation de cause à effet entre la boisson et ce religieux?
À priori, oui: maire de Dijon en 1945, il organisait parfois des réceptions où était servi ce cocktail.
Mais qui était ce curé, cette figure quasi légendaire, resté dans une certaine mémoire collective? Et pourquoi une telle place dans cette mémoire?
D'origine alsacienne, il est né en 1876 à Alise-Sainte-Reine, un village de la Côte d'Or. Il rentre au séminaire en 1891 et est ordonné prêtre en 1901.
Jusqu'en 1924, il va officier dans quelques paroisses du pays bourguignon. Pendant la guerre, il est affecté dans les services médicaux. En 1931, il est nommé chanoine à Dijon. Pour mémoire, un chanoine est un prêtre chargé de certaines missions spécifiques au sein d'une cathédrale.
Quand l'armée allemande arrive à Dijon en 1940, Kir, bien que faisant partie de la délégation municipale suite au départ du maire, se montre hostile à l'armée d'occupation.
Il profite de cette fonction pour faire évader plus de 5000 soldats de l'armée française retenus prisonniers. Il sera brièvement emprisonné, mais n'exercera plus de fonctions au sein du conseil municipal.
Il est ouvertement hostile au régime de Vichy, ce qui lui vaudra d'être blessé par balles par des membres d'une organisation collaborationniste. Alors qu'il est recherché par la Gestapo, il s'évade pour, le 11 septembre 1944, revenir à Dijon lors de la libération de la ville.
F. Kir lors de la libération de Dijon |
Devenu dès lors une personnalité importante de par ses prises de positions politiques, il est élu maire de Dijon en mai 1945 et dans la foulée, élu conseiller départemental et député. Trois mandats pour un seul homme, c'était la belle époque de ces élus "cumulards"!
Maire de Dijon, député, conseiller général |
En tant que maire de la ville pendant une si longue période, Kir a entrepris plusieurs travaux d'urbanisation dont la construction d'un lac artificiel qui permit de réguler les crues de l'Ouche, une rivière dont les crues régulières posaient de nombreux problèmes aux riverains et aux agriculteurs.
Bien que cette initiative imbécile prise par certains membres du clergé local, soutenue par la hiérarchie catholique, le chanoine Kir, partisan selon lui d'un "catholicisme social", l'a condamnée fermement et, symboliquement, a ressuscité le Père Noël en organisant une contre manifestation.
Député inscrit au parti Centre National des Indépendants et Paysans (CNIP) dont fit partie le président Giscard d'Estaing, il siégeait à l'Assemblée Nationale en soutane. Comme d'ailleurs l'abbé Pierre.
Il était connu également pour ses bons mots, pas toujours d'une grande délicatesse: à un député communiste qui lui affirmait ne pouvant pas croire en Dieu parce qu'il ne l'avait jamais vu, il répondit: "et mon cul, tu l'as pas vu, et pourtant, il existe".
avec N. Khrouchtchev, président di Conseil des Ministres de l'URSS |
En 1960, il rencontre Nikita Khrouchtchev à l'ambassade d'URSS à Paris contre l'avis de son parti. Rencontre qui officialise le jumelage en 1959 de Dijon avec Volgograd, anciennement Stalingrad.
Cette "proximité" avec l'URSS lui vaudra d'être réélu en 1962 contre un candidat gaulliste grâce au désistement au 2ème tour du candidat communiste.
Président de l'Assemblée Nationale lors de la première séance parlementaire de la Vème République |
Félix Kir n'a jamais été gaulliste. Claude Patriat, professeur émérite à l'université de Bourgogne écrit même que Kir était "violemment anti gaulliste."
Pourtant, lors de sa viste à Dijon, le président Français déclare: "En octobre 1944, dans les grandes joies et les grandes espérances de
la Libération, j’avais à ce moment-là, à côté de moi, le maire que vous
avez aujourd’hui."(1)
Le voyage présidentiel se termine à Beaune où ne doutons pas que le Chef de l'État a dû goûter au fameux kir... Mais l'histoire ne le dit pas.
La postérité tient à son parcours politique, d'une longévité particulière. Car, à la différence d'un Chaban-Delmas (maire de Bordeaux de 1947 à 1995), d'un Guy Mollet (maire d'Arras de 1945 à 1975) ou d'un Defferre (maire de Marseille de 1944 à 1946 et 1953 à 1986), il n'a pas eu de rôles marquants pendant la guerre et pas de responsabilités politiques nationales importantes. Il est vrai que sa gouaille et son apparente proximité avec les gens ont joué en faveur du personnage.
Mais le cocktail attaché à son nom, lui aussi, a contribué à son ancrage dans la mémoire collective, en particulier, bien sûr, en Bourgogne.
Mais, les jeunes générations, les enfants des "baby-boomers", leurs petits enfants, savent-ils, quand ils demandent un kir, que cette boisson tire son nom d'un chanoine?
(1) in https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/archives-gaulle-bourgogne-histoire-complexe-1891250.html
disponible à
Très intéressant et bien vu !
RépondreSupprimerquel personnage. Toujours agréable de revenir dans le détail de l'histoire
RépondreSupprimerBel article sur un personnage haut en couleurs et parfait patriote.
RépondreSupprimerMerci Claude, nous apprécierons d'autant plus nos "Kir" futurs.