lundi 31 août 2015

Ci-après le texte, légèrement modifié, de la conférence que j'ai donnée la semaine dernière à Allevard, ayant pour thème "de la Marine en bois à la Marine en fer, avec le diaporama correspondant.




Dans l’ADN du patrimoine allevardin figure une frégate : La Gloire. Sans doute vous demanderez vs pourquoi le patrimoine d’un village de montagne possède t-il un tel ADN. Tout simplement parce que ce navire, la Gloire, a été le premier navire au monde à posséder un blindage et que la moitié des plaques de fer de ce blindage ont été conçues et fabriquées par les Forges d’Allevard. Ce qui n’est pas une mince affaire quand on sait que la petite entreprise allevardine était en concurrence avec des entreprises dix fois plus grosses qu’elle et avec des relations bien plus haut placées. Mais la volonté du patron de l’entreprise, Eugène Charrière et le savoir faire des ingénieurs et des ouvriers a permis d’équiper ce navire, une première mondiale. Pour diverses raisons, cette belle aventure de haute technologie ne s’est pas prolongée et c’est bien dommage. J’y reviendrai plus longuement tout à l’heure.

Et c’est en écrivant l’histoire de cette aventure dans l’Allevardin le journal local, avec Noëlle et J. Pierre Macian et Dominique Voisenon que m’est venue l’idée de retracer une sorte de chronologie entre les premières pirogues et les bâtiments modernes d’aujourd’hui. Vous pouvez retrouver cet article écrit à quatre mains sur le blog de l’AMPA .

Donc je vous propose de faire une grande traversée dans le temps et pour commencer cette traversée, de retourner au mésolithique, soit à peu près 6 à 8000 ans avant notre ère. 
Imaginez un groupe de chasseurs sui poursuit un troupeau de cerfs. A cette époque, les hommes se nourrissaient de chasses et à de cueillettes. 

Mais les cerfs ont la bonne idée de traverser la rivière et nos chasseurs se retrouvent gros jean comme devant car ils ne savent pas nager et la rivière est profonde.
Un de ces chasseurs, plus malin que les autres, a une idée : « mettons un  tronc d’arbre à l’eau  et en nous asseyant dessus, nous pourrons ainsi traverser la rivière ». Sauf qu’un tronc d’arbre, c’est rond et à peine assis dessus, nos chasseurs se retrouvent à l’eau. Alors, le même chasseur a une autre idée : »creusons ce tronc d’arbre et nous pourrons nous y installer sans crainte ». Effectivement, nos chasseurs ont pu traverser la rivière : le premier navire, la pirogue monoxyle, venait d’être inventé: « pirogue MONOXYLE », c’est-à-dire de pirogues faites d’une seule pièce de bois. 
Ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que, à la même époque et à quelques siècles près, dans différents endroits du globe, des hommes ont fabriqué de telles pirogues puisqu’on en a retrouvé aussi bien en France qu’en Amérique Centrale en Afrique et même en Océanie. 


Avant d’aller plus en avant dans les différentes évolutions des navires, je voudrais m’arrêter quelques instants sur les découvertes, sur les outils qui ont permis ces différentes évolutions. 

Dès l’instant où les navigateurs se lancent de plus en plus loin en haute mer, pour pécher ou commercer, il faut des navires plus solides et donc fabriquer des coques qui puissent résister aux tempêtes.

Les navigateurs ont eu alors l’idée de tailler de longues planches dans les arbres et de les assembler pour former le bordage qui sera assemblé avec tenons et mortaises.  Système qui permet une grande solidité tout en étant très souple. Et pour assurer l’étanchéité, ils ont calfaté, c’est à dire qu’ils ont rempli les espaces entres les planches avec différents matériaux, comme de la filasse, recouvert de goudron, opération effectuée par le calfat. 

La voile. Certains peuples d’Océanie auraient navigué à la voile environ 4000 ans avant notre ère. On mesure l’importance de cette voile puisqu’il suffit de se mettre au vent pour avancer plus vite et plus loin. Il existe bien sûr différents modèles de voile, en fonction des pays. 


Le gouvernail d’étambot : jusqu’alors, on dirigeait le navire à l’aide d’une ou deux immenses rames à l’arrière, ce qui n’était guère aisé par gros temps ou avec un vent contraire. Au 10èmesiècle, des navigateurs nordiques inventent le gouvernail d’étambot, c’est à dire une pièce de bois fixée à la poupe du navire et qu’il sera facile de diriger grâce à une barre, horizontale au début, appelée barre franche ou timon, puis barre à roue. Tous les bâtiments modernes possèdent un joystick, même les plus gros. 

L’astrolabe : inventée sans doute au 1 er ou 2ème siècle avant notre ère, elle permet de mesurer la hauteur des astres (par ex l’étoile polaire) par rapport à l’horizon et de connaitre l’heure exacte et de  savoir où l’on est. 

La boussole : là-aussi peu de certitudes sur la date de son invention ; ce sont sans doute les chinois qui l’ont inventée et les arabes qui l’ont introduite en Europe. Elle donne systématiquement le nord magnétique et donc l’est, le sud et l’ouest. Aujourd’hui, pour la navigation, on utilise plus le compas que la boussole.

Il y a eu d’autres inventions au cours des siècles, mais celles-là ont été déterminantes dans l’évolution de la navigation et des navires.

Les grecs, les romains, les phéniciens sont de grands navigateurs, en particulier les phéniciens et cela dès 900 ans avant notre ère. Ils ont été les premiers à faire le tour de l’Afrique en passant par l’est et en remontant les côtes africaines par l’ouest. Ils ont même navigué jusqu’en Bretagne où ils venaient acheter de l’étain. Bien sûr, ils ne s’aventuraient pas en haute mer, mais pratiquaient le cabotage. Ils avaient pour protéger leurs commerces, des galères appelées pentécontore des barques de 25 mètres et 50 rameurs, avec à l’avant un éperon en bronze pour éperonner les navires grecs ou romains, sensiblement les mêmes.

Bien plus tard, au XVI ème siècle, il y aura encore des galères, mais plus pour la parade que pour le combat ou le commerce : ainsi cette réplique de la galère royale de Don Juan d’Autriche de 1571, exposée au musée naval de Barcelone.

Plus tard, aux environs du VIII ème siècle après JC, les Vikings font leur apparition aussi bien en Méditerranée qu’en Mer du Nord ou sur l’Atlantique. Ce sont des marins créatifs et intrépides. Ils construisent des bateaux légers et réactifs. Le mat est facile à dresser ou à abattre. Ils utilisent une voile carrée qui permet de remonter facilement au vent (louvoyer).

A partir du XIVème siècle, l’architecture navale va être complètement révolutionnée avec l’apparition des caraques et des caravelles. Dans un premier temps, ces nouveaux navires n’auront pas de fonctions militaires : c’est l’époque des grandes découvertes : en 1492 Christophe Colomb part de Lisbonne et arrive aux Caraïbes avec deux caraques et une nao.  La caraque de Colomb pèse 200 tonnes, quelques nœuds suivant le vent, avec un équipage d’une trentaine d’hommes. Ce sont les premiers qui s’aventurent vraiment en haute mer puisque Colomb traversera l’Atlantique d’est en ouest et retour, et cela à 4 reprises. L’utilisation de l’astrolabe et de la boussole aura grandement facilité la traversée et les notes que Colomb a prises sur son journal de bord nous renseignent  sur ses calculs pour ses traversées et ses interrogations quant à la forme de la terre.. 

C’est à peu près à cette époque qu’apparaît l’artillerie embarquée. Jusqu’alors, les abordages étaient quasiment la seule règle. La mise en place de sabords derrière lesquels des canons pourront être installés.

Les diverses flottes françaises, anglaises, espagnoles seront donc composées de plusieurs catégories de bâtiments :
·      Les bricks  
·      Les frégates 
·      Les vaisseaux de ligne ou « gros cul » : coque en bois de chêne ; 57 m de long, 15 de large et 760 hommes. 80 à 100 canons ; 
Pendant le règne de Louis XIV plus de 380 vaisseaux furent lancés. 

La marine britannique est sans conteste la marine la plus puissante, la mieux équipée, avec des équipages bien entrainés. Même si au sein de cette marine, les recrutements forcés et les châtiments corporels sont la règle. 

Au cours de la guerre d’indépendance américaine, en 1781, la Royal Navy sera pourtant mise en échec par la précision des tirs de l’artillerie embarquée de la flotte de l’amiral français de Grasse au cours de la bataille navale de Chesepeake, empêchant les forces britanniques de secourir le général Cornwallis et provoquant la chute de Yorktown et accélérant ainsi l’indépendance américaine. 

C’est alors que se produit une évolution, que dis-je, une révolution : l’apparition des machines à vapeur sur un bateau. 

Le moteur à vapeur proprement dit a été développé par Watt, puis par Cugnot dans la seconde moitié du 18ème siècle. 
C’est un français, Jouffroy d’Abans qui a, le premier, l’idée d’installer un tel moteur sur un bateau en 1783. Mais pour diverses raisons, son projet n'a pu être mené à son terme.

L’américain Robert Fulton s’installe à Paris. C’est un inventeur prolifique : en 1800, il créé un sous marin, le Nautilus, dont les essais en mer sont concluants. Refus du Directoire. Puis il propose à Bonaparte de construire une flotte de bateaux à vapeur pour envahir l’Angleterre. Nouveau refus. 
Il retourne aux USA et met à l’eau, en 1807, le Clermont, navire à aubes et créé la première liaison commerciale à vapeur entre New York et Albany, sur l’Hudson.

L’inconvénient majeur de la vapeur réside dans le poids de la machine, la place qui lui est nécessaire, mais aussi dans l’énorme quantité de charbon qu’il faut embarquer. Sans compter la fiabilité très aléatoire des machines. Ce qui explique que ces bâtiments mettront un certain temps à s’imposer. 

Le premier navire de guerre à vapeur, le Napoléon fut lancé en 1850. 

Avant que de poursuivre plus en avant, je voudrais m’arrêter quelques instants sur des navires magnifiques : les clippers.

Ce sont des navires exclusivement commerciaux, rapides, fiables et d’une élégance certaine. Les premiers sont apparus en 1815 aux USA. Transportant des produits très chers comme le thé, des épices, voire de l’opium, ils doivent aller très vite. Le Flying Cloud en 1854 reliera New York à San Francisco via la cap Horn en 87 jours !

Ce sont le plus souvent des trois mats avec une voilure impressionnante qui peut atteindre une cinquantaine de voiles. Le « Great Republic », lancé en 1853, fut sans doute le plus grand des clippers en bois jamais construit : jugez plus tôt : 122m de long, 16 de large, 7,6 de tirant d’eau, 6400 m2 de voile, 19 nœuds et 5000 tonnes. 
A partir de 1869, la construction en fer se généralise. Mais la construction du canal de Panama et de celui de Suez va marquer la fin de ces superbes lévriers des mers. Quelques uns subsistent dont le Belém français.

Mais revenons à nos marines de guerre et plus précisément à la Marine en fer.

La guerre de Crimée, de 1853 à 1856, opposa l’empire russe à une coalition regroupant la France, la Grande Bretagne et l’empire ottoman.
Cette guerre révéla, entre autres, une artillerie plus efficace, plus précise et donc plus meurtrière.  Ces armes nouvelles, telle le canon Paixhans utilisé par la Marine russe lors de la bataille de Sinope au début de la guerre contre la Marine turc mirent à mal les coques en bois, même si les différentes marines sur place ne jouèrent pas un rôle essentiel lors de cette guerre.
En 1855, les français bombardèrent des forts russes à Kinburn à partir de trois batteries flottantes en fer. L’artillerie embarquée fut très efficace et l’artillerie russe, pourtant bien équipée, ne put venir à bout  des blindages des batteries. 

Au vu de cette expérience, la réflexion est lancée au sein de la Marine française sur l’idée de la construction d’un bâtiment disposant d’un blindage en fer. Bâtiment qui serait bien sûr plus rapide, plus manœuvrier que ne l’étaient les batteries flottantes. 

C’est l’ingénieur naval Dupuy de Lôme (auteur en 1847 d’un « mémoire sur la construction de bâtiments en fer ») qui va piloter cette réflexion et qui lancera la construction de la frégate la Gloire, frégate dont je vous parlais au début de mon propos. Ce sera le premier navire au monde avec un blindage de fer : 5600 tonnes, 78 m de long, 17 de large, un moteur à vapeur, 8 chaudières et 1100 m2 de voiles et une vitesse de 13 nœuds. La grande nouveauté réside dans le blindage de 120 m/m en fer forgé. 

La moitié des plaques de blindage de ce navire ont été conçues et fabriquées ici, à Allevard. Je terminerai sur cette frégate en précisant qu’un spécimen de chaque plaque de blindage était testé au fort de Vincennes. A l’entrée de notre musée, il y a une plaque issue de ces essais.

Sans vouloir nous hausser du col ou verser dans un chauvinisme hors de propos, il faut bien reconnaître que l’attribution du marché de la fabrication de ces plaques à une petite entreprise provinciale telle que les Forges d’Allevard est la reconnaissance explicite du savoir faire et de la compétence de ses ingénieurs et de ses ouvriers. Il est vrai que l’on ne peut que regretter que cette aventure industrielle et technologique n’ait pas eu de suites.

D’autant que si les français ont été pionniers en la matière, ils ont été très vite dépassés par leurs alliés britanniques, toujours soucieux de conserver la maitrise des mers. Ils lancent en 1860 le HMS Warrior, un monstre de 127 m de long, 18 de large, pour 9200 tonnes, 4500 m2 de voilures à une vitesse 15 nœuds. Si le blindage est à peine plus épais que celui de la Gloire, il en diffère par la mise en œuvre : 114 m/m de fer forgé, 381 m/m de teck et un blindage de fer.

Aux Etats Unis, la guerre de sécession de 1861 à 1865 donnera lieu aux premières batailles navales entre cuirassés.
Le premier combat a lieu les 8 et 9 mars 1862 entre deux cuirassés, le Monitor et le Merricmack. (50). Ils ressemblent plus à des sous marins qu’à des navires de surface. Les dégâts que sont infligés mutuellement ces deux navires sont insignifiants. Par contre, ceux qui ont été coulés étaient en bois. 
Ce qui a sonné quasiment définitivement le glas de la Marine en bois.

Les blindages se révèlent donc être très efficaces face à l’artillerie. Tellement efficace qu’une nouvelle tactique se fait jour, dont l’origine remonte à l’Antiquité : l’éperonnage. Il s’agit d’équiper les navires d’éperon sur la proue au niveau de la ligne de flottaison et de foncer sur l’adversaire et l’éperonner par le travers. Cette tactique ne sera vraiment mise en œuvre que lors de la guerre entre l’Italie et l’Autriche, en 1866. Le cuirassé autrichien « Ferdinand Max » éperonnant le navire amiral italien « Ré d’Italia » l’enverra par le fond en quelques minutes. 

La guerre russo-japonaise de 1905 qui vit la défaite de la marine russe sonna le glas de l’éperonnage dans la mesure où l’artillerie reprit toute sa place grâce à de nouveaux canons et à une nouvelle arme destructrice : la torpille.

Les décennies 1890 – 1900 voient une concurrence féroce entre les marines européennes. Dans cette course, ce sont les britanniques qui dégainent le plus vite avec le lancement  en 1906 du « Dreadnought ». 
Ce navire est vraiment révolutionnaire :
8 turbines à vapeur et 18 chaudières (traversées 7000 kms à 17,5 nœuds sans aucune avarie
Concernant l’artillerie principale, un seul calibre pour les obus : de 305 à 381 m/m et des canons de 76 m/m.
161 m de long, 26 de large et 8 de tirant d’eau pour un poids de 18000 tonnes.

Bien sûr, l’Allemagne imitera la GB, ou plus exactement tentera de l’imiter en lançant le Nassau en 1905, mais qui ne sera en rien comparable au Dreadnought britannique.

On pourrait croire que la 1ère guerre mondiale aura été, si j’ose dire, le terrain idéal pour que ces deux marines s’affrontent. Il faut bien reconnaître que pendant ce conflit majeur, les différentes marines de surface n’ont joué qu’un rôle mineur. 

La seule bataille navale, celle du Jutland en 1916, n’eut aucune incidence sur le déroulement de la guerre. 
La « home fleet »  sous les ordres de l’amiral Jellicoe et la « hoschseaflotte » de l’amiral Scheer s’affrontèrent deux heures durant en mer du Nord, en tout 250 navires de tout tonnages. Les britanniques perdirent 14 bâtiments et les allemands 11. Ces derniers réussirent à échapper à la home fleet et à regagner leurs ports d’attache pour ne plus pratiquement en sortir.

Le gouvernement décide alors de construire de nombreux sous-marins et d’engager la guerre sous-marine contre les alliés. 

L’idée de naviguer sous l’eau revient à un hollandais, Drebbel en 1624. En 1692, Denis Papin fabrique un sous-marin, pas vraiment opérationnel.

Il faudra attendre 1844 et Prosper Payerne, un dauphinois de Theys, pour qu’un vrai sous-marin, le Belledonne, soit opérationnel. Il y a deux ou trois ans, Geneviève Lehman, membre éminent de l’AMPA, avait consacré une conférence à l’inventeur et à son invention.

Le premier sous-marin, vraiment opérationnel, le Gymnote » a été construit en 1887 par Dupuy de Lôme et Gustave Zédé : il navigue à 8 nœuds en surface et à 4 en plongée.

En 1904, l’ingénieur français Maxime Lauboeuf construit le Narval, équipé d’un moteur électrique pour la plongée et d’un moteur à vapeur en surface, système toujours en vigueur aujourd’hui, même si on peut imaginer que les moteurs ont évolué.

Ne pouvant desserrer le blocus qui lui était imposé avec sa flotte de surface, la guerre sous-marine donc est engagée par l’empire allemand. Dès le début des hostilités, trois croiseurs britanniques sont coulés par les u-boots.

Ces sous-marins sont de petites unités, donc très mobiles, très difficiles à repérer. Les sous marins allemands coulent tout ce qui flotte, y compris les navires civils. En coulant le Lusitania, le 7 mai 1915, l’empire allemand encouragera involontairement les USA à rejoindre la Triple Entente deux ans plus tard.

La conférence navale de 1922 à Washington entre les USA, l’empire britannique, la France, le Japon et l’Italie limita considérablement la construction de nouveaux bâtiments de guerre. A la limite, il n’y eut quasiment pas de nouvelles constructions, mis à part des porte-avions.   
C’est en France et en Grande Bretagne que l’intérêt pour l’aviation embarquée est le plus grand. Dès 1911, la France modifie un croiseur de 6000 tonnes, « la Foudre », pour en faire un transport d’hydravions. Les britanniques, les russes et les américains font également de telles modifications. L’hydravion ne décolle pas directement du navire mais mis à la mer par une grue, il peut facilement décoller, aller bombarder son objectif, amerrir près du navire qui le hissera à bord à l’aide de la grue.

Le premier navire construit avec un vrai pont d’envol permettant le décollage d’avions à train d’atterrissage fut le britannique HSM ARGUS en 1918.

En 1936, le Japon dénonce les accords de la conférence navale de Washington de 1922 et se lance dans la fabrication intensive de porte-avions et de cuirassés. En 1939, il possède 10 cuirassés, dont le Yamato, un monstre de 70 000 tonnes, avec des blindages de 650 m/m pour les 9 tourelles de ses canons de 460 m/m et capable de filer à 27 nœuds (50 km/h) ! 

Dix porte-avions dont le Nagagi, un autre montre de 42000 tonnes, avec plus de 85 avions et capable de filer à 32 nœuds.
Il n’empêche que ces monstres ont été envoyés par le fond par l’aviation américaine.

 Au début du conflit, la flotte japonaise du pacifique compte 259 navires contre 157 pour l’US Navy. Mais l’attaque japonaise contre Pearl Harbour le 7 décembre 1941 réveilla la formidable industrie lourde américaine capable de fabriquer très vite nombre de PA, de croiseurs, d’avions et d’une multitude de navires divers.

Ainsi, les USA rattrapent très vite leur retard : pour la seule année 1943, ils fabriquent et mettent en service 10 cuirassés, 17 porte-avions lourds, 10 porte-avions légers, 74 PA d’escorte. En septembre 1945, les USA disposent de 95 PA et de 45000 avions. C’est dire leur puissance de réaction.

Après la guerre, les USA consolideront leur puissance maritime : il convient en effet de ne pas baisser la garde face à l’Union Soviétique qui s’affirme comme une puissance concurrente. Les pays européens feront de même, mais bien sûr dans une moindre mesure.

La propulsion nucléaire navale fait son apparition en 1955 avec le sous marin USS Nautilus. La grande nouveauté est l’autonomie accrue que procure une chaudière nucléaire. Le croiseur Long Beach suivra en 1961. Quelques mois plus tard, le premier porte-avions à propulsion nucléaire, le USS Enterprise,  faisait son apparition.

Pour autant les soviétiques ne restaient pas les bras croisés : ils lancent en 1957, le brise glace Lénine, le premier bâtiment de surface avec une telle propulsion. En 1959, la Marine Soviétique met en service le sous-marin d’attaque K3. 

La France met en service son premier porte-avions à propulsion nucléaire en mai 2001 après avoir mis en service son premier sous-marin, le Redoutable en 1971.

Il est bien évident que de tels navires changeaient profondément la donne en matière  stratégique. C’est donc la « stratégie dite de la terreur » qui prédominait pendant les années de guerre froide.

Avant de conclure, je ne peux pas faire l’impasse sur les profonds changements opérés dans les marines de commerce et de croisière. 

La fermeture du canal de Suez après la guerre des Six Jours en 1967 va provoquer l’affolement des occidentaux, inquiets de voir couper leurs approvisionnements en pétrole. Ils vont donc se lancer dans course au gigantisme des pétroliers. Ainsi, en 1975 est lancé le Seawise Giant, un monstre de 650 000 tonnes, capable d’embarquer 660 000 m3 de pétrole ; 460 m de long, 69 de large avec un tirant d’eau de 25 m, avec un équipage de 40 hommes et capable de filer à 13 nœuds. 

On ne saurait passer sous silence les catastrophes écologiques provoquées par ces tankers : je ne citerai que le Torrey Canyon, le 18 mars 1967 et ses 120 000 tonnes de pétrole brut déversées sur les côtes françaises et britanniques. Ou encore l’Amoco Cadiz le 16 mars 1978 et ses 220 000 tonnes de pétrole déversées sur les côtes bretonnes.

Ces catastrophes, mais surtout des circuits d’approvisionnements différents du pétrole vont stopper la course au gigantisme en matière de tanker. 

Ce gigantisme naval pétrolier va être très vite remplacé par un autre gigantisme naval : les porte-conteneurs. 
Le conteneur en lui-même apparaît en 1937 : plus pratique, plus solide, plus sécurisé, il s’impose petit à petit comme une boite facile à déplacer. L’idée des les stocker sur des navires s’impose dans les années 1960.
Si les premiers navires sont de taille raisonnable, les suivants vont atteindre des dimensions impressionnantes : un seul exemple : le CSCL GLOBE, un monstre de 190000 tonnes, de 400 m de long et 56 de large avec un tirant d’eau de 16 m, qui file à 26 nœuds avec un équipage de13 hommes et qui peut transporter jusqu’à  19100 conteneurs EVP.
Il est bien évident que les différents ports qui reçoivent de tels bâtiments ont dû adapter leurs infrastructures.

Et pour terminer dans le gigantisme, attardons nous quelques instants sur les paquebots de croisière, eux aussi saisis par le gigantisme.
L’idée de croisière remonte à la fin du XIX ème siècle. La première moitié du XX ème donne naissance à des paquebots prestigieux : le Titanic, le Normandie, le Queen Mary, le France et bien d’autres.
C’est à partir des années 80 que vont véritablement s’amorcer les croisières de masse et la construction de paquebots de plus en plus grands et de plus en plus élaborés. 
Aujourd’hui, les compagnies n’hésitent plus faire construire de véritables villes flottantes, d’un luxe inouï qui pourrait presque faire ressembler le Titanic à un yacht d’occasion.
Ainsi, l’Harmony of the Sea, encore en construction à St Nazaire : L 362m ; l 66 m ; 9 m de tirant d’eau ; 65 m de tirant d’air ; 100 000 tonnes ; 6300 passagers ; 2380 mbres d’équipage ; 20nds ; 900 000 000 €

Nous sommes bien loin de la pirogue monoxyle de nos hommes du mésolithique. Bien loin aussi de la Gloire. 

Il me semble que les évolutions en matière d’architecture et de constructions navales ne sont pas finies. La technologie permet tout, ou presque. En matière militaire comme en matière civile, pour les navires de guerre comme pour ceux de pèche ou du commerce, il y aura encore des évolutions. Certes, pas forcément majeures Mais il y a dans les bureaux d‘études des projets, parfois des utopies qui verront peut-être le jour. Après tout, il y a 8000 ans, creuser un arbre et avoir la prétention  de traverser une rivière assis dans cet arbre pouvait être une utopie, voire une folie. De même, en 1857, mettre à l’eau un bateau en fer de 5700 tonnes pouvait être une utopie, voire une folie. 


C’est sur ces paroles résolument optimistes que je vais conclure et vous remercier de votre attention.

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