Non, ce n'est pas un titre
provocateur. Parce que j'ai vraiment le sentiment que La République,
NOTRE République, laïque et démocratique, est gravement remise en cause
par des groupes factieux, les mêmes qui, dans les années 30, rêvaient de
la tuer, avant que de collaborer, pour la majorité d'entre elles, avec
l'occupant nazi. C'étaient le Parti Social français,* les Jeunesses patriotes,* le Parti franciste,* Action française,* Solidarité française.*
Il y en a bien d'autres, hélas, qui avaient les mêmes socles
idéologiques et qui ont suivi les mêmes chemins collaborationnistes.
Quels étaient les socles
idéologiques de ces ligues ou des ces partis? Tout d'abord, une même
haine, un même rejet de la République, de la Démocratie, mais aussi de
la gauche. Ajoutons à cela les juifs, les francs maçons, les syndicats,
la presse et les étrangers.
Leurs moyens d'action? Les manifestations violentes, les campagnes de presse d'une brutalité inouïe, les mensonges, les calomnies, les insultes anti sémites et racistes dont sont victimes les leaders de la gauche. A commencer par Léon Blum, Président du Conseil après la victoire du Front Populaire en mai 1936.
Ainsi, Xavier Vallat,* futur commissaire aux questions juives du gouvernement Pétain, n'hésite pas à déclarer le 6 juin 1936 à la tribune de l'Assemblée Nationale: "Votre arrivée au pouvoir, Monsieur le Président du Conseil, marque incontestablement une date historique. Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain va être gouverné par...
Il est alors interrompu par Edouard Herriot,* président de l''Assemblée: "prenez garde, Monsieur Vallat"
Et Vallat de poursuivre: "... par un juif. J'ose dire à haute voix ce que le pays pense en son for intérieur. il est préférable de mettre à la tête de ce pays un homme ... dont les origines appartiennent à son sol plutôt qu'à un subtil talmudiste." (1)
Il y a, à cette époque, une ultra droite, proche des gouvernements fascistes, telles l'Italie de Mussolini ou l'Allemagne d'Hitler. Elle est particulièrement active et occupe le champ politique bien au-delà de la droite classique ou de l'extrême droite. Pour Pierre Milza, "la radicalisation qui s'opère à la faveur de la crise n'a pas seulement pour effet de gonfler les effectifs des mouvements d'extrême droite. Elle tend à gommer les différences et à favoriser le rapprochement entre ces organisations activistes et toute une fraction de la clientèle et des cadres de la droite "classique" ... la radicalisation et la pénétration des formations les moins politisées par des éléments reliés aux courants activistes s'effectuant à la faveur d'une situation de crise." (2)
A cette époque donc, crise politique majeure. La classe politique elle même était fragilisée par une succession de scandales financiers dans lesquelles bien des élus étaient impliqués. Ajoutons à cela une gouvernance délicate soumise aux caprices des partis politiques: est-il besoin de rappeler qu'entre 1930 et 1940, VINGT DEUX gouvernements, oui, VINGT DEUX, se sont succédés. Difficile de faire mieux en termes d'instabilité ministérielle, synonyme d'impuissance politique.
Est-ce à dire que la situation
politique que nous vivons aujourd'hui a quelque chose à voir avec cette
époque troublée? Mis à part l'instabilité ministérielle, je réponds oui
sans hésiter. Une crise économique mondiale, conséquence de la cupidité
et de l'incompétence du monde financier; des hommes politiques, et pas
des moindres, accusés de fraudes, de corruption, de prévarication, ayant
pour conséquences le rejet de la classe politique en général et des
différents gouvernements en particulier ; la montée de partis
extrémistes et nationalistes, partout en Europe; la mise en cause de la
légitimité du pouvoir politique pourtant élus démocratiquement en 2012
et, partant, de certaines lois votées par le Parlement, telle celle du
mariage pour tous.
La remise en cause de cette loi a ouvert la porte à toute une série de revendications portant à la fois sur des choix de société et sur des choix individuels. S'agrègent autour de ces remises en cause une myriade de revendications portées par des groupes vite noyautés, submergés par des organisations dont l'idée démocratique est le cadet de leur souci. Et parmi celles-là, les plus connues: Action française, Civitas, Egalité et Réconciliation. Pour la première, la République est une "gueuse". Pour la seconde, retour à la primauté du religieux dans la vie de tout un chacun. Pour la troisième enfin, un pouvoir fort débarrassé des idéaux démocratiques. Le tout emballé dans du papier cadeau respectable et bien élevé.
Mais ne nous y trompons pas: une fois le papier cadeau écarté apparaitra alors le vrai visage de ces gens-là, celui de la haine, de l'intolérance et de la folie meurtrière. Le même que ceux de leurs inspirateurs et références historiques. La manifestation du 26 janvier 2014 n'est pas si loin: chacun a pu voir et entendre ces hordes haineuses reprendre les mêmes slogans, répéter les mêmes violences que leurs mentors politiques des années 30. Il ne leur manquait que les chemises brunes ou noires.
Oui, si nous n'y prenons garde,
la République est en danger. A cause de ces mouvements à vocation
factieuse qui profitent, non seulement des faiblesses d'un gouvernement
trop souvent incohérent et qui donne l'impression de ne pas savoir où il
va, mais aussi, mais surtout de notre apathie, de notre indifférence,
voire de notre lâcheté.
Pour conclure, qu'on me permette
une anecdote. En 1979, lors des premières élections européennes au
suffrage universel, j'ai entendu l'interview du Président allemand du
parlement européen de l'époque qui disait à peu près ceci: " dans
les années 30, nous étions jeunes et insouciants et n'avions pour la
classe politique que dédain et mépris. Nous préférions alors regarder
ailleurs, refusant ainsi de voir les nazis qui s'imposaient dans la vie
politique faute de réels opposants. Notre indifférence, notre cynisme et
finalement notre lâcheté les ont amené au pouvoir." A
quelques mots près, c'est ce qu'il a dit. Et je me fais la réflexion que
c'est peut-être ce que nous sommes en train de vivre.
Alors, oui, la République est en danger!!
* clic sur le lien
(1). in "Léon Blum" de Jean Lacouture, éditions du Seuil, collection Histoire, 1977, page 298.
(2). in "Histoire de l'extrême droite en
france", sous la direction de Michel Winock, éditions du Seuil,
collection Histoire, 1993, pages 157 et 159.
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