mardi 11 août 2015

Une nuit du 4 août ... 20...?

En introduction de mon dernier billet il y a quelques jours, j'écrivais que la nuit du 4 août 1789, nuit pendant laquelle fût proclamée l'abolition des privilèges, j'écrivais donc que cette nuit-là n'avait rien perdu de son actualité. Un de mes correspondants m'a demandé d'expliciter cette affirmation. Dont acte.

Je ne reviendrai pas sur les privilèges abolis en 1789, chacun les connait. Bien évidemment, ceux de cette époque ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux d'aujourd'hui. Encore que ne soit pas si évident.

Dans son article 2, la Constitution de 1958 affirme: "la devise de la République est "Liberté, Egalité, Fraternité". Cette devise prend sa source dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, adoptée le 26 août 1789.

Dans l'esprit des Constituants de cette époque, l'égalité était l'héritière naturelle de la fin des privilèges: égalité devant la loi, égalité des droits et devoirs, égalité des chances, égalité sociale.

Il faut bien reconnaitre, hélas, qu'il y a loin de la coupe aux lèvres. Etant quand même entendu que l'égalité parfaite n'a jamais existé, hier pas plus qu'aujourd'hui et bien moins que demain.
Pour autant, petit à petit, l'égalité chez nous est devenue un gros mot. Au mieux, elle est un concept, au pire un fantasme, voire une utopie dangereuse.

A partir de 1945, le programme du Conseil national de la Résistance a été appliqué par le gouvernement du général de Gaule, puis par les gouvernements suivants. Ce programme prévoyait la mise en place de diverses lois destinées à établir un nouvel équilibre dans la société, à partir de nationalisations de grandes entreprises privées et de programmes sociaux divers. Les résultats de ces politiques appliquées après la guerre ont donné lieu à ce que l'on a appelé "les Trente Glorieuses".

Mais à partir des années 70 - 80, les choses ont changé: la classe politique française, à la remorque des américaines et anglaises, a petit à petit abandonné ses pouvoirs à une classe économique dominée par les financiers. Sans rentrer dans le détail, tout a changé dans l'ordre économique: la haute finance, les banques, les grandes entreprises et avec elles, les spéculateurs, les fraudeurs, les agences de notation, tout ce beau monde a pris le pouvoir au détriment des politiques, lesquels politiques se sont laissés faire, voire ont même encouragé cette néfaste évolution.

Et c'est à partir de la fin de cette période, celle des Trente Glorieuses, que nous sommes entrés dans "les trente piteuses", expression inventée par Nicolas Baverez, pourtant un libéral convaincu et militant.

Se sont alors enclenchées des politiques de régression sociale sans précédent dont le chômage de masse a été un des outils préférés, mais pas le seul. Et donc, les plus riches ont été de plus en plus riches; les moins riches ont été de moins en moins riches; et les plus pauvres de plus en plus pauvres.

L'argent est devenu, au fil des ans, LA valeur universelle, la seule valeur qui compte et à partir de laquelle une nouvelle société s'est construite pour qui l'égalité,  la justice, le droit ne sont que des incongruités méprisables et méprisées.

Alors, quid des privilèges?

Un privilège n'est rien d'autre qu'un passe droit que certains se sont arrogés au détriment des autres. Et ce passe droit passe toujours par l'argent, ou par les relations que cet argent procure.

C'est ainsi que naissent les privilèges. Ou plus exactement, dans le cas qui nous intéresse, renaissent les privilèges.

Il importe donc de remettre en cause ces multiples privilèges, privilèges qui vont du non paiement de l'impôt à l'aide d'artifices multiples à un népotisme sournois qui encourage la reproduction des élites en passant par les rentes qu'assurent l'exploitation maximale des salariés du monde entier, devenus les variables d'ajustement des rentiers en tout genre.

Il y en a bien d'autres, bien sûr, mais il ne s'agit pas ici d'en dresser l'inventaire.

Entendons nous bien: il ne s'agit pas d'aboutir à une société égalitaire, où chacun aurait le même salaire et les mêmes vêtements. Il ne s'agit pas de niveler par le bas, mais au contraire, par le haut.

Non, il s'agit de remettre la finance à sa place, à sa vraie place, c'est-à-dire au service de tous les citoyens et non pas d'une classe de rentiers; c'est-à-dire au service de toutes les entreprises et non pas de monstres anonymes, sans foi ni loi.

Alors, oui, il faudra une nouvelle nuit du 4 août. 

Les Constituants de 1789 nous ont montré la voie. Même si cette voie a par la suite été pervertie pour diverses raisons, ils ont redonné de l'oxygène à une société qui en avait besoin.

Il me semble que nous sommes revenus à ce point de départ.



Angèle-Cartier-couv-6
"Angèle Cartier"
                                                                   de Claude BACHELIER
                                                                   www.zonaires.com

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