mercredi 21 septembre 2011

Vivre au-dessus de ses moyens...

Vivre au-dessus de ses moyens…

Le monde en général et l'Europe en particulier se débattent depuis quelques années dans une crise économique dont la gravité est au moins équivalente à celle de 1929. Les causes en sont multiples, mais on peut d'ores et déjà en pointer deux majeures: la faillite du système financier entrainé dans une spirale infernale due à son arrogance et son avidité scandaleuse et  l'abandon quasi total par les Etats de leurs prérogatives économiques au profit  du secteur privé marchand, dominé par les financiers. On est bien loin de l'époque où de Gaulle affirmait que "la politique de la France ne se faisait pas à la corbeille."  Depuis le milieu des années 70 - 80, sous prétexte de régler la crise de 1974, les Etats ont été priés de se mettre en retrait et de laisser agir les entrepreneurs privés. Margaret Thatcher, puis Ronald Reagan ont été les fidèles courroies de transmission de ces économistes ultra-libéraux issus de "l'Ecole de Chicago." Le président américain n'affirmait-il pas que "l'Etat n'est pas la solution, il est le problème." Quasiment tous les Etats démocratiques ont emboité le pas à ces politiques économiques, légitimés qu'ils étaient par les citoyens qui les portaient au pouvoir.
Mon propos d'aujourd'hui n'est pas revenir sur cette crise, ses origines ou ses conséquences. Non, plus modeste, mon propos d'aujourd'hui est de revenir sur un point de vue paru dans le journal "les Echos" du 19 août 2011 et qui n'a rencontré aucun écho dans nos médias. Et c'est bien dommage. Car cet article écrit par Madame Agnès Verdier-Molinié, dirigeante, je cite "de la Fondation IFRAP, think tank spécialisé dans l'évaluation des politiques publiques"  est un exemple éclairant de cette prétention à réduire le rôle de l'Etat à celui d'acteur de seconde zone. Le titre de cet article est sans ambiguïté: "couper dans les dépenses plutôt que d'augmenter les impôts." 
Et à partir de là, vous faire part de mon sentiment.

Que dit donc cette dame qui déclenche chez moi une sainte colère?
Tout d'abord, elle donne sa recette: "Pour supprimer le déficit structurel de la France (autour de 60 milliards d'euros par an), il conviendrait de couper 30 milliards de dépenses et de trouver 30 milliards de recettes nouvelles."
Comment coupe t-elle 30 milliards de dépenses?
1. l'Etat, les collectivités, les opérateurs publics, les universités sont mis en demeure de  supprimer des postes de fonctionnaires; de supprimer également les mises à disposition de personnels publics aux syndicats ou aux associations; d'aligner les retraites de la fonction publique sur celles du privé (20 milliards d'euros pour ce seul alignement!!!); des délégations de service publics (éducation, transports, logements) permettraient de substantielles économies. D'après une étude, l'enseignement privé sous contrat coûte 30 à 40% de moins par élève que le public. Voilà une affirmation pour le moins gratuite, mais il est vrai que cette étude a été faite par son organisation. Dont acte.

2. les collectivités locales devraient mettre en vigueur le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux, "voire de deux sur trois", partant à la retraite; la réduction volontaire des échelons locaux; une réforme de la clause générale de compétence, sans toutefois sur ce sujet qu'elle ne rentre dans les détails.
3. les dépenses sociales: 600 milliards par an, précise t-elle. Ses remèdes: "meilleure gestion de l'hôpital public par non remplacement des départs en retraite; régulation de l'absentéisme; tarification à l'activité. Regrouper les aides sociales  (RSA, prime de Noël, APL...), en attendant sans doute de les réduire, puis de les abandonner; aides plafonnées par foyer fiscal. Et de citer le gouvernement britannique comme exemple. C'est tout dire!
Ensuite, vient sa potion pour les recettes:
1. l'Etat doit se désengager "petit à petit" de ses participations dans les entreprises, soit plus de 90 milliards d'euros: La Poste, EDF, les aéroports. Elle trouve même 20 milliards d'euros dans une vague "liquidation partielle et avisée de ces titres".
On voit par là que la partie recettes est infiniment plus courte que la partie coupe dans les dépenses, pourtant tout aussi expéditive.
Elle conclut son point de vie avec du classique: "baisser les dépenses publiques demande une vision non uniquement focalisée sur les échéances présidentielles et législatives."  et rappelle les exemples allemands, suédois ou canadiens, censés être des références.
Cet article a le mérite de la clarté. Ce point de vue ultra-libéral s'il en est illustre parfaitement ce à quoi veulent arriver tous les penseurs d'une société privatisée, c'est-à-dire où l'Etat serait réduit à la portion congrue, laissant les acteurs économiques (entendez par là les multi-nationales et les banques) organiser la vie de la nation. Ou pour reprendre une image bien connue: "au sein du poulailler, la même liberté pour tous, pour le renard comme pour les poules."

Sauf que ce que nous vivons actuellement est la preuve éclatante de l'échec du retrait des Etats. Comme par hasard, la crise touche en priorité les économies fortement libéralisées, les USA et l'Europe en sont les exemples les plus évidents. On me dira bien sûr que certains s'en sortent mieux que d'autres et on me citera la Suède, l'Allemagne et d'autres. En oubliant qu'en Suède la pression fiscale est énorme et qu'en Allemagne, les pauvres se comptent par millions. Comme chez nous. Alors, si c'est pour avoir des taux de croissance élevés et avoir en même temps des gens qui n'ont pas de quoi se nourrir ou se loger, je ne vois pas vraiment l'intérêt. Et n'oublions pas que ce que nous avons appelé chez nous "les trente glorieuses" a été une période de forte prospérité, même si ce n'était pas le paradis. Mais ce n'était certainement pas l'enfer que nous vivons aujourd'hui.

Sans compter qu'en Grande Bretagne pour ne prendre que cet exemple, l'Etat a du nationaliser certaines banques pour leur éviter la faillite! Dans un pays ultra-libéral, c'est quand même assez cocasse. Mais n'ont-ils pas appliqué l'adage: "privatiser les profits et nationaliser les pertes"?
On m'objectera que la Grèce est un exemple de gabegie à ne pas suivre. Ce qui est tout à fait exact. Ce qui l'est tout autant, exact, c'est que si l'Etat grec avait été plus fort, tant vis à vis du public que du privé, que si l'Etat grec n'avait pas laissé faire, on n'en serait peut-être pas là. Il est tout aussi vrai d'ailleurs que l'Etat grec à triché pour entrer dans la zone euro, aidé en cela par une banque américaine.
Un exemple parmi d'autres: le travail à temps partiel a été mis en oeuvre à la demande des partenaires sociaux. Sauf que ce temps partiel, apprécié des entreprises à cause de réductions de cotisations sociales, génère ce qu'on appelle pudiquement des "travailleurs pauvres", c'est-à-dire des gens qui travaillent plus ou moins 30 heures par semaine, avec des horaires compliqués et dont les salaires ne suffisent pas à assurer une vie correcte. Ce temps partiel devait faire baisser le chômage. Il n'a rien fait baisser du tout, si ce n'est le niveau de vie de salariés devenus précaires.
Alors, bien sûr, on peut supprimer des postes de fonctionnaires par milliers comme le recommande les dogmes ultra-libéraux, privatiser à tour de bras, déréguler pour "améliorer la compétitivité", tous ces remèdes de cheval sans foi ni loi ont non seulement fait la preuve de leur inefficacité, mais aussi, mais surtout de leur nocivité et de leur dangerosité.
Parce que aujourd'hui, qui peut dire que nous avons trop de policiers, de gardiens de prison, d'infirmières, de magistrats, de profs?... J'ai entendu dire que l'on pouvait supprimer des postes de policiers parce l'on allait mettre des  caméras de surveillance un peu partout. Que l'on pouvait supprimer des postes de profs parce qu'il y a moins d'élèves. Et j'en passe et des meilleures. Mais de qui se moque t-on? A qui veut-on faire croire qu'il y a trop d'infirmières dans les hôpitaux? A qui veut-on faire croire qu'il y a trop de juges? J'entends certaines réponses du genre "on peut faire mieux avec moins en s'organisant mieux". Ca me rappelle le fameux "travailler plus pour gagner plus" du Président de la République!!! On a pu voir les résultats!
Vous savez que je ne suis pas, loin s'en faut, adepte de la "théorie du complot". Pour autant, il m'arrive de me demander si certains, vous voyez qui je veux dire, ne mettent pas tout en oeuvre pour mettre en l'air notre système social, pour, en quelque sorte laisser un champ de ruines sur lequel se bâtiraient de nouvelles structures. Un exemple: les moyens de l'hôpital public sont de plus en plus réduits, si bien que nous en arrivons à avoir des médecins et des infirmières travaillant dans des conditions de plus en plus difficiles et cela, nous dit-on, pour faire faire des économies à la Sécu!  Moralité: plus l'hôpital est en difficulté et plus "on" laisse le terrain au privé. C'est valable pour l'hôpital public, mais ça l'est tout autant pour tous les services publics.  Un autre exemple, plus personnel celui-là: dans mon village, à compter du 1er octobre, la poste sera fermée le lundi. Pas assez de personnel m'a t-on dit... Donc, attendons nous, un jour ou l'autre, à voir s'installer dans le village une petite unité privée qui, elle, sera ouverte le lundi, en attendant la suite!
Pour en revenir à cet article, on voit bien où veulent en venir tous ces gens qui prônent l'austérité, les sacrifices pour, disent-ils, notre bonheur. Sauf que l'austérité, la rigueur, les sacrifices, toutes ces potions magiques que veulent nous faire ingurgiter tous ces docteurs Diafoirus, tous ces remèdes ont fait le preuve de leur nuisance. Rien qu'en France, 4ème ou 5ème puissance économique mondiale, nous avons pas moins de HUIT MILLIONS de PAUVRES. Oui, HUIT MILLIONS. Et que nous propose t-on pour éradiquer cette misère? Rien. Rien d'autres que des purges, de l'huile de ricin, comme si nous étions trop bien portants! On nous dit même que nous avons vécu et que nous vivons encore au-dessus de nos moyens! Sans doute pour ces gens-là, vivre avec le SMIC (1300 bruts par mois) c'est d'un luxe!!! Ce matin, à la radio, j'ai entendu Jean Peyrelevade, ancien Président du Crédit Lyonnais (1993 - 2003) affirmer que les français avaient vécu au-dessus de leurs moyens et qu'il convenait de revenir aux réalités. Et les réalités, pour tous ces gens-là, c'est de baisser la dépense publique, d'augmenter la compétitivité des entreprises, afin de réduire notre dette. Donc, moins de prestations sociales, plus de flexibilité et de précarité du travail, moins de régulations, suppression du salaire minimum et baisses des salaires et des retraites. Et je dois en oublier.

Je suis pour ma part partisan de la primauté du politique sur l'économique. Partisan d'un Etat qui impose aux acteurs économiques des lignes de conduite qui permettent aux citoyens de cet Etat de vivre dans la dignité. Cela impose bien sûr d'autres comportements, tant économiques que politiques. Mais dans un monde où l'argent et la puissance qu'il apporte sont devenus "les maitres de l'univers", j'ai bien peur que la folie ne l'emporte sur la Raison. L'Histoire nous enseigne que les injustices, quand elles deviennent insupportables, engendrent ou la guerres ou la révolution. Parfois les deux. Au-delà des grandes théories économiques ou politiques, des grands discours, il serait bien que l'on s'en souvienne.

ps: certains mots dans le texte sont en vert, soulignés et renvoient à une pub. Je ne suis pas à l'origine de cela et jusqu'à maintenant, personne n'a pu me dire comment éviter ce genre de choses désagréables. Si, vous lecteur, avez une solution, je suis preneur. Merci

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