dimanche 16 juin 2024

W. Churchill: "vous aviez à chosir...."

Winston CHURCHILL

Fin septembre 1938, alors que le Premier Ministre britannique, Neville Chamberlain* arrive de Munich où il a signé, avec Édouard Daladier*, alors Président du Conseil, les accords dit de Munich, avec A. Hitler, Chancelier du Reich et B. Mussolini, Président du Conseil du royaume d'Italie, Winston Churchill* déclare:

"Vous aviez à choisir entre le déshonneur et la guerre. Vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre."

Déclaration prémonitoire puisque moins d'un an plus tard, les armées allemandes envahissaient la Pologne, avec l'aide de l'Armée Rouge soviétique, obligeant la Grande Bretagne et la France à déclarer la guerre à l'Allemagne.

Mais quels étaient ces accords de Munich si vertement critiqués par Churchill? Ils sont l'objet de mon billet de ce jour.

Hitler est nommé chancelier de la République de Weimar* le 30 janvier 1933 par le président du Reich, le maréchal von Hindenburg*.

Hinderburg nomme Hitler chancelier

Notons au passage que le NSDAP en novembre 1932, le parti de Hitler, avait perdu quelques deux millions de voix par rapport à l'élection législative précédente de juillet 1932, mais il est néanmoins le premier parti avec 33% des voix et 196 sièges*, loin devant les sociaux-démocrates et les communistes, avec respectivement 20,50% et 16,90% des voix et 121 et 100 sièges.

Très vite, Hitler et les nazis vont suspendre les libertés publiques et emprisonner les opposants politiques.
Le 23 mars 1933, le Reichstag vote les pleins pouvoirs à Hitler. 

Il va pouvoir mettre en oeuvre la politique pangermaniste*, un des fondements de l'idéologie nazie, c'est-à-dire d'assurer à l'Allemagne un "espace vital" à l'est de l'Europe.

En novembre 1936, il déclare devant le parlement:

"Nous sommes surpeuplés et nous ne pouvons plus subsister sur notre propre sol. La solution
définitive réside en un élargissement de l'espace vital, source de matières premières et de la
subsistance de notre peuple (...) 11 est maintenant nécessaire de réaliser ce que nous
pouvons.
Je fixe donc les tâches suivantes :
1) l'armée allemande doit être prête à entrer en action dans quatre ans.
Z) dans 4 ans, l'économie allemande doit être capable de supporter une guerre"
 

La politique diplomatique qu'Hitler va pratiquer est systématiquement à base de mensonges, de déclarations hypocrites et de manipulations bien orchestrées.
Ainsi, il déclare dans un interview de Paris Midi en janvier 1936, il affirme: " La chance vous est donnée à vous. Si vous ne la saisissez point, songez à votre responsabilité vis-à-vis de vos enfants ! Vous avez devant vous une Allemagne dont les neuf dixièmes font pleine confiance à leur chef, et ce chef vous dit : « Soyons amis! »

Ce qui ne l'empêche pas  de tenter et de réussir un coup de bluff en remilitarisant la Rhénanie le 7 mars 1936, cela en violation du Traité de Versailles de 1919. Le gouvernement français laisse faire et ne réagit pas. Nous savons aujourd'hui qu'Hitler avait donné ordre à ses troupes de ne pas insister si l'armée française avait résisté...

 

   



Démantèlement d'un poste frontalier le 15 mars 1938.
 

La première étape de la politique expansionniste d'Hitler est l'annexion, le 12 mars 1938, de l'Autriche à l'Allemagne: l'Anschluss*. Là encore, violation du traité de Versailles qui avait décidé dans son article 80: L'Allemagne reconnaît et respectera strictement l'indépendance de l'Autriche, dans les frontières fixées par le présent traité, passé entre cet État et les principales puissances alliées et associées ; elle reconnaît que cette indépendance sera inaliénable, si ce n'est du consentement du Conseil de la Société des Nations."

Ensuite, ce sont les Sudètes qu'Hitler va revendiquer.


Formation et démantèlement de la 1ère République Tchécoslovaque

Les Sudètes faisaient partie de l'empire austro-hongrois, lequel empire a été démantelé par le traité de Saint Germain en Laye de 1919, avec pour conséquence la création de la Tchécoslovaquie, réunissant Tchèques et Slovaques au sein d'un même état.
Mais au sein de ce nouvel état résident des régions et des populations de langue allemande, fortement opposées à leur intégration, en particulier dans les Sudètes*. 


La population tchécoslovaque comprend 51%. de Tchèques, 23% d'Allemands des  Sudètes, 14% de Slovaques.
Hitler va alors prendre ce prétexte -23% d'Allemands- pour exiger du gouvernement tchécoslovaque le rattachement des Sudètes à l'Allemagne au nom du "droit des nations."
Bien sûr, refus du gouvernement tchécoslovaque. En effet, les Sudètes sont la principale région industrielle du pays - beaucoup d'usine d'armement, dont Skoda - avec une frontière équipée avec son puissant voisin.
Hitler exige que les habitants  non allemands quittent la région, menaçant d'intervenir militairement.

La France, la Grande Bretagne et l'Union Soviétique étaient les alliées de la Tchécoslovaquie, censées la défendre.
Les Soviétiques étaient disposés à aider militairement la Tchécoslovaquie, à conditions que la France fasse de même.


France et Grande Bretagne veulent à tout prix éviter la guerre, et donc plutôt que de montrer leur détermination à défendre leur alliée, la France et la Grande Bretagne se rendent à Munich et y rencontrent Hitler et Mussolini, à l'initiative de ce dernier, allié d'Hitler.

 

Archives/©Suddeutsche Zeitung/Rue des Arc

Officiellement, il s'agit de régler définitivement la crise des Sudètes. Mais en réalité, pour le gouvernement allemand de faire disparaitre la Tchécoslovaquie en tant qu'état indépendant. 

Dans la nuit du 29 au 30 septembre 1938, l'accord prévoyant la cession du Sudètes au profit de l'Allemagne est signé, avec les garanties franco britannique sur l'intégrité du reste du pays.


N. Chamberlain à son arrivée à Londres
Rentrés chacun dans leur pays, E. Daladier et N. Chamberlain sont tous les deux accueillis triomphalement. Le second est fier d'avoir sauvé la paix: il sera même surnommé le "pacemaker"!



 

E. Daladier et G. Bonnet au Bouget

Le second, lui, sans doute plus réaliste, pense qu'il sera hué et insulté pour avoir cédé aux Nazis.

Il murmure "ah, les cons, s'ils savaient"* à l'adresse de la foule qui l'acclame.

 

 
Le 15 mars 1939, en violation des accords signés six mois auparavant, les armées allemandes envahissent la Bohème et la Moravie pour y créer un protectorat. Là encore, France et Grande Bretagne ne réagissent pas, perdant ainsi le reste de crédibilité qui leur restait. Vis à vis des Tchèques, bien sûr, mais aussi de l'Union Soviétique qui avait été volontairement écartée des négociations de septembre 1938.

En France, dans l'opinion publique, l'idée qu'une guerre contre l'Allemagne commence à se répandre. 

Même s'il existe dans les milieux politiques de droite une sorte des fascination pour les régimes autoritaires, tels l'Espagne et bien sûr l'Allemagne et l'Italie. Le Front Populaire, vainqueur des législatives en mai 1936,  pratique une politique sociale novatrice - congés payés, semaine de 40 heures, droit du travail, renforcement des syndicats, entre autre - qui attise l'hostilité des milieux économiques, mais aussi de cette frange perméable aux idées des dictatures.

À partir des années 20 vont se développer des groupuscules, plus ou moins fascisants qui remettent en cause l'existence même du régime républicain, accusé de faiblesses, de corruptions et de dévoiement des moeurs.


Charles Maurras

 Pour ne prendre qu'un exemple,  Charles   Maurras*, s'affirmant pourtant germanophobe, écrivait en janvier 1939: "... les grandes démocraties appuyées par la juiverie ont envie de faire tuer quelques millions d'hommes, voilà la vérité."


Au début de l'année 1939, malgré sa promesse faite à N. Chamberlain à Munich, Hitler remet en cause ce qui avait été prévu pour Dantzig* par le traité de Versailles qui prévoyait pour la Pologne un accès à la mer via Dantzig.

Cette décision hitlérienne relance les tensions internationales. Les gouvernements français et britannique donnent aux différents pays menacés la garantie de l'intangibilité de leurs frontières.
Les rumeurs de guerre se font chaque jour plus évidentes, les démocraties ne pouvant plus laisser Hitler annexer selon son bon plaisir.


Mais en France, les partisans des pouvoirs autoritaires s'insurgent au nom d'un pacifisme dévoyé. Ainsi, Marcel Déat*, député socialiste puis futur collaborateur, écrit le 4 mai 1939 dans le journal 'l'Oeuvre" un article intitulé: "faut-il mourir pour Dantzig?" où l'on peut lire: " il ne s'agit pas du tout de fléchir devant les envies conquérantes de M. Hitler, mais je le dis tout net: flanquer la guerre en Europe à cause de Dantzig, c'est y aller un peu fort, et les paysans français n'ont aucune envie de "mourir pour Dantzig". 


Le 30 août 1939, Hitler envoie un ultimatum au gouvernement polonais qui, très justement, le rejette. Le 1er septembre, sous un faux prétexte, Hitler envahit la Pologne.
Tenant leurs engagements vis à vis de la Pologne,  La France et la Grande Bretagne déclarent la guerre à l'Allemagne nazie.

Si je suis rentré rapidement dans les détails de la politique expansionniste d'Hitler, c'est pour rappeler que malgré tous les gestes de bonne volonté, tous les abandons des engagements, toutes les génuflexions faites au dictateur nazie, ce dernier n'a jamais eu la moindre intention de respecter les engagements qu'il avait pris. Jamais! 

Parce qu'il en est ainsi que tous les dictateurs, tous les autocrates ne respectent jamais leur parole, même et surtout quand il s'agit d'annexer un territoire voisin.


Hitler a toujours fondé ses politiques étrangères sur la faiblesse des démocraties, n'hésitant pas à considérer les traités qu'il signait comme de vulgaires chiffons.
Et pour cela, il n'a jamais hésité, dans des discours virulents, à justifier à coups de mensonges éhontés, les agressions entreprises à l'égard d'états souverains.

Il se dit que l'histoire ne se répète jamais. Certes, mais il peut lui arriver d'avoir le hoquet. Comme en ce moment.

Ce qui se passe en Ukraine depuis février 2022 et certaines réactions complaisantes de personnalités politiques françaises vis à vis de cette agression russe a, qu'on le veuille ou non,  une ressemblance certaine avec ce qui s'est passé jusqu'au 1er septembre 1939. 

"Vous aviez à choisir entre...."

Il ne faudrait pas l'oublier...


 

1 commentaire:

  1. Bonjour Claude,

    Merci de nous rafraîchir la mémoire. Aujourd'hui la menace n'est plus l'Allemagne d'Hitler mais la Russie de Poutine. L'Europe doit impérativement soutenir l'Ukraine sans faillir.

    NB : il manque un "i" à choisir dans ton titre.

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