Toujours dans le cadre des "cent jours après l'apocalypse", Patrick L'Ecolier publie mon second texte sur son site "Calipso".
Si l'aventure vous tente, vous pouvez vous aussi prendre la plume et lui
envoyer votre texte. Je ne doute pas qu'il se fera un plaisir de le
publier.
Bonne lecture
Ma chère Amie,
Je lis et je relis votre lettre et je m’aperçois avec stupeur que vous n’êtes pas la femme rationnelle et cartésienne que je pensais. J’en veux pour preuve cette espèce de terreur que vous a inspirée la fin du monde annoncée pour le 21 décembre dernier. Vous, une femme si cultivée, si intelligente, comment avez-vous pu vous laisser abuser comme une midinette par cette mascarade ? Comment avez-vous pu un seul instant croire ces sornettes d’un autre âge ?
Il est vrai cependant que l’apocalypse n’est pas une vue de l’esprit, une invention de je ne sais quels prophètes de l’Antiquité. Parce que, ma chère Amie, elle existe, mais pas là où vous redoutiez qu’elle soit, mais plutôt dans l’Homme. Au cœur de l’Homme. Et vous remarquerez la majuscule à Homme.
Depuis que le monde est monde, et cela a commencé avec Caïn et Abel, les hommes se déchirent, se battent, s’entre-tuent. Sur chaque continent, dans chaque pays, parfois même dans chaque village. Et pour quelles raisons ? Pour quels motifs ? Pour de l’argent, pour le pouvoir et même pour des femmes. Parfois même pour rien, sinon pour le seul plaisir absurde de montrer sa force, d’étaler sa puissance.
Un philosophe anglais du XVIIe siècle, Thomas Hobbes je crois, a écrit dans un de ses ouvrages: « dans son état de nature, l’homme est un loup pour l’homme. » La modernité de cette phrase n’a rien perdu de son actualité, hélas. À ceci près que le loup tue pour se nourrir, pour vivre. Alors que l’Homme, lui, tue par orgueil, vanité ou pour le plaisir.
Voulez-vous des exemples ? Je n’en citerais que quelques-uns. La place et le temps me manqueraient pour les citer tous.
On a souvent affirmé que la première guerre mondiale avait été provoquée par l’assassinat d’un aristocrate à Sarajevo. Foutaises que cela ! Balivernes pour gogo ! En réalité, si cette abominable boucherie a été déclenchée, c’est parce que les Français, depuis la défaite de 1870, rêvaient d’en découdre ; mais aussi parce que le militarisme prussien, l’orgueil et la suffisance d’une caste militaire prussienne décadente, la morgue et l’aveuglement d’un monarque borné ont été la cause de la pire boucherie qu’il ait été donné aux hommes de subir.
Si cette guerre n’a pas été l’apocalypse, alors, qu’est-ce que l’apocalypse ?
Et comme si cela n’avait pas suffi, le monde est reparti dans sa folie meurtrière vingt ans plus tard, mais en montant de plusieurs crans dans l’horreur, dans le cauchemar, dans l’épouvante. D’Auschwitz à Hiroshima. Et là encore, pourquoi, bon dieu, pourquoi ? Parce que l’Homme porte en lui, au plus profond de lui la terreur infinie, l’horreur absolue ! Et comment appeler cela, sinon l’apocalypse ?
Mais aussi, comment ne pas parler de toutes ces guerres locales à travers le monde ? Ces guerres où des enfants sont enrôlés, de force, pour tuer leur propre père, leurs propres frères ; pour violer leur propre mère, leurs propres sœurs ! Ces guerres où des millions de pauvres gens sont affamés, empoisonnés, réduits à l’état de troupeaux errant d’une famine à une autre !
Ne s’agit-il pas, là aussi, de l’apocalypse ?
Et que dire de ces tueurs armés jusqu’aux dents et qui vont d’une école à une autre, d’une fête à une autre et qui tuent, qui massacrent le sourire aux lèvres !
Que dire aussi de ces obscurantistes qui lapident la femme adultère, qui coupent la main du voleur, qui brulent les livres, qui détruisent les temples qui font la richesse de l’Humanité ?
Oui, que dire de tout cela ?
Rien. Ou plutôt que cette apocalypse dont on nous a rebattu les oreilles ces derniers temps, une autre apocalypse est là, réelle, vivante, au cœur de l’Homme. Depuis la nuit des temps et jusqu’au moment où l’Homme par sa démesure et sa vanité se détruira lui-même.
Quand j’étais jeune, j’avais coutume d’affirmer haut et fort que si je n’attendais rien de l’homme, je croyais en lui, en son humanité, en son intelligence.
Mais les années passants, mes lectures et la réflexion aidant, je ne suis plus aussi optimiste et j’ai revu à la baisse cette vision quelque peu naïve de ma jeunesse : si je n’attends toujours rien de l’Homme, je ne crois plus du tout en lui.
D’ailleurs, que peut-on attendre d’un être qui porte si fièrement l’apocalypse au plus profond de lui ?
Je vous embrasse ma chère amie.
H.A.
Je lis et je relis votre lettre et je m’aperçois avec stupeur que vous n’êtes pas la femme rationnelle et cartésienne que je pensais. J’en veux pour preuve cette espèce de terreur que vous a inspirée la fin du monde annoncée pour le 21 décembre dernier. Vous, une femme si cultivée, si intelligente, comment avez-vous pu vous laisser abuser comme une midinette par cette mascarade ? Comment avez-vous pu un seul instant croire ces sornettes d’un autre âge ?
Il est vrai cependant que l’apocalypse n’est pas une vue de l’esprit, une invention de je ne sais quels prophètes de l’Antiquité. Parce que, ma chère Amie, elle existe, mais pas là où vous redoutiez qu’elle soit, mais plutôt dans l’Homme. Au cœur de l’Homme. Et vous remarquerez la majuscule à Homme.
Depuis que le monde est monde, et cela a commencé avec Caïn et Abel, les hommes se déchirent, se battent, s’entre-tuent. Sur chaque continent, dans chaque pays, parfois même dans chaque village. Et pour quelles raisons ? Pour quels motifs ? Pour de l’argent, pour le pouvoir et même pour des femmes. Parfois même pour rien, sinon pour le seul plaisir absurde de montrer sa force, d’étaler sa puissance.
Un philosophe anglais du XVIIe siècle, Thomas Hobbes je crois, a écrit dans un de ses ouvrages: « dans son état de nature, l’homme est un loup pour l’homme. » La modernité de cette phrase n’a rien perdu de son actualité, hélas. À ceci près que le loup tue pour se nourrir, pour vivre. Alors que l’Homme, lui, tue par orgueil, vanité ou pour le plaisir.
Voulez-vous des exemples ? Je n’en citerais que quelques-uns. La place et le temps me manqueraient pour les citer tous.
On a souvent affirmé que la première guerre mondiale avait été provoquée par l’assassinat d’un aristocrate à Sarajevo. Foutaises que cela ! Balivernes pour gogo ! En réalité, si cette abominable boucherie a été déclenchée, c’est parce que les Français, depuis la défaite de 1870, rêvaient d’en découdre ; mais aussi parce que le militarisme prussien, l’orgueil et la suffisance d’une caste militaire prussienne décadente, la morgue et l’aveuglement d’un monarque borné ont été la cause de la pire boucherie qu’il ait été donné aux hommes de subir.
Si cette guerre n’a pas été l’apocalypse, alors, qu’est-ce que l’apocalypse ?
Et comme si cela n’avait pas suffi, le monde est reparti dans sa folie meurtrière vingt ans plus tard, mais en montant de plusieurs crans dans l’horreur, dans le cauchemar, dans l’épouvante. D’Auschwitz à Hiroshima. Et là encore, pourquoi, bon dieu, pourquoi ? Parce que l’Homme porte en lui, au plus profond de lui la terreur infinie, l’horreur absolue ! Et comment appeler cela, sinon l’apocalypse ?
Mais aussi, comment ne pas parler de toutes ces guerres locales à travers le monde ? Ces guerres où des enfants sont enrôlés, de force, pour tuer leur propre père, leurs propres frères ; pour violer leur propre mère, leurs propres sœurs ! Ces guerres où des millions de pauvres gens sont affamés, empoisonnés, réduits à l’état de troupeaux errant d’une famine à une autre !
Ne s’agit-il pas, là aussi, de l’apocalypse ?
Et que dire de ces tueurs armés jusqu’aux dents et qui vont d’une école à une autre, d’une fête à une autre et qui tuent, qui massacrent le sourire aux lèvres !
Que dire aussi de ces obscurantistes qui lapident la femme adultère, qui coupent la main du voleur, qui brulent les livres, qui détruisent les temples qui font la richesse de l’Humanité ?
Oui, que dire de tout cela ?
Rien. Ou plutôt que cette apocalypse dont on nous a rebattu les oreilles ces derniers temps, une autre apocalypse est là, réelle, vivante, au cœur de l’Homme. Depuis la nuit des temps et jusqu’au moment où l’Homme par sa démesure et sa vanité se détruira lui-même.
Quand j’étais jeune, j’avais coutume d’affirmer haut et fort que si je n’attendais rien de l’homme, je croyais en lui, en son humanité, en son intelligence.
Mais les années passants, mes lectures et la réflexion aidant, je ne suis plus aussi optimiste et j’ai revu à la baisse cette vision quelque peu naïve de ma jeunesse : si je n’attends toujours rien de l’Homme, je ne crois plus du tout en lui.
D’ailleurs, que peut-on attendre d’un être qui porte si fièrement l’apocalypse au plus profond de lui ?
Je vous embrasse ma chère amie.
H.A.
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