jeudi 2 novembre 2023

Des "pilgrims" à Norman Rockwell en passant par les baleines de Cap Code.

 Il y a quelques semaines, nous avons fait un "petit" périple aux États Unis: New York, Stockbridge* à l'ouest du Massachusetts, puis Cap Code* tout à fait l'est.

New York ou plus exactement Lafayette pour l'inauguration du musée de nos Amis Fields: the Skylands Museum or Art.*

Sur ce musée, Anne vous en dit plus et mieux sur son blog: http://annebachelier.blogspot.com/2023/10/quelques-jours-en-octobre-new-york.html

Nous avons pris la route pour en savoir un peu plus sur ce dessinateur et peintre trop peu connu: Norman ROCKWELL.
Ce premier billet lui est consacré, Plymouth et Cap Code seront évoqués ensuite.

 
Je crois que nous connaissons tous quelques oeuvres de cet artiste, sans forcément connaitre son nom. Je suis dans ce cas.
 
Notre voyage aux USA était donc l'occasion ou jamais de découvrir la vie et l'oeuvre de cet artiste exceptionnel.
 
le musée Norman Rockwell

l'atelier à Sotckbridge

 
 
Quelques mots sur l'homme Rockwell, né à NYC en 1894 et mort à Stockbridge* en 1978. 

 

 
 
Il se fait connaitre en travaillant pour des revues, des
maisons d'édition, mais c'est avec la publication des "Boys Scouts of America"* qu'il travaillera le plus longtemps, de 1913 à 1976. 
 
Chaque année, il illustre le calendrier des BSA, organisation de scouts, fondée en 1910 et qui existe encore de nos jours, revendiquant 3 millions de jeunes en 2005.
 
 
 
 
 
 
 
Dès l'année 1916, il réalise les couvertures du Saturday Evening Post et cela, jusqu'en 1963, soit pas loin de 200 illustrations.
 

 Le plus souvent il met en scène des situations amusantes: ainsi dans "the runaway", ce jeune apprenti fugueur qui discute avec un policier sous l'oeil amusé du barman:
 
"the Runaway"



 ou encore Rockwell se caricaturant en apprenti peintre:
 
"the art critic" 

Ou cet ancien marin montrant à son petit fils ou arrière petit fils, un futur matelot lui aussi,  la beauté et la grandeur de l'océan:


"Outward Bound"


 Dans son discours sur "l'État de l'Union" le 6 janvier 1941, le président Roosevelt déclare: "Dans l'avenir, que nous cherchons à rendre sûr, nous attendons avec impatience un monde fondé sur les quatre libertés humaines essentielles. Il s'agit de la liberté de parole, de la liberté de culte, de la liberté de vivre à l'abri de la peur et de la liberté de vivre à l'abri du besoin."
 
N. Rockwell va illustrer à sa façon les 4 libertés chères au président américain:
 
freeedom of speach: la liberté de paroles 

 

Freedom of worship: la liberté de culte

freedom fom fear: à l'abri de la peur

 
Freedom for want: à l'abri du besoin

 Il a beaucoup travaillé sur l'enfance, mêlant les jeux à l'apprentissage de la vie, toujours avec humour.

"boy with baby carriage"

 



"Pardon me" 

Dans les années 60 - 70, il évolue vers des thèmes plus politiques, sociétaux. En particulier contre la ségrégation raciale et milite pour les droits civiques.

Ses toiles parlent d'elles-mêmes, il n'est nul besoin de discours pour en comprendre le sens et le message.

Il illustre la première journée à l'école, en 1969, de Ruby Bridge* une petite fille noire allant pour la première fois dans une école réservée aux blancs, entourée de quatre policiers la protégeant de l'hostilité des familles opposées à la politique de désagrégation du président Eisenhower.
On peut remarquer en bas au milieu et à droite de la toile une tâche rouge: c'est une tomate jetée contre le mur et qui matérialise la méchanceté de la foule.

 

"The Problem We All Live With":notre problème à tous


 Dans la nuit du 21 juin 1964, à Longdale, Mississipi, trois militants des droits civiques - deux noirs un blanc - sont assassinés par les membres du Ku Klux Klan, dont certain étaient membres de la police locale. Ces meurtres feront l'objet d'un très beau film, "Mississipi Burning"* 

Rockwell s'empare de ce sujet de manière sobre, avec  des  couleurs terreuses. Cette sobriété a valeur de témoignage et en cela, Rockwell se montre militant des droits civiques en sacralisant en quelque sorte le personnage central faisant courageusement face aux assassins.

 

"Murder in Mississipi"        

 


Avant de commencer une toile, N. Rockwell fait des dessins préparatoires, mais aussi des photos. Dans le cas de la toile ci-dessous, il photographie des enfants qui auront la même position sur la toile et comme toujours, reste très attentif sur les détails: par exemple, les deux groupes d'enfants ont chacun leur animal; deux des garçons ont chacun un gant de base-ball. 


On devine très bien l'étonnement mêlé de curiosité de ces deux groupes qui n'avaient pas l'habitude de vivre dans les mêmes quartiers.
La scène se passe dans la banlieue de Chicago, une loi récente de l'état de l'Illinois permettant aux familles noires de s'installer dans les  quartiers jusque là réservés aux blancs.


"News Kids in the Neighborhood"(1967)

 

Une toile est consacrée au président Abraham Lincoln, alors jeune avocat.
On remarquera derrière l'avocat, l'accusé menotté, noir.
 


"Lincoln for the defense" (1961)

 et un peu plus tard, John Fitzerald Kennedy

JFK (1963)

 




mercredi 23 août 2023

L'OUZBÉKISTAN (opus 5) : NOUKOUS

 L'Ouzbékistan est, administrativement divisé en douze provinces, une ville, Tachkent et une République autonome: le Karakalpakstan ou République des Karakalpaks dont la capitale est NOUKOUS où je vous propose de vous emmener aujourd'hui.


À l'origine, Noukous se trouvait à moins de 180 kms de la mer d'Aral. Mais suite à l'irrigation forcée des champs de coton mise en place par l'URSS, cette mer n'est plus qu'un lointain souvenir, en particulier pour la partie Ouzbek.


Comme souvent le nom de la ville prend sa source dans une légende:  le souverain du Khorezme (province voisine) aurait fait exiler 9 femmes de son harem sur l’emplacement actuel de Noukous. Chacune d’elle s’est ensuite mariée avec des marchands qui étaient de passage dans la ville, puis donna naissance à 9 garçons, qui selon la légende, auraient fondé la ville de Noukous.

 



Noukous possède un musée - " le Louvre des steppes" -  consacré aux peintures russes, dites "d'avant garde", c'est-à-dire la période 1918 - 1935.,

Son créateur, Igor Savitsky*, a réuni et sorti d'URSS toutes les oeuvres de peintres russes, oeuvres que Staline voulait détruire pour cause de "non conforme au réalisme socialiste soviétique".


 

Igor SAVITSKY (1915 - 1984)

 

Natif de Kiev, issu d'une famille décimée par la révolution bolchévique, Savitsky a été peintre, électricien, archéologue, pas très en phase avec le pouvoir stalinien, sans être pour autant dans une opposition frontale .

En 1966, avec l'appui des autorités locales qui ont compris l'importance d'un tel patrimoine, il va fonder le musée qui porte son nom et y présenter les oeuvres de l'avant garde russe, mais aussi tout l'artisanat qu'il a amassé un peu partout dans la région. C'est pour cela, sans doute, qu'il a été surnommé le "brocanteur"...


Il s'installe à Noukous dans les années 1950 alors qu'il fait partie d'une mission archéologique. Pour mémoire, l'Ouzbékistan, a cette époque, était une République Socialiste Soviétique.
En URSS, le "réalisme socialiste" était la règle absolue dans tout ce qui concerne la production artistique. Les peintres, comme tous les artistes, devaient s'y confirmer sous peine de censure et parfois de déportation. 

Le réalisme socialiste soviétique

Donc, les peintres fuient Moscou, travaillent en secret et cachent leurs oeuvres. 
C'est là qu'intervient Satvisky: il cherche et trouve les peintres et achète - avec son propre argent - les oeuvres de ces peintres "maudits". Il a retrouvé certaines de ces peintures laissées à l'abandon dans des caves ou des greniers. Et cela malgré les interdictions et les risques encourus.

Il est certes difficile de bien cerner ce qu'est cette peinture "d'avant garde russe" tant elle trouve ses sources dans divers courants artistiques. 
Cependant, c'est surtout dans les
courants picturaux occidentaux comme l’impressionnisme, le post-impressionnisme et le symbolisme que se trouvent les principales inspirations des artistes.

Solomon Nikritin, Aleksandr Nikolayev, Alexander Volkov* sont quelques uns des peintres dont les oeuvres figurent dans ce musée.


"jeune fille en rouge de Solomon Nikritin  

"Monsieur le Professeur" de Aleksandr Nikolayev  

 Effectivement, nous sommes bien loin - et c'est heureux - du réalisme socialiste soviétique.

Mais dans ce musée, il y aussi des collections, amassées par Satvisky, des vêtements, des bijoux, des selles de cheval, des argenteries et d'autres objets de l'artisanat local.
Des vases en céramique, des statuettes de culte en terre cuite, ou en bronze, bref, une multitude d'objets issus des différentes cultures qui ont traversé l'Ouzbékistan.




 
 

Le vendredi, à Noukous, est le jour où l'entrée du musée est gratuite pour toutes les écoles, les collèges et lycées de la ville.
Nous avons donc visité le musée au milieu d'une foule de jeunes, toujours attentive aux explications de leurs professeurs sur les oeuvres, mais toujours "un oeil" sur les étrangers que nous étions. 

Nous nous sommes pliés avec plaisir à nous laisser prendre en photo au milieu d'eux, à discuter avec garçons et filles, en anglais bien sûr. Pas toujours évident car la langue de Shakespeare en ouzbek ou en français n'a pas les mêmes accents... 

Mais, nous avons senti ces jeunes plein de curiosité, plein d'enthousiasme, avec des envies d'apprendre le monde, de comprendre ce monde dans lequel ils vivent, de le découvrir aussi.


Une lycéenne a dit à Anne, en anglais, "qu'elle enviait l'Europe car il n'y avait pas de frontières". 









 
 Après avoir visité la nécropole, nous avons pris ensuite la route de Khiva, à travers la steppe, le long de l'Amou - Daria.
Il y avait quelque chose de particulier dans ces paysages désertiques qui, en réalité, ne l'étaient pas tellement.
 
La nécropole de Noukous, cette traversée et Khiva, je vous en parle dans mon prochain blog. 
 
 
 
 
Dans ce lien du mensuel "Géo", vous trouverez beaucoup de tableaux présentés dans le musée: https://photo.geo.fr/musee-savitsky-decouvrez-la-collection-interdite-de-noukous-en-ouzbekistan-42837#avanti-o-popolo-csls2

mardi 25 juillet 2023

Le pourquoi du comment des choses: "la fête de la Fédération du 14 juillet 1790"

 Chacun sait que ce que nous célébrons chaque 14 juillet est la prise de la Bastille le 14 juillet 1789.

Mais, se souvient-on vraiment  de ce 14 juillet 1790, fête de la Fédération?


 

Mais qu'est-ce au juste cette fête de la Fédération?

Avant de répondre précisément à cette interrogation, revenons quelques instants à l'année 1789.

 

Le 5 mai 1789, s'ouvrent à Versailles les États Généraux que le roi Louis XVI avait convoqués en août 1788.
Les finances de la nation étaient dans un triste état malgré plusieurs tentatives de réformes initiées par des ministres, mais rejetées par la noblesse et le clergé, soucieux de maintenir leurs privilèges.
Aussi, le roi espérait-il, comme il l'écrit dans sa lettre de convocation* que "soit apporté le plus promptement possible un remède efficace aux maux de l'État, que les abus de tous genre soient réformés et prévenus par de bons et solides moyens"

 Malgré cet appel à tout son peuple, Louis XVI maintient la hiérarchie nobiliaire et ecclésiastique, ainsi que l'écrit Jules Michelet* dans sa monumentale et lyrique "Histoire de la Révolution Française":

"(...) à ce moment de cordialité, de facile émotion, le Roi glaça les députés, qui presque tous arrivaient favorablement disposés pour lui. Au lieu de les recevoir, mêlés par province,, il les fit entrer par ordre; le Clergé, la Noblesse d'abord... puis, après une pause, le Tiers. (...)
À la séance du 5, le Roi s'étant couvert, et la Noblesse après lui, le Tiers voulut en faire autant; mais le Roi, pour l'empêcher ainsi de prendre ainsi l'égalité avec la Noblesse, aima mieux se découvrir." (1
)

D'entrée de jeu, le Tiers État avait réclamé le vote par tête et non par ordre. Sieyès*, député du Tiers, demande aux deux autres ordres de voter avec le Tiers, ce que vont faire des députés de la noblesse et du clergé. Se constitue alors une majorité qui se déclarera en Assemblée Nationale le 17 juin.

Emmanuel Joseph Sieyès (tableau de David)


Pour expliquer cette volonté farouche du Tiers État de prendre plus de place dans la représentation nationale, il faut se référer à ce qu'écrivait Emmanuel Sieyès en janvier 1789 dans son ouvrage "qu'est-ce que le Tiers État?;
" Nous avons trois questions à nous faire:
1°qu'est-ce que le Tiers État? Tout.
2° qu'a t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique? Rien
.
3° que demande t-il? À y devenir quelque chose."(2)

Le 20 juin, les députés, alors réunis dans la salle du Jeu de Paume, promettent de rédiger une Constitution: le 9 juillet, l'Assemblée devient alors l'Assemblée Nationale Constituante dans laquelle se trouvent réunis les trois ordres et le restera jusqu'au 3 septembre 1791. Elle sera alors remplacée par l'Assemblée Nationale Législative, elle même remplacée par la Convention Nationale le 21 septembre 1792.

le serment du Jeu de Paume le 20 juin 1789 (peinture de Jacques Louis DAVID)

Les États Généraux se terminent le 9 juillet. Sur un constat d'échec. Aucune décision susceptible de remettre de l'ordre dans les finances du royaume - c'était quand même le but essentiel - ou de calmer les foules protestant contre le prix du pain.
Cédant aux pressions des aristocrates, Louis XVI renvoie son ministre des Finances, Jacques Necker*, ce qui augmente la fureur des Parisiens, lesquels brisent les octrois*, symboles détestés, envahissent l'hôtel des Invalides et s'emparent de trente-deux mille fusils avant de se diriger vers la Bastille. Nous connaissons tous la suite de cet évènement capital. 

D'abord citadines, des municipalités de grandes villes sont attaquées, des arsenaux dévalisés, les révoltes s'étendent dans les campagnes: "dans le bocage normand, en Hainaut, en Alsace,en Franche-Comté et dans la vallée de la Saône, les paysans armés attaquent le château ou l'abbaye: ils viennent y brûler dans la joie les vieux titres de leur servitude." (3)

 
C'est le phénomène de "la grande peur", mouvement aussi spontané qu'irrationnel, une peur collective  impossible à contrôler ou à raisonner.
Entre les fausses accusations de complot de la noblesse - l'émigration en masse des aristocrates Français a commencé à partir de ces évènements - et les peurs des brigands, il est difficile, sinon impossible de faire la part entre des jacqueries, des actions vraiment révolutionnaires  et le brigandage.
estampe de la nuit du 4 août par Charles Monnet

 

Peut-être avec l'espoir de faire cesser ces troubles, l'Assemblée Constituante vote le 4 août 1789 l'abolition des privilèges*. C'est bien évidemment un moment capital dans notre histoire puisqu'il remet en cause le fondement du système monarchique.
Certes, ce n'est pas aussi simple et pour tout dire, c'est même très complexe. Pour autant, comme l'écrit François Furet: "il y a dans la perception du 4 août par l'Assemblée et les contemporains quelque chose qui reste pour l'historien fondamentalement vrai: l'idée d'une rupture avec l'ancienne société et de la fondation d'une société nouvelle. (...) Le paysan s'est senti victorieux du seigneur. Le bourgeois a brisé le privilège aristocratique." (4) 

Même si le 12 août, Louis XVI écrit à l'archevêque d'Arras: "Je ne consentirai jamais à dépouiller mon clergé, ma noblesse. Je ne donnerai pas ma sanction à des décrets qui les dépouilleraient.", l'Assemblée Constituante, dans l'article 17 le proclame "Restaurateur de la liberté Française."

Un autre évènement considérable va surgir le 26 août 1789: la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.

 Son article 1er stipule: "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit." 

L'article 2 proclame: "Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.

L'article 3 attribue "la souveraineté à la Nation."

C'en est donc fini de la monarchie absolue et du pouvoir de droit divin. Après s'être opposé de toutes les façons possibles, Louis XVI, après avoir été ramené de force à Paris, ratifie la Déclaration le 5 octobre 1789. 

Dans les faits, si l'aristocratie, le clergé et leurs privilèges sont remis en cause, le roi, lui, garde aux yeux des populations toute sa légitimité. Certes, la monarchie absolue est devenue peu ou prou une monarchie constitutionnelle, mais la personne du souverain reste ce qu'elle a toujours été, c'est-à-dire sacrée. Sauf peut-être pour une minorité de parlementaires qui pense à la République, mais que jamais n'est évoquée la disparition physique de Louis XVI.
Ainsi, l'historien Jean Ethéveveau écrit: 
"C’est une période qui est marqué par un optimisme général. On veut considérer les choses d’une manière très positive. La majeur parti des français pense que le roi marche avec le mouvement. Louis XVI était plutôt bien vu dans la France de l’ancien régime au début de la révolution, il est toujours bien vu et personne, ne songe à se débarrasser de lui et ce malgré qu’on lui ai déjà limité ses pouvoirs." (5)

Revenons maintenant à la fête de la Fédération du 14 juillet 1790.

 

Avant celle de Paris, Lyon avait organisé un "camp fédératif" le 30 mai 1790. Mise en oeuvre sur la plaine des Brotteaux, cette manifestation  qui a réuni des milliers de personnes autour des 28 bataillons de la Garde Nationale.
Après la messe célébrée par un curé de la paroisse St Georges, le serment suivant est prononcé: 

"Jurons sur l'autel de la Patrie, et en présence de l'Être Suprême, de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution du royaume, d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, d'exécuter et de faire exécuter les décrets de l'Assemblée Nationale, sanctionnés ou acceptés par le roi.

 D'autres départements avaient organisé de semblables fêtes, sans cependant atteindre l'ampleur de celle de Lyon.

Ces fêtes donnèrent l'idée à certains députés, en particulier Charles Maurice de Talleyrand-Périgord* et le marquis de Lafayette*, d'organiser, à Paris, une telle manifestation à laquelle le roi se devrait de participer.

L'Assemblée décide que cette journée d'unité nationale aura lieu le 14 juillet 1790, un an tout juste après la prise la Bastille, marquant ainsi la volonté de continuer l'esprit révolutionnaire.
Toujours dans Lyon Bondy Blog, Jean Ethèvenaux écrit: « Il s’agissait de montrer que, venus de tous les coins de France, les citoyens étaient néanmoins unis par une sorte de lien fédéral.» (6)

Très vite, il s'agit de mettre en place des structures pouvant accueillir trois cent mille personnes venues de toute la France.
Sur le Champ de Mars où se déroulera la cérémonie, il faut construire un amphithéâtre pour y placer les corps constitués, c'est-à-dire le roi, la famille royale et les députés. Difficulté supplémentaire: trouver deux fauteuils absolument identiques pour le roi et le président de l'Assemblée nationale.
Il faut construire un arc de triomphe de trois arches de vingt-cinq mètres de haut sous lequel passeront les troupes. Construire aussi l'autel de la Patrie.

Les troupes sont arrivées, les députés, la famille royale aussi. Tout peut commencer.


La Fayette prêtant serment

 
Le marquis de La Fayette, "le héros des deux mondes", "l'homme de l'Amérique" succède à Talleyrand au centre du Champ de Mars. Il monte sur l'autel, dégaine son épée et prononce le serment: « Je jure d’employer tout le pouvoir qui m’est délégué par acte constitutionnel de l’État, à maintenir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par moi. A la Nation, au roi, à la loi ! ».  

Une citation qui sera reprise par les 300 000 voix venues assister au défilé.

Puis Louis XVI lit le serment préparé par l'Assemblée nationale et qu'il a accepté: 

 


« Moi, Roi des Français, je jure d’employer tout le pouvoir qui m’est délégué par la loi constitutionnelle de l’État, à maintenir la constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par moi, et à faire exécuter les lois. »
 
Louis-Charles, dauphin de France

La reine Marie Antoinette, coiffée pour l'occasion avec des plumes bleu blanc rouge, montre le dauphin au peuple et dit: "Voilà mon fils, il s'unit, ainsi que moi, aux mêmes sentiments."  Alors, de ce peuple montent des "vive le roi, vive la reine, vive le dauphin" mais aussi "vive la Constitution." 


Après un Te Deum, la famille royale se retire sous les acclamations.

 



Quels enseignements peut-on tirer de cette journée du 14 juillet 1790?

Tout d'abord, la notion de fête nationale est liée à l'idée de nation, elle-même liée à l'idée de la Révolution, c'est-à-dire à l'émergence d'une société nouvelle où la liberté et l'égalité en seront les fondements.
Il y aura d'autres évènements de ce type un peu partout en France.


Une autre conséquence, c'est l'apparition du serment: nous l'avons vu lors de cette fête: le président de l'Assemblée, La Fayette puis Louis XVI prêtent serment à la Constitution et à la Nation.


La Constitution Civile du clergé oblige les religieux, du cardinal au simple curé à, eux aussi, prêter serment, un serment bien sûr, rejeté par le pape qui demande au roi de ne pas signer les décrets, ce que fait pourtant ce dernier le 26 décembre 1790.

 

« Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse (ou du diocèse) qui m'est confiée, d'être fidèle à la Nation, à la Loi, au Roi et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi. »

 

 

 

La date du 14 juillet est officiellement décrétée fête nationale le 6 juillet 1880.

Pour conclure, l'historien Lenotre* résume ce que représenta dans la mémoire collective ce 14 juillet 1790, mais aussi les évènements tragiques qui allaient lui succéder: « Depuis que la Révolution a commencé, je ne vois guère qu’un jour où tous les Français se soient trouvés d’accord : ce jour-là, ce fut le 14 juillet 1790. Une parenthèse enchantée qui allait faire place à des lendemains plus sombres…«




(1) in "Histoire de la Révolution Française", de Jules Michelet, livre I, chapitre II, éditions Gallimard, 1952, édition de la Pléiade, page 92.


(2) in "Sept jours, 17 - 23 juin 1789, la France entre en révolution" de Emmanuel de Waresquiel, 2020, éditions Tallandier, page 75.


(3) in "la Révolution française" de François Furet, 1978, éditions Gallimard pour le Grand Livre du Mois, page 205.


(4) ibid page 297.


(5) in Lyon Bondy Blog:http://lyonbondyblog.fr/LBB/il-y-a-232-ans-la-fete-de-la-federation-fait-son-entree-dans-le-quotidien-des-francais


(6) in Lyon Bondy Blog



la dictée estivale de la Bibliothèque d'Allevard: "la Source des Mots"

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