Chaque commémoration, chaque hommage donne lieu à une minute de silence. Souvent, je me suis posé la question de savoir de quand datait cette tradition et quelle en était la raison.
Je me suis donc décidé et je suis allé "surfer" sur internet, les différentes recherches dans mes bouquins n'ayant pas été vraiment concluantes.
La minute de silence était à l'origine un hommage collectif et unanime rendu à ceux qui étaient morts pour la patrie. Aujourd'hui encore, chacun se tient debout, les militaires au garde à vous. En l'occasion, nul ne saurait adopter une attitude nonchalante ou dilettante.
Pour Patrick Boucheron*, historien, cela tien d'un rituel laïque. Ne rien dire, garder le silence ensemble s'assimile à une forme de prière non religieuse.
L'origine, pourtant, viendrait du Portugal, en 1912, lors de la mort d'un ministre brésilien, lequel ministre aurait été le premier à reconnaitre la République portugaise proclamée le 5 octobre 1910.
Mais c'est après la fin de la première guerre mondiale que cette minute de silence a été instituée. En Grande Bretagne: à la onzième heure du onzième jour du onzième mois de l'année 1919, le roi Georges V, reprenant l'idée d'un journaliste australien, Edward Poney, décide qu'à cet instant précis, chaque britannique et chaque membre du Commonwealth devra se figer pendant deux minutes en hommage à tous les soldats tués pendant la guerre.
Poney était scandalisé par les commémorations bruyantes, indignes selon lui et il proposait un silence de cinq minutes. Ce temps, jugé trop long, sera ramené à deux minutes, une pour les morts, l'autre pour les vivants.
Aujourd'hui encore, dans tout le Royaume Uni, ce sont deux minutes qui sont observées.
En France, une loi d'octobre 1919, sous la pression des anciens combattants, est votée pour la commémoration et la glorification des soldats morts au cours de la guerre. On tirera le canon et les cloches sonneront tous les 11 novembre: cette journée sera désormais celle de "la fête de la victoire et de la paix." Elle sera fériée et chômée. Mais ce n'est que le 11 novembre 1922 que sera respectée la minute de silence.
Cette année-là, sans doute parce que peu de gens étaient au courant parmi la foule très nombreuse autour de l'Arc de Triomphe, la minute de silence n'a pas été respectée. En conséquence, le Président de la République, Raymond Poincaré a fait observer une seconde minute qui, elle, sera respectée.
Pour mémoire, au cours de cette guerre, la France avait perdu 1,5 million d'hommes, tués au combat ou morts de leurs blessures. Mais aussi elle comptait 600 000 veuves et 1 million d'orphelins.
Mes recherches sur cette minute de silence m'ont emmené vers les commémorations qui ont suivi la fin de cette guerre. Partout en France, dans chaque village, dans chaque ville, des fêtes ont été organisées: il fallait fêter la victoire, le retour des soldats et des prisonniers, mais aussi rendre hommage à ceux qui n'étaient pas revenus et à ceux qui revenaient éclopés, ceux que l'on a appelé les "gueules cassées."
À travers ces festivités, c'était l'Union Sacrée qui se trouvait prolongée. Cette Union Sacrée lancée dès le début de la guerre par le président Poincaré et qui rassembla, pour un temps, une bonne partie des partis politiques et des syndicats. Mais une Union Sacrée uniquement au niveau des citoyens, au niveau local: au niveau national, la politique et les partis avaient repris leurs droits.
Ces fêtes pourtant sont un mélange de joie et de douleur et cela pèse souvent sur l'ambiance. Pour les familles dont un proche a été tué, il ne peut y avoir qu'un rappel douloureux de l'absence de l'être aimé.
Souvent, le matin pour les morts: messe, dépôts de gerbes, recueillement. L'après midi, pour les poilus, les vivants, banquets, bals...
Dans son livre fort bien documenté, "la victoire endeuillée", Bruno Cabanes* cite une écrivaine, Jane Catulle-Mendès*, dont le fils a été tué en 1917. Elle appréhende la victoire, pourtant si ardemment désirée avant: "La victoire ne peut plus m'être un bonheur. Elle n'est plus qu'un droit, si grand, si triste." Le mois suivant, le 14 juillet 1917: "Je n'irai pas. La seule pensée de ces beaux soldats, pareils à lui, qu'on acclamera dans la lumière, me fait effondrer d'un irrépressible désespoir." (1)
Les drapeaux, eux aussi, ont une grande importance: à leur hampe sont accrochées des décorations, des citations, témoignages des troupes dans leurs combats victorieux. Ils symbolisent à eux seuls l'unité de la nation. En s'inclinant, c'est donc la nation toute entière qui rend alors hommage aux morts.
Ils sont aussi un motifs de fierté sinon d'orgueil pour les militaires survivants. Aujourd'hui encore, les drapeaux sont parties prenantes de toutes les cérémonies commémoratives et, pour celui ou celle qui porte le drapeau, c'est un honneur recherché.
Qu'en est-il aujourd'hui de cette minute de silence. Elle est toujours, à la limite plus que jamais, d'actualité. Pour les commémorations ou la fête nationale. Mais aussi pour beaucoup de manifestations, d'évènements tragiques. Ainsi lors des attentats commis en France ces dernières années, des minutes de silence ont été respectées partout, à la même heure. Même si certain(e)s se sont crus obligés de s'en abstraire.
Parfois aussi, avant des compétions sportives: lors de la dernière coupe du monde de rugby au Japon, avant chaque match, une minute de silence en hommage aux victimes de l'ouragan qui avait traversé le pays auparavant.
Dans un tout autre ordre d'idée et pour finir sur une note humoristique, cette phrase trouvée par hasard sur internet:
(1) in "la victoire endeuillée" de Bruno Cabanes, éditions du Seuil, collection Points Histoire, 2004, page 468.
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