C'est en lisant le blog toujours bien documenté "Chez jeannette Fleurs"* que j'ai eu l'envie de savoir qui était cette femme, Olga Petit, première femme en France à prêter le serment d'avocat le 6 décembre 1900, une époque où cette profession, comme beaucoup d'autres, était interdite aux femmes.
Olga BALACHOWSKY - PETIT |
Née Sophie Balachowsky en Ukraine qui faisait alors partie de l'empire Russe, le 15 mars 1870 au sein d'une famille aisée de la bourgeoisie ukrainienne, plutôt francophile.
Elle suit des études de droit à Paris à partir de 1888 et fréquente des intellectuels, classés plutôt à gauche, tels Piotr Lavrov* mais aussi Laura, fille de Karl Marx, et son mari Paul Lafargue.*
Eugène Petit |
En 1896, elle épouse Eugène Petit, avocat à la Cour d'Appel de Paris et journaliste politique.
À cette époque, des associations féminines réclamaient le droit de vote pour les femmes (pour cela, il faudra attendre avril 1944!!!), mais aussi l'accès à certains métiers dont celui d'avocat.
La loi du 1er décembre 1900 permet aux femmes munies des diplômes de licencié en droit de prêter le serment d'avocat et donc d'exercer cette profession.
Olga soutient une thèse en droit: "la loi et l'ordonnance dans les États qui ne connaissent pas la séparation des pouvoirs législatifs et exécutifs." Un sujet où elle aborde le système russe de l'époque, mais aussi les lois de la France et d'Angleterre d'avant 1688.
La réussite de cette thèse lui ouvre les portes des prétoires.
la "Une" du Petit Journal du dimanche 23 décembre 1900 représentant la prestation de serment d’Olga Petit |
Un journaliste du Figaro rend compte ainsi de cette cérémonie:
"Sur les réquisitions de M. l’avocat général Jacomy, M. le greffier Piogey lit la formule du serment : « Je jure de ne rien dire ou publier, comme défenseur ou conseil, de contraire aux lois, aux règlements, aux bonnes mœurs, à la sûreté de l’Etat et à la paix publique, et de ne jamais m’écarter du respect dû aux Tribunaux et aux autorités publiques. » Treize licenciés, défilent à la barre prononçant un : « Je le jure ! » la plupart du temps énergique. Puis c’est le tour de Mme Petit. La jeune femme lève la main droite, aux doigts de laquelle on aperçoit plusieurs bagues, et dit : « Je le jure ! » d’une voix légèrement étranglée par l’émotion."
Eugène Petit, le mari d'Olga, neveu de Théophile Delcassé* qui fut ministre et ambassadeur à Moscou, est en 1916, est chef de cabinet à la Présidence du Conseil. Parlant et écrivant couramment le russe, il est envoyé en mission à Pétrograd de 1916 à mars 1918, au tout début des révolutions russes, puis à la prise du pouvoir par les bolchéviks.
Sa femme sera à ses côtés et expliquera l'effort de guerre de la France auprès de ses nombreux amis russes.
Il s'agit alors de garder l'armée russe aux côtés des alliés de la Triple Entente. Mais Lénine au pouvoir signera le traite de paix de Brest-Litovsk avec l'Allemagne en mars 1918.
Revenue en France, Olga intervient auprès des autorités françaises pour aider de nombreux intellectuels et politiques russes réfugiés en France.
Yvan Bounine |
Ainsi, Ivan Bounine*, premier russe à recevoir le prix Noble de littérature en 1933.
Mais aussi des philosophes, des écrivains, des critiques littéraires, des musiciens.
Elle organise des rencontres entre intellectuels et politiques, ainsi Nabokov, Keransky ou Maklakov.
Elle fait jouer ses relations pour faire obtenir à ses amis russes des permis de séjour et de travail.
Par la suite, elle fera don aux Archives Nationales de France de lettres de plus d'une centaine de personnalités russes.
À la Bibliothèque Nationale de France, elle a fait don de sa correspondance avec des personnalités du monde littéraire et de celle de son mari décédé en 1938.
Jeanne Chauvin |
Olga Petit est la première femme à devenir avocat, suivie quelques jours plus tard de Jeanne Chauvin* Ce fut elle qui fut la première à plaider devant une Cour.
Comme le montre cette gravure du XIX ème siècle, le rôle dévolu à la femme est encore majoritairement lié aux tâches domestiques et/ou ménagères.
Dans le domaine de la justice, il faudra attendre avril 1946 pour qu'elles puissent devenir magistrates.
Olga Petit s'est éteinte en 1966, à 96 ans. Sa carrière d'avocate a été discrète et je n'ai pas trouvé de traces de ses plaidoiries ou des justiciables qu'elle a eu à défendre.
Néanmoins, il m'a paru intéressant d'évoquer cette femme qui, la première, a brisé le plafond de verre du monde judiciaire.
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