samedi 16 novembre 2019

le mur de Berlin

Dans la nuit du 13 au 14 août 1961, le gouvernement est-allemand, avec l'accord du pacte de Varsovie, fait ériger un mur entre la partie occidentale dévolue à la France, aux États Unis et à la Grande Bretagne, et la partie orientale dévolue à l'URSS, officiellement "un mur de protection anti fasciste."

Il faut remonter un peu dans le temps pour comprendre ce qui a pu conduire à un tel évènement, c'est-à-dire à la conférence de Yalta en février 1945 qui a réuni le président américain Roosevelt, le premier ministre britannique Churchill et le président soviétique des commissaires du peuple Staline. Il y est décidé, entre autres, du partage de l'Allemagne en quatre zones: une dévolue à l'URSS, une autre aux USA, une autre à la Grande Bretagne et une autre à la France (la zone française étant prise sur celles des USA et de la GB).

Cette conférence prévoit également "un ordre mondial régit par le droit". Cela signifie que chaque pays libéré pourra choisir librement son régime politique et que des élections libres auront lieu dans chacun de ces pays. Staline approuve sans protester la proposition de Roosevelt.

On sait depuis 1947 ce qu'il est advenu de cet "ordre mondial régit par le droit" dans les pays de la zone d'influence soviétique...

En mai 1949, la République Fédérale d'Allemagne (RFA) est créée, avec Bonn pour capitale, les alliés occidentaux maintenant leur occupation militaire. 

La RFA intègre l'OTAN* en 1954 et a sa propre armée en 1955. Elle s'engage dans une politique de rapprochement avec la France, puis dans la création de la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier) en 1950, dans la CED (Communauté Européenne de Défense) et adhère à la CEE en mars 1957 (Communauté Économique Européenne). 

En octobre le même année, les soviétiques créent la République Démocratique d'Allemagne (RDA), avec un pouvoir communiste inféodé à Moscou, avec pour capitale Pankow, dans la banlieue de Berlin.
Elle choisit la planification soviétique et le collectivisme. Elle rejoint le COMECON* en septembre 1950 et le Pacte de Varsovie en mai 1955*, en réponse à l'adhésion de la RFA à l'OTAN l'année précédente.


En 1953, la situation économique en RDA est fortement dégradée. Des émeutes à Berlin éclatent, remettant en cause le pouvoir communiste. À la demande des autorités, les manifestation sont réprimées dans le sang par l'armée rouge.

Face aux situations politiques et économiques, les allemands de l'est fuient vers l'ouest. Jusqu'en 1961, on en comptera plus de 3,5 millions. Ce qui n'est pas sans conséquences économiques, démographiques et bien sûr politiques pour la RDA.


Staline est mort en mars 1953. Nikita Khrouchtchev lui succède après avoir éliminé Lavrenti Béria*, son principal concurrent. 

Le 24 février 1956, lors du XXème congrès du PCUS, il dévoile un rapport secret faisant état des crimes de Staline: c'est le début de la "déstalinisation". Les puissances occidentales et les peuples des démocraties populaires gouvernées par les partis communistes aux ordres de Moscou pensent que la politique de l'URSS va s'assouplir pour aller vers plus de démocratie. 

Il n'en est rien et le peuple hongrois en fera l'amère expérience quand sa tentative d'octobre novembre 1956 de chasser le pouvoir communiste local sera écrasée dans le sang, toujours par l'armée rouge. 

La politique de "coexistence pacifique" voulue par les gouvernements soviétiques depuis Staline montre ainsi ses limites.
L'éditorial non signé du Monde le 6 novembre 1956 se termine ainsi: "Quant à la détente entre les deux blocs, Moscou lui a porté un coup peut-être mortel. Alors qu'un lourd silence enveloppe la capitale hongroise, beaucoup, songeant au "coup de Budapest", évoquent "le coup de Prague" qui marqua le début de la guerre froide et l'accélération de la course aux armements." (1)


Le quotidien des berlinois, bien sûr, va en être bouleversée. Si, à ses débuts, le mur est assez rudimentaire, il va très vite se "perfectionner".

Des barbelés et des soldats (les Kampfgruppen der Arbeitklasse: groupes de combat de la classe ouvrière) vont, dès le 13 août 1961, très vite être remplacés par des poteaux de béton et des rangées de fils barbelés pour, à partir du 15 août être remplacés à leur tour par des plots de grande taille surmontés de deux rangés de moellons. 
Dans le même temps, toutes les habitations proches du mur sont vidées de leurs habitants. 

Toutes les lignes ferroviaires sont fermées sauf une. Les tunnels du métro sont bouchés. 

Au fil des années, l'imagination des dirigeants est allemands fera de ce mur un obstacle de plus en plus sophistiqué, impossible à franchir. Par exemple, pour résister à l'impact d'une voiture, les poteaux de béton (hauts de 3 à 4,5 mètres) qui enserrent les plaques de béton sont enfoncés à 75 cm dans le sol! Sans oublier un chemin de ronde parcouru nuit et jour par les VoPos* et des miradors équipés de puissants projecteurs, mais aussi des mines anti personnel. (en 1983, sous la pression internationale, ces mines seront retirées) .

Bref, une volonté paranoïaque de tout mettre place pour que ce mur soit infranchissable.

136 personnes paieront de leur vie* leur tentative de passer à l'ouest. Plus nombreuses dans les cinq premières années. La plupart seront abattues par les VoPos. 
Ces militaires forment une troupe particulièrement politisée, ce qui est logique puisque leurs missions consistent, par tous les moyens, à empêcher leurs concitoyens de passer à l'ouest. Dans leur formation, si les questions militaires sont importantes, les questions politiques le sont tout autant au moins, sinon plus. Dans la mesure où elles servent au plus près de la frontière, les troupes affectées à la surveillance du mur se doivent d'être particulièrement sures.

Le mur de Berlin perdurera jusqu'au 9 novembre 1989.

Comme sa construction a été la conséquence d'une affirmation - illusoire - du régime communiste, son ouverture a été la conséquence de la dégénérescence des régimes communistes en Pologne, en Hongrie, sans oublier la perestroïka et la glasnost à Moscou. Et bien sûr, les Montagsdemonstrationen* qui, tous les lundi réunissaient des dizaines de milliers de manifestants aux cris de "wir sind das Volk", "nous sommes le peuple" à Leipzig d'abord, puis ensuite dans toutes les villes de la RDA. 

Ces manifestations, pacifiques, initiées par des pasteurs ont grandement contribué à remettre en cause le pouvoir communiste et à ouvrir la voie à la chute du mur dans un premier temps et à la réunification de d'Allemagne dans un second temps.


Les démocraties du monde entier en général, l'Allemagne en particulier ont célébré la chute de ce symbole de l'impuissance politique d'un régime qui n'avait d'autre légitimité que celle qui lui avait donnée Staline.

Impuissance politique parce que en être réduit à tout faire, même l'impensable, pour que son peuple ne fuit pas à l'étranger est la marque d'un pouvoir illégitime tyrannique.


Pour écrire ce billet, j'ai consulté quelques revues et livres que j'ai dans ma bibliothèque, internet bien évidemment, mais aussi le premier numéro de la "Revue d'Histoire Européenne."



(1) in "Staline dépassé", éditorial du Monde du 6 novembre 1956, "la guerre froide, 1944 - 1994, numéro spécial des dossiers et documents du Monde, octobre 1994, page 57

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