Il faut dire que Samarkand a toujours eu de quoi séduire les plus intrépides, les plus cruels, les plus barbares, des princes, des rois qui passèrent à sa portée.
D'Alexandre le Grand à Darius, de Qutayba Ben Muslim à Genzis Khan, tous, aussi grands soient-ils, aussi arrogants soient-ils, tous mettent pied à terre.
Certes, d'autres, moins connus et moins sensibles à sa beauté, la pilleront, la saccageront et même, sacrilège ultime, essaieront de la détruire, sans succès.
En 1834, l'explorateur Ibn Battula, de passage, écrit: "Il y avait jadis sur la rive des palais imposants et des édifices qui laissaient deviner l'ambition des habitants de Samarkand. Mais la plupart ont été détruits comme une grande partie de la ville." (1)
Selon une légende, la ville fut fondée au VIII ème siècle avant JC. Un léopard descendit alors des montagnes de Zarafshan* et approuva la construction de la ville.
Au cours de son histoire et des différentes occupations qu'elle a pu subir, la ville a connu plusieurs religions: bouddhisme, zoroastrisme, hindouisme, manichéisme, judaïsme, église de l'Orient et islam.
Arrêtons-nous quelques instants sur Amir Timour Ibn Amir Taragay, l'amoureux de Samarkand.
Il est né en 1336, près de la cité et mort en 1405. Ce qui correspond chez nous au mi-temps du Moyen-Âge.
Pour la petite histoire, il y a eu un échange de correspondance entre Timour et le roi de France, Charles VI* en 1403.
Pour faire court, il demande au roi de France et à d'autres souverains européens le droit de commercer et pour ce faire de protéger ses commerçants. En échange, il assurera la protection des commerçants européens.
Matthew Shum on Twitter: "Trying to translate this letter from Tamerlane to King Charles VI of France. |
Timour a été un conquérant. La carte ci-dessous le montre: conquêtes à l'est de vastes territoires comprenant l'Irak, l'Iran une partie de la Syrie, jusqu'en Turquie et d'autres du Caucase à l'Asie centrale
Pour certains historiens, en particulier René Grousset*, l'installation du pouvoir timouride par Timour peut-être considéré comme le précurseur de l'empire ottoman qui, lui, à partir du XVème siècle, saura faire l'unité de l'islam et fonder un empire solide avec des institutions fortes et cela jusqu'au traité de Sèvres de 1920*.
Conquérant, Timour l'a été. Mais aussi un conquérant brutal, cruel, sanguinaire ainsi que je le soulignais dans mon billet précédent et donc je ne reviendrai pas sur cet aspect du personnage.
C'est à partir de Djaghatay* en 1370 où il a éliminé son allié, Mir Hosseïn, que Timour se lance à l'assaut de tous ces territoires qui deviendront son empire. Empire qui ne survivra pas vraiment à sa mort en 1405.
Timour ne sait ou ne veut pas donner une organisation administrative et politique aux vastes territoires conquis. Son désintérêt en la matière est notable.
Chef religieux intransigeant, il impose un système hybride, mêlant un code de loi impérial remontant à Gengis Khan, le Yasak, et la Charia. Mais ce système ne permet pas de maintenir l'unité puisque l'empire est partagé entre ses quatre fils. À partir de 1450, s'amorce l'éclatement de l'empire qui disparaitra en 1507 sous les attaques turkmènes venues d'Asie Centrale.
Timour a très vite installé sa capitale à Samarkand et entrepris de donner à cette ville le lustre que l'on lui connait aujourd'hui.
Mais bien avant son arrivée, la ville a déjà une très riche histoire.
La route de la soie, bien sûr. Cette convergence de routes terrestres, à partir de la Chine vers la Turquie et qui, toutes ou presque, passent par Samarkand. Et c'est la soie, marchandise rare et chère, qui va donner à cette ville une importance économique et politique considérable.
En 751, après la victoire des Abbassides* sur les Chinois, elle est le principal centre de production de papier.
Après chaque victoire remportée sur d'autres souverains, Timour ramène dans sa capitale des architectes, des ingénieurs, des savants, des artisans, des artistes qui vont contribuer à reconstruire des bâtiments détruits ou endommagés lors des dernières invasions, toujours plus somptueux, toujours plus impressionnants. Et donner à cette cité un rayonnement international exceptionnel.
La place du Régistan n'est pas à proprement parlé une construction de Timour, mais, de par l'importance intellectuelle et religieuse qu'il a conférée à cet endroit en y encourageant la présence de savants et de poètes, il a contribué à sa magnificence.
Située au coeur de la ville, elle est entourée de trois médersa: la médersa Ulugh Beg, la première érigée à cet endroit; la médersa Cherdor en 1612 et la médersa Tilla-Kori en 1646.
Il n'est peut-être pas inutile de rappeler qu'une médersa - ou madrasa - est une école coranique où l'on enseigne la doctrine religieuse, celle de l'islam.
En Ouzbékistan, toutes les médersas accueillent des étudiants de niveau universitaire. L'enseignement lui-même est gratuit et est assuré par des religieux de haut niveau, recruté par l'État et par lui seul. Comme d'ailleurs, la totalité des imams qui exercent leur ministère dans les moquées du pays.
Les étudiants doivent assumer le coût - modeste - de leur logement à l'intérieur de la médersa, ainsi que leur nourriture et leur habillement.
Mais aussi, la propreté de leur école.
Détruit en partie par des intégristes après l'assassinat du savant par son fils, il fut découvert par un scientifique Russe en 1908, V. L. Vyatkine.
l'observatoire de Ulugh Beg |
Il serait bien trop long et bien éloigné de mes compétences, donc cliquez sur ce lien qui vous dira tout ou presque du fonctionnement de cet observatoire*
la médersa CHERGOR |
Une des constructions emblématiques de Timour est la mosquée Bibi- Khanoum, dédiée à son épouse préférée.
De fait, elle est impressionnante, et par ses dimensions - 167 mètres de long pour 109 de large, permettant d'accueillir jusqu'à 10 000 personnes - et par la richesse de ses carreaux de céramique qui forment des motifs géométriques variés et des versets du Coran.
Cherefeddin Ali Yazdi, l’historien de la cour l’a décrite en ces termes : «sa coupole serait unique si le ciel n'était pas sa réplique, il en serait de même pour son arc si la Voie lactée n'était pas son fidèle reflet »
En 1897, un violent tremblement de terre l'a quasiment rasée et ce n'est qu'à partir de 1968 que les premières reconstructions ont débutées.
Islam Karimov* a été le premier président de l'Ouzbékistan indépendant et souverain après l'indépendance en 1991. Auparavant, il était le président du Soviet Suprême de la République Socialiste d'Ouzbékistan.
Objet de l'admiration des citoyens Ouzbeks, son décès à 78 ans, après 25 années d'un pouvoir quasi absolu, a plongé le pays dans une sorte de sidération propre à ces pays où le culte de la personnalité est une réalité quotidienne.
Un impressionnant mausolée* a été construit en sa mémoire sur les hauteurs de la ville.
Pour mon prochain billet, j'évoquerai Noukous et notre déambulation dans la steppe ouzbek.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire