dimanche 14 octobre 2012

les Présidents de la République Française: 11 ème partie: 2007 - 2012


Nicolas Sarkozy est donc le vingt-troisième Président de la République. Il annonce sa candidature à la présidence de la République en novembre 2006. "Travailler plus pour gagner plus" ( un slogan que l'on dit emprunté au MEDEF!), "la rupture tranquille" ou "l'ordre en mouvement" sont les principaux slogans de sa campagne électorale. Il est élu au second tour par 53,06% des suffrages exprimés face à Ségolène Royal*, la candidate socialiste, au terme d'une campagne assez rude. La participation électorale a été forte puisque plus de 82% des électeurs ont voté pour le premier tour et 84% au second. Jean Marie Le Pen*, avec 10,44% des exprimés,  est bien loin de son score de 2002. Marie-Georges Buffet*, la candidate du PCF n'atteint pas les 2%, de même que Dominique Voynet*, candidate écologique avec 1,57%.

Nicolas Sarkozy: né le 28 janvier 1955. Président de la République du 16 mai 2007 au 15 mai 2012.

Il est d'origine hongroise par son père. Titulaire d'un DEA de sciences politiques, en 1980, il obtient un certificat d'aptitude à la profession d'avocat.
Membre de l'UDR, puis du RPR, il devient maire de Neuilly sur Seine en 1983, au nez et à la barbe de Charles Pasqua*. Elu député en 1986, il est Ministre du budget dans le gouvernement de cohabitation de Edouard Balladur. Il soutient ce dernier à la présidentielle de 1995, ce qui lui vaudra une courte  période de disgrâce. 
En mai 2002, il est nommé Ministre de l'intérieur par Jacques Chirac. Il est à l'origine de la mise en place des radars sur les voies de circulation. Il encourage la création du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM)*. Il mène une politique plutôt énergique et répressive. Sans pour autant obtenir des résultats probants. En mars 2004, il est nommé Ministre d'Etat, Ministre des Finances dans le troisième gouvernement de Jean Pierre Raffarin*.
Il affirme très tôt sa singularité et ses ambitions. Ainsi, au cours d'un interview sur France 2, en novembre 2003, alors que le journaliste lui demande s'il pense à la présidentielle, il a cette réponse: "j'y pense et pas seulement en me rasant." 
Un an plus tard, il est élu à la présidence de l'UMP. Il est nommé ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire dans le gouvernement de Dominique de Villepin* en mai 2005. Il conserve la présidence du Conseil Général des Hauts de Seine, mais aussi la présidence de l'UMP, malgré l'hostilité de Jacques Chirac.
Sa politique du tout sécuritaire, à base de déclarations volontaristes et souvent immédiatement consécutives à certains évènements, se montre d'une efficacité toute relative: les chiffres de la délinquance ne baissent pas et le sentiment d'insécurité perdure. Suite à la mort de deux adolescents, des émeutes se déclenchent dans la banlieue parisienne. Il annonce alors "la tolérance zéro" vis à vis des émeutiers, ce qui n'empêche pas ces émeutes de durer plus d'une vingtaine de jours. Le Premier Ministre décrète alors l'état d'urgence, appliqué pour la première fois depuis 1961 sur le territoire métropolitain.

Le soir même de son élection, Nicolas Sarkozy réunit ses amis*, en majorité des dirigeants d'entreprises du CAC 40, des sportifs et des comédiens, au Fouquet's. Le lendemain, alors qu'il avait annoncé qu'avant de prendre ses fonctions, il s'isolerait pour réfléchir, il part pour une croisière de trois jours sur le yacht de son ami Vincent Bolloré*. 
Cela sera reproché au nouveau Président tout au long de son mandat. Plus pour le symbole que pour les actes en eux-mêmes: passer une partie de la soirée de la victoire électorale en compagnie de gens fortunés n'est pas forcément le bon signal envoyé aux citoyens... Arnaud Teyssier ne manque pas de le souligner: "Nous ne nous attarderons guère en ces lignes sur le syndrome de la montre Rolex. Il reste que dans un système où l'élection présidentielle est tout, comme la symbolique qui s'y rattache, les institutions pâtissent immédiatement et de manière irrémédiable de cette atteinte portée à une sobriété au moins apparente qu'avaient respectée, peu ou prou, tous les prédécesseurs de Nicolas Sarkozy." (1)

Il nomme François Fillon Premier Ministre et fait appel à des ministres "d'ouverture": Bernard Kouchner*, Eric Besson*, Martin Hirsh*, Jean Pierre Jouyet*. Ce qui trouble quelque peu son électorat: les législatives ne sont pas à la hauteur des résultats de la présidentielle: il s'est dit dans les rangs de l'UMP que la faute en reviendrait à Jean Louis Borloo* , coupable de s'être fait piéger par Laurent Fabius au sujet de la "TVA sociale"
Après avoir laissé la présidence de la commission des fiances de l'Assemblée Nationale à Didier Migaud*, député socialiste, il le nomme en février 2010 président de la Cour des Comptes. Dans le même temps, il nomme Michel Charasse*, mitterrandien historique, au Conseil Constitutionnel. Ce qui n'est pas forcément apprécié dans la majorité et son électorat.

Dès son entrée en fonction, le nouveau président met en oeuvre plusieurs promesses de sa campagne électorale:

- la loi "TEPA": défiscalisation des heures supplémentaires, déduction des intérêts d'emprunts immobiliers, allègement des droits de succession, augmentation du taux du "bouclier fiscal"*, dont on peut rappeler au passage que ce "bouclier" fut mis en oeuvre par le gouvernement de Villepin. L'ensemble de ces mesures ont pesé lourdement sur le budget de l'Etat, en particulier dès le début de la crise où elles sont apparues comme étant des mesures favorisant les "riches".
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la loi LRU:  Liberté et Responsabilité des Universités;

- service minimum dans les transports publics et les écoles;
- mise en place du plan Alzheimer;
- création du statut d'auto entrepreneur;
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réforme des régimes spéciaux de retraite pour les aligner sur le régime général;
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passage à 5,5% de la TVA dans la restauration: cette mesure fut très critiquée: en effet, en plus de son coût faramineux pour les finances de l'Etat, son efficacité n'a jamais été démontrée.

Le 21 juillet, la Constitution est modifiée par le Congrès réuni à Versailles par deux voix de majorité, dont celle de Jack Lang, député PS. Cette modification limite à deux le nombre de mandats consécutifs que peu effectuer une même personne; elle autorise le Président à s'exprimer devant le Congrès, ce qu'une loi, votée en 1873 sous la présidence d'Adolphe Thiers, avait interdit.(voir mon billet: http://panissieres.blog.lemonde.fr/2012/05/12/les-presidents-de-la-republique-francaise-1ere-partie-1848-1887/). 
Guy Carcassonne, s'il n'est pas hostile à cette modification, doute toutefois de son utilité: "Sauf à présumer magique le verbe présidentiel, les parlementaires n'avaient pas à craindre d'en être subjugués. Ils furent pourtant réticents à franchement hostiles. (...) Mais il ajoute: "Plus prosaïquement, qu'une fois l'an il puisse exposer le bilan des mois écoulés et les perspectives de ceux à venir, à la tribune plutôt que lors des voeux indigents qu'il présente le 31 décembre puis dans les premiers jours de janvier, n'aurait pas nui à l'autorité du chef du Gouvernement et aurait obligé le chef de l'Etat à se montrer clair et dense, devant l'auditoire le plus difficile qui soit." (2)
Une autre modification importante de la Constitution concerne le fameux article 49-3 qui permettait aux gouvernements de faire passer en force n'importe quel article de loi. Désormais, le gouvernement ne pourra plus engager sa responsabilité que sur un seul projet de loi par session, hormis la loi de finance et la loi de financement de la Sécurité Sociale. C'est une modification capitale dans l'établissement des lois et des relations entre le gouvernement et le Parlement.

La crise économique, partie des USA, arrive en France au début de l'année 2008 et surprend tout le monde, y compris au sommet de l'Etat. Un plan de sauvetage des banques françaises, particulièrement touchée par la débâcle américaine, est mis en place avec une efficacité certaine sous forme de prêts avec intérêts. Certains économistes ont regretté que l'Etat n'ait pas profité de la situation pour rentrer au capital des banques en question. 
Cette crise entraine un fort recul de l'activité des pays industrialisés, mais aussi une hausse très importante des dettes d'Etat de ces pays. La France n'y échappe pas. 
Il fait voter la loi "Grenelle 1" en juillet 2009 pour lutter contre le réchauffement climatique. Ce qui ne l'empêche pas d'affirmer en mars 2010, au salon de l'agriculture: "l'environnement, ça commence à bien faire."
Un "grand emprunt" de 35 milliards d'euros est lancé en juillet 2010 pour financer la recherche et l'université.
En 2010, la réforme concernant l'âge de départ à la retraite est lancée, malgré une très forte opposition des syndicats et de l'opinion publique. Après quelques aménagements mineurs, la réforme est adoptée fin 2010.

En matière de politique extérieure, il est très présent. Son style quelque peu familier ne laisse pas de surprendre, particulièrement la chancelière allemande Angéla Merkel, peu habituée à ce que les chefs d'Etat lui fasse la bise.

Il intervient tout azimuts:
- il réussit à faire libérer les infirmières bulgares des griffes du colonel Kadhafi, qu'il invitera en voyage officiel en France fin 2007. Les exigences du dictateur libyen comme ses attitudes scandalisent bon nombre de français, y compris dans l'entourage présidentiel. D'ailleurs plusieurs photos montrent le Président Sarkozy passablement gêné aux côtés de Kadhafi*.
-
A Dakar, il prononce un discours ambigu* où, s'il reconnait que la colonisation fut une erreur, il affirme que le sous développement en Afrique est le fait des africains eux-mêmes. Ce qui ne manquera pas de déclencher des polémiques sans fin.
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lors du conflit* entre la Géorgie et la Russie, en août 2008, il se fait le médiateur entre les deux belligérants et réussit à stopper les hostilités. Ses interventions directes et rapides  auprès des présidents russes et géorgiens ont été plutôt efficaces.

- il sera l'un -sinon le seul- des initiateurs de traité de Lisbonne, signé en juin 2007. Ce traité reprend dans se grandes lignes la partie institutionnelle de projet de Constitution européenne.
- la France préside l'UE au deuxième semestre de 2008. Pour le président français, c'est l'occasion d'affirmer son volontarisme face à la crise.
- en avril 2009, la France réintègre le commandement intégré de l'OTAN. Ce qui lui sera reproché au nom de "l'héritage du général de Gaulle"! En réalité, cette décision met fin à une hypocrisie qui faisait que la France faisait partie de l'OTAN, sans en en faire partie tout en faisant partie! Et cela depuis le début des années 70.
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il encourage et soutient la candidature de Dominique Strauss-Kahn* au poste de directeur général du FMI, puis, après les déboires judiciaires de ce dernier, soutient la candidature de Chirstine Lagarde*.

- après avoir soutenu politiquement et militairement le président élu de la Côte d'Ivoire, Alassane Ouatarra*, il prend l'initiative, en mars 2011, avec le Premier Ministre britannique, David Cameron, de soutenir militairement la rébellion libyenne* contre le colonel Kadhafi, avec la bénédiction du Conseil de Sécurité de l'ONU. Le dictateur libyen sera renversé en septembre 2011.

La côte de popularité du Président Sarkozy n'a quasiment jamais cesser de baisser dans les différents sondages. Certes, ce ne sont que des sondages et n'ont qu'une valeur très relative. Pour autant, ils révèlent une sorte d'ambiguïté: il est reproché au Président à la fois son côté "bling bling", son interventionnisme permanent, son mépris affiché des corps intermédiaires, ses coups de menton lors de ses discours, son impuissance face à l'envolée du chômage, sa façon d'opposer les français entre eux, "ceux qui se lèvent tôt" (mars 2005) en opposition aux "assistés", en particulier les chômeurs (15 février 2012 sur TF1), tout en lui reconnaissant un certain courage politique, un volontarisme permanent , voire une personnalité attachante.

Mails il y a des ombres: les affaires. Les fameuses affaires qui auront empoisonné son quinquennat: l'affaire dite de Karachi* alors qu'il était directeur de la campagne de Edouard Balladur en 1995; l'affaire "Clearstream"*, une affaire de manipulation où il semble s'acharner contre Dominique de Villepin; mais surtout l'affaire Bettencourt*, une affaire de famille qui déborde le strict périmètre familial pour en arriver à des soupçons de financement illégal de la campagne électorale de 2007 de Nicolas Sarkozy.

Nicolas Sarkozy annonce sa candidature pour un second mandat le 15 février 2012. Au vu des sondages effectués en 2011 - encore eux!!! - et qui lui sont largement défavorables, certains commentateurs se demandent s'il sera présent au second tour!
Au fur et à mesure que se rapproche le 1er tour, le candidat Sarkozy "droitise" sa campagne, sous l'influence de certains de ses conseillers, en particulier de Patrick Buisson.*

Le 22 avril 2012, il obtient 27,18% des exprimés, devancé par François Hollande qui lui, obtient 28,63%. Il devance Marine Le Pen, (17,90%), Jean Luc Mélanchon (11,10%), François Bayrou (9,13%), Eva Joly (2,32%).
Au cours du débat qui l'oppose à François Hollande trois jours avant le second tour, il parait hésitant, sur la défensive et donne le sentiment qu'il n'y croit plus.

Le 6 mai 2012, il est battu par le candidat socialiste: 48,36% contre 51,64%.

A l'occasion de la commémoration du 8 mai 1945, Nicolas Sarkozy invite François Hollande à le célébrer avec lui. L'image de l'ancien et du nouveau Président de la République restera une image forte de la transition politique.
Le 15 mai suivant, Nicolas Sarkozy quitte ses fonctions.

Il est sans doute trop tôt pour tirer un bilan de ce quinquennat. Toutefois,il est certain que la crise économique venue des USA a bouleversé la vie politique et sociale. Nicolas Sarkozy, rendons lui cette justice, n'a pas été inerte, loin s'en faut. 
Il a compris que cette crise pouvait tout emporter sur son passage. Il a essayé, tant au niveau du G8 ou du G20 que de l'Union Européenne de mener des politiques volontaristes. Mais, l'ultra libéralisme dont il a été au début de son mandat un défenseur et un promoteur - ne voulait-il pas introduire en France en 2004 puis en 2007 le "crédit hypothécaire, un système très proche de celui des "subprimes" américains? - cet ultra libéralisme donc l'a piégé, lui et la majeure partie des dirigeants européens. Piégé dans un système où le Politique, qui a pour lui la légitimité du suffrage universel, se retrouve à la botte d'un système financier qui n'a que faire et de cette légitimité et de la crise politique et sociale qu'il a déclenchée.

Il convient également de souligner sa volonté d'être partout, de décider de tout, au point ramener le Premier Ministre au rang, selon ses dires, de "collaborateur"! 
Cette "hyper présidence", selon le titre du Figaro du 21 juin 2007, a fini par se retourner contre lui: la moindre faillite, le moindre faux pas, la moindre erreur, "c'était de la faute à Sarko". Sans oublier cette manie, sinon cette volonté, d'opposer les français les uns contre les autres: ceux qui ont du travail contre ceux qui n'en on pas; la fonction publique contre le privé; les immigrés contre les "natifs"; les "assistés" contre les entrepreneurs... Et la liste est longue.

A l'heure où ces lignes sont écrites, Nicolas Sarkozy n'est plus "que" membre de droit du Conseil Constitutionnel. Certaines affaires judiciaires pourraient bien obscurcir son avenir. Politique ou pas.

* clic sur le lien

(1) in "Histoire politique de la Vème République (1958 -2011) de Arnaud Teyssier, 2011, éditions Perrin, collection "tempus", page 794.
(2) in "la Constitution" de Guy Carcassonne, éditions du Seuil, collection Essais, neuvième édition 2009, page 120.

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