samedi 30 avril 2016

"Salauds de pauvres" (3)

Les deux premiers articles que j'avais écrit sur ce thème étaient consacrés à Mr Laurent Wauquiez, à cette époque ministre des affaires européennes*, puis ministre de l'enseignement supérieur* dans le gouvernement de Mr Fillon. Lequel Wauquiez est aujourd'hui président de la région Rhône Alpes Auvergne, député de la Haute Loire et secrétaire général délégué du parti LR de Mr Sarkozy. Il se faisait et se fait toujours le pourfendeur de ce que lui et ses amis appellent l'assistanat.

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crédit photo: AFP

Mais ce n'est pas à lui que je vais consacrer mon billet de ce jour mais à Bruno Le Maire,* député de l'Eure et candidat à la primaire de "la droite et du centre".

Il est né en 1969,  a fait de brillantes études: Ecole Normale Supérieure (reçu premier à l'agrégation de lettres modernes) Sciences Po et l'ENA. Il a commencé sa carrière au sein du ministère des Affaires Etrangères. Il a été un très proche collaborateur de Mr de Villepin, de 1998 à 2007. Il a ensuite été ministre de 2008 à 2012 dans le gouvernement de Mr Fillon. Donc une longue carrière politique classique commencée à 29 ans.

Candidat déclaré à la primaire de "la droite et du centre", il se veut le candidat du renouveau et du renouvellement: "le renouveau, c'est Bruno" peut-on lire sur le tee-shirt de ses soutiens.
Alors, pour étayer cette prétention, il lui arrive de tomber la cravate, mais surtout de prononcer tous ses discours en relevant ses bras de chemise. A tel point que lors du congrès de son parti en 2015, alors qu'il montait à la tribune pour lire son discours, son "ami" Brice Hortefeux lui a demandé: "tu viens de faire la vaisselle?*" Ambiance...

Mais ce qui m'amène aujourd'hui à poser ma plume sur lui n'est pas son parcours, somme toute aussi classique que banal dans notre classe politique, ni pour ses tenues vestimentaires, elles aussi classiques et banales.

Non, ce sont ses déclarations et intentions concernant les titulaires du RSA: il propose que les départements puissent*, je cite: « avoir la possibilité d’avoir accès aux comptes bancaires des bénéficiaires du RSA pour s’assurer que chaque bénéficiaire touche bien le montant dont il a besoin et qu’il n’y a ni gabegie, ni fraude ». Et il ajoute: "Je veux que chaque euro d’aide sociale aille à ceux qui en ont besoin."

Dans la même déclaration, il n'hésite pas à affirmer sur le ton martial qui convient: "le RSA est un minima social qui s’applique à une situation d’urgence. Or, quand on a 12 000 euros sur son compte en banque, on n’est pas dans l’urgence. » Sans invoquer les entreprises bénéficiaires, entre autres du CICE, qui perçoivent des millions d'euros d'argent public alors qu'elles dégagent des résultats faramineux, qu'elles font des ponts d'or à leurs dirigeants, même quand ils échouent, et distribuent des montagnes de dividendes à leurs actionnaires. Mais pour Mr Le Maire, un pauvre doit être pauvre!

on ne peut que souscrire à une telle ambition: aider ceux qui en ont besoin tout en contrôlant le bon usage des deniers publics.

Mais ce qui pose question, c'est que les soucis de bonne gestion de Mr Le Maire s'adressent une fois de plus aux démunis, aux pauvres: pour mémoire, le montant du RSA* est de 549 € pour une personne seule, 1121 € pour une personne seule avec deux enfants.
Ajoutons que près d'une personne sur deux qui pourrait prétendre au RSA n'en fait pas la demande...

Le montant des fraudes aux diverses prestations sociales est de 143 millions d'euros, incluant celles du RSA qui se situent à peu près à 40 millions. Rapportée aux 9,3 milliards versés aux 2 500 000 allocataires fin 2015, cela reste limité. Et rapportée aux 40 milliards de la fraude fiscale estimée en France, c'est une goutte d'eau dans l'océan! 
Cela posé, que l'on se comprenne bien: je suis convaincu autant que quiconque qu'il convient de traquer les fraudes, toutes les fraudes, mais cependant que l'on ne mette pas plus d'énergie à traquer les voleurs de pommes que les costumes cravates!

J'ai cherché sur le blog de Mr Le Maire et un peu partout sur les différents médias ses positions, ses propositions suite aux révélations des "panama papers". Rien, pas une ligne, pas un mot.
Pourtant, dans le souci qui est le sien et que l'on peut supposer sincère, qui est de pourchasser "les fraudes et la gabegie", rien qui puisse, dans ses déclarations, faire apparaitre une colère ou une condamnation de pratiques iniques qui permettent à une minorité de s'enrichir sans limites! "Qui ne dit mot consent" dit le dicton. J'ai quand même du mal à imaginer que Mr Le Maire puisse être d'accord avec ces fraudes. Mais alors pourquoi ne dit-il rien? Et inversement, pourquoi cet acharnement sur les allocataires du RSA?

Même chose pour les millions d'euros donnés aux entreprises, y compris et surtout celles qui font des bénéfices, dans le cadre du CICE*: Crédit d'Impôt pour la Compétitivité et l'Emploi, institué en 2013. Pour l'année 2014, 24 grandes entreprises ont perçu 1,6 milliard d'euros, et cela sans le moindre justificatif et encore moins d'obligation de résultats. Rappelons que ce CICE a pour but, entre autres de favoriser "la recherche et l'innovation". On peut quand même se demander si certaines entreprises font vraiment, "de la recherche et de l'innovation". La liste des entreprises bénéficiaires* répond à la question posée.

A ce sujet, B. Le Maire n'a aucune interrogation: lui si prompt à dégainer sur la "gabegie" reste muet sur le sujet.
Plus généralement, il s'exprime peu sur les allègements divers et variés consentis aux entreprises en terme de réduction d'impôts ou de cotisations sociales; et pourtant, là encore, il n'y a ni obligations de résultats, ni d'ailleurs de résultats. Là-aussi, il reste muet... Sauf à dire que, lui président, il ne négociera pas avec les syndicats*: Monsieur Trump, aux USA, ne dit pas autre chose!

Il ajoute, dans cet interview: "je veux donner la garantie absolue aux contribuables que les aides sociales sont justifiées" et "que l’argent va où on en a besoin".
Là encore, noble souci de l'argent  public. Mais cela m'a amené à m'interroger sur l'argent public que lui, Bruno Le Maire, perçoit en tant qu'élu du peuple, en tant que député. Des sommes conséquentes mais, me semble t-il, justifiées eu égard à l'importance du mandat et aux responsabilités propres à chaque élu.

Je suis donc allé jeter un oeil sur l'activité parlementaire du pourfendeur de la gabegie. Et pour cela, je suis allé sur les sites: https://www.nosdeputes.fr/bruno-le-maire/graphes/lastyear et http://www2.assemblee-nationale.fr/deputes/fiche/OMC_PA331481.

Je vous laisse examiner en détail sa présence au cours des différentes sessions, sa participation à la commission des finances et ses prises de paroles. Lui l'opposant farouche au cumul des mandats (c'est sans doute le seul point d'accord que j'ai avec lui), devrait être, me semble t-il, plus présent dans l'hémicycle puisqu'il est seulement député. Or, ce n'est quand même pas tout à fait le cas: d'après le site https://www.nosdeputes.fr/synthese, il se situe souvent dans les 150 derniers pour les différentes activités: 3 présences à la commission des finances et pas d'interventions et 11 semaines d'activités quand les meilleurs en sont à 38 ou 39...

Je ne veux pas me livrer à des calculs de boutiquier, mais je m'interroge quand même sur la pertinence de sa rémunération au regard de son activité parlementaire. Lui qui veut donner aux contribuables la certitude que leur argent est bien employé ne donne pas vraiment l'exemple. Serait-il un adepte du "faites ce que je dis, pas ce que je fais", très en vogue chez les puissants?

Le populisme et la démagogie sont les défauts les mieux partagés par les différentes classes politiques partout dans le monde. La France en la matière ne fait pas exception, loin s'en faut. Ces populistes et ces démagogues se veulent à l'écoute des peuples, mais ne les entendent pas. 
Aux prétextes fallacieux d'aller vers davantage de progrès ou de croissance, ils mettent en place, quand ils arrivent au pouvoir, des politiques d'austérité dont chacun peut mesurer qu'elles ne font qu'accentuer misères et précarités. C'est vrai chez nous, mais pas que.

Bruno Le Maire, hélas, fait partie de ces gens. Certes, il n'est d'aucun extrêmes, ni de gauche ni de droite. Pour autant, son approche populiste du débat politique, ses discours démagogiques, les méthodes autoritaires qu'il prétend mettre en application s'il devait arriver au pouvoir, son mépris affiché de ses adversaires, y compris au sein de son propre camp, sans parler de son programme politique ultra réactionnaire et de son programme économique ultra libéral.

Tout cela m'amène à penser que cet homme est dangereux!

* clic sur le lien


Angèle-Cartier-couv-6de Claude Bachelier

www.zonaires.com

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